09 - Mythologies et symboles

Publié le 18 juillet 2009 par Collectif Des 12 Singes

Mythologies et symboles
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La dimension spirituelle du mégalithisme atlantique se traduit par une nouvelle forme d’art. En construisant ces grands monuments de pierre, les humains néolithiques de l’extrême occident de l’Europe se sont offert un nouveau support pour transcrire par l’image quelques-unes de leurs pensées les plus profondes. Diverses techniques vont être employées : les peintures, les tracés en creux (gravure), les sculptures en bas-reliefs, et la pierre qui va offrir aussi la possibilité de créer la première statuaire, sous forme de stèles ou de véritables statues.
Evidemment, cette spiritualité s’inscrit dans une longue tradition dont maints sites célèbres du Proche et du Moyen-Orient offrent les plus anciennes manifestations (même si les fondamentaux peuvent également remontés au Paléolithique franco-cantabrique, avec ses peintures rupestres). On sait que le culte de la féminité et du taureau y sont omniprésents, et l’on sait aussi que l’art symbolique néolithique, souvent lié au mobilier, s’accompagne d’une capacité décorative étonnante.
Il existe ainsi, malgré quelques similitudes (réelles ou virtuelles), une originalité et une indépendance des trois grands foyers primaires de l’art mégalithique occidental, celui de l’ouest de la péninsule ibérique, celui de l’Armorique et celui d’Irlande (ce dernier se démarquant plus nettement des deux premiers car étant plus récent).
Les symboles les plus réalistes sont ceux de l’art armoricain, dominé par la présence d’une divinité puissante représentée soit sous forme de stèle anthropomorphe soit sous forme de gravures dites en « écusson » (des pierres aménagées pour aboutir à une silhouette vaguement anthropomorphe sont associées aux tombes à couloir précoces du -Vè millénaire, par exemple à l’île Guennoc).
A Avrillé, certaines pierres d’un alignement, en particulier les plus hautes (orienté nord-sud), dont les faces planes (décorées de peintures, voire de gravures) regardent vers l’est (lever du soleil), représentent une silhouette humaine.


La thématique de l’art mégalithique peut être répartie en deux groupes : l’un schématique et plus précisément géométrique, l’autre naturaliste, constitué de soleils et d’armes, de symboles anthropomorphes ou serpentiformes.
Dans le premier groupe, on recense des triangles horizontaux ou verticaux, peints et/ou gravés, des lignes ondulées, des cercles et des cupules.
Les triangles sont propres aux plaques à caractère anthropomorphes.
Les lignes ondulées sont une représentation naturaliste du serpent.
Ainsi, triangles et lignes ondulées sont en quelque sorte des idéogrammes, proches de l’écriture.
Les cercles et les cupules sont associés à des figures humaines, et représentent des thèmes solaires.
Le symbole anthropomorphe, très varié et permettant un rapprochement avec l’art schématique, décrit alors des scènes revêtant un caractère narratif, telles que la chasse, les couples, etc.


L’association du symbole de la crosse avec une pierre dressée est assez fréquente en Armorique (on la trouve aussi au Portugal où l’objet réel existe bien), taillée dans le schiste et parfois brillamment ornementé, tout comme il resplendit de son or dans les tombes princières de Varna en Bulgarie : le symbole a été véhiculé dans toute l’Europe par l’intermédiaire d’ornementations céramiques.
La crosse est donc liée au pouvoir de la divinité féminine (en tant que Maîtresse des animaux), transmis aux grands dignitaires de la société. Elle représente la houlette des premiers bergers, devenue symbole d’une maîtrise « douce » du monde animal (et, par extension, d’un pouvoir politique sur les humains : être sous la houlette de). Cette symbolique, qui elle aussi remonte aux origines du Néolithique, a eu les faveurs de nombreuses civilisations (de l’Egypte à la Rome antique entre autres) pour aboutir, dans le monde chrétien, au thème du « bon pasteur » et à la crosse épiscopale.
Ce symbole de la crosse se retrouve aussi sur les poteries, souvent en éléments opposés deux à deux.

La hache est un objet utilitaire, même si de magnifiques exemplaires ont été réalisés dans des matériaux de luxe tels que la jadéite, alors biens de prestige. Mais la hache est aussi le symbole du feu et de la foudre : c’est un symbole céleste qui peut être associé au serpent, symbole de la terre (ce thème, à Gavrinis, est sous-jacent à la figuration de la divinité féminine à la crosse).
La hache, outil de base du paysan-défricheur néolithique mais aussi « pierre de foudre », est, dans la dualité de base commune à bien des civilisations, constitutif du principe masculin et fécondateur.
Mais cette hache peut aussi prendre une allure différente : toujours emmanchée et équipée d’une lanière, elle représente alors un araire qui ouvre la terre-Mère nourricière en vue d’y semer des graines pour assurer une nouvelle récolte.
La hache s’affirme ainsi comme un incontestable emblème du pouvoir. Ce culte de la hache fut primordial, instrument de la culture, du pouvoir et par extension, outil de mort (le pouvoir c’est la coercition, donc la capacité de rendre justice et de l’appliquer par la peine capitale : chef / bourreau, un qui tranche les conflits, l’autre qui exécute la basse besogne). Fréquemment, ces représentations de hache, d’apparat (forme triangulaire allongée et perforée, à porter en pendentif, tranchant évasé pour certaines), sont étroitement accolées par paires ; or on connaît des cas de bipartition par sciage longitudinal d’objets réels, à l’aide d’un fil et d’un abrasif. Cette curieuse pratique est très présente, s’y attachant une valeur symbolique de la hache partagée.

L’idole écusson, matérialisée dans de nombreux cas par la silhouette anthropomorphique du bloc sur lequel elle est figurée (forme ogivale plus ou moins marquée), connaît de nombreuses variantes qui, en passant par de simples quadrilatères aboutit aux seins et collier, révélant son caractère clairement féminin et terrestre.
A Gavrinis, l’écusson principal, au centre, s’entoure d’une chevelure rayonnante (autre des attributs classique de la déesse). Celui-ci enveloppe aussi une crosse du côté gauche et une lame de hache du côté droit.
On peut donc voir là une sorte de synthèse de ce qu’était la foi des bâtisseurs de Gavrinis : une divinité-mère et ses symboles de puissance : la crosse (héritière de la houlette du pasteur) et la hache (instrument de maîtrise de la forêt). Au niveau inférieur, serpents affrontés et haches évoquent des forces chtoniennes (« la terre », relatif aux divinités infernales, à l’enfer) complémentaires : la terre et le feu.
Un arc accompagné de deux flèches, de deux lames de haches et d’une bande de chevrons (évoquant un carquois ou un baudrier), sont une sentinelle symbolique montant la garde à l’entrée d’un sanctuaire à l’accès strictement réservé.

Les plus célèbres serpents sont les cinq serpentiformes verticaux situés à la base du menhir de Manio à Carnac qui indiquent l’accès vers les mondes souterrains des morts.
Les zigzags et méandres (sinuosité d’un fleuve, d’une rivière, par allusion au fleuve de Phrygie qui portait ce nom) sont un autre thème important, la plupart étant verticaux, renvoyant à la thématique du serpent dressé. Les têtes clairement marquées montrent qu’il s’agit de reptiles affrontés dans une attitude qui n’est pas sans évoquer leur parade nuptiale.

Sur la stèle des Marchands-Gavrinis (débitée et réutilisée pour ces deux monuments), une double figuration de bovidés est exceptionnelle. On sait que le culte du taureau remonte au moins au Paléolithique supérieur et qu’il est repris dans les sociétés néolithiques les plus anciennes. On sait aussi qu’un véritable culte des bovidés se traduit par des sacrifices puis sépultures double de bœufs. Or une telle sépulture a été retrouvée à Locmariaquer.
Dans l’art mégalithique, c’est, avec les petits cervidés et les chiens peints au Portugal (vraisemblablement par les derniers mésolithiques), le seul cas où des animaux soient figurés de façon assez réaliste, malgré la schématisation des membres et de la tête, et de l’exagération emblématique des cornes.
C’est bien par cet emblème que les bovidés manifestent leur puissance, et déjà dans l’art méditerranéen, les cornes sont isolées pour symboliser la force (à Gavrinis, les cornes sont en forme de lyre).
Dans la plupart des figurations armoricaines, quelques fois en Galice, le symbole bovin est simplement évoqué par des signes cornus, parfois multipliés et, encore une fois, la comparaison avec les petits ornements cornus en or de Varna s’impose.

Assez fréquents, les « parcellaires » (quadrillage de parcelles de terrains cultivables) ou « réticulés » (en forme de filet : au XIXème et début XXème siècle, un réticule était un petit sac – sorte de bourse – que les femmes prenaient lors de sorties et où elles rangeaient un mouchoir, un flacon de sel ou une vinaigrette) sont des séries de signes géométriques, possibles figurations de structures agraires : la propriété privée était déjà en place, à contrario des débuts de l’agriculture !

Les signes ondulés représente l’eau et la mer, source de vie et de nourriture (quoique, la pêche était très peu importante après le passage complet à la production d’aliments) suggérée par de rares figurations de bateaux à rames et proue relevée.

Des cupules, petites excavations creusées dans la pierre, se retrouvent à toutes époques (déjà existantes au Paléolithique, vers -300 000), soit sur des monuments soit sur des roches naturelles. Il existe un exemplaire au port de Guipry au milieu de la rivière, où elles sont recouvertes lors des crues et apportent de l’eau au moulin au culte des eaux : les dalles des dolmens étaient sacralisées préalablement à leur utilisation en recevant, dans leurs cupules, l’eau de pluie envoyée du ciel par les dieux. La cupule représente alors la Lune comme énergie de vie, dispensatrice de l’eau bienfaisante.
Ainsi, la Lune est source de l’énergie des humains, et le soleil source de l’énergie de la nature.
Au vu de rigoles qui reliaient les cupules entre elles sur des surfaces plus ou moins horizontales, on effectuait également des libations rituelles (présentation d’une boisson en offrande à un dieu).
Des cupules ibériques étaient remplies d’ocre rouge, d’où partaient des « rayons » gravés et peints en rouge.

Apollon, dieu soleil, n’en finit pas de dominer toute cette mythologie, et lorsqu’à l’aube de l’âge du bronze les peuples aux campaniformes commenceront à édifier l’un des plus grands temples mégalithiques de l’Occident, Stonehenge, ce sera encore à la gloire du soleil (à la mort du défunt l’âme se transforme en cheval pour le Paléolithique et le Mésolithique, elle rejoint la terre au Néolithique, alors que l’âme gagne le soleil pour le bronze et le fer).

Il existe un fort sentiment religieux lié au culte des morts, à la fécondité et à l’agriculture.
Toutes les grandes bases de la mythologie antique sont donc déjà posées, avec un art (apparu dès le -Vè millénaire, soit dès le début des mégalithes) assez abstrait où les représentations végétales et animales (exception, notable, faîte des bovidés et des serpents) sont absentes.
D’aspect schématique et peu spectaculaire, l’art mégalithique révèle en fait une pensée symbolique riche et complexe, évoluant à travers les siècles dans ses représentations, sans doute dans son contenu, mais d’apparence homogène de la Bretagne à la Marne et au sud de la Bourgogne, voire plus loin jusqu’en Suisse (alignements de Sion). La diversité des monuments où il est figuré, certes avec des variantes ou des motifs spécifiques, renforce l’impression bien réelle d’un phénomène de grande ampleur, dépassant les particularismes régionaux et traduisant sur un vaste territoire, il y a plusieurs millénaires, une communauté de pensée que la diversité des vestiges est loin de faire soupçonner.


Au début du -IIIè millénaire, la région Poitou-Charente cesse alors de construire de nouveaux dolmens, ce qui n’est pas le cas pour la Bretagne et la Normandie, mais la notion de démonstration de puissance n’existe plus du tout avec les hypogées et les allées couvertes enterrées, invisibles dans le paysage. Les allées couvertes armoricaines, malgré leur position sur le sol (mais protégées par un tertre) et leur entourage mégalithique, marquent une rupture dans le cadre social : leur rôle funéraire devient primordial, la présence d’une divinité féminine attestant la persistance d’une profonde spiritualité et reflétant un apport mythologique nouveau (ce personnage féminin se manifeste donc dans le monde des morts, il s’accompagne parfois d’une rame, indispensable aviron de gouverne pour manœuvrer le bateau des enfers).
Une grande statuaire de pierre va donner à la figure humaine un rôle essentiel, phénomène se manifestant sensiblement à la même période dans d’autres régions d’Europe occidentale (à partir du Néolithique moyen apparaissaient de petites statuettes en terre cuite et les premiers anthropomorphe peints et surtout, sous des formes diverses et plus symboliques que schématiques, les éléments anthropomorphes dans l’art mégalithique occidental, précurseurs du grand art anthropomorphe qui se manifestera au Néolithique final avec les stèles et statues-menhirs). Les pratiques funéraires communes et la diffusion d’objets tels que les pointes de haches et les poteries, indiquent un réseau d’échanges entre les divers clans.
Tout ceci fini par produire un grand flux de personnes, de produits et d’idées selon un grand corridor européen de création et d’innovation, dont Stonehenge est le prolongement.
Tout ceci va de pair avec de nouvelles structures funéraires, vers -3 000/-2 500, comme le dolmen angevin ou angoumoisin (région d’Angoulême) – l’élargissent et l’allongement de la chambre dolménique offre alors les plus mégalithiques de tous les dolmens –, les « sépultures en équerre » (ou dolmens coudés, propres au Morbihan/Bretagne) et les allées couvertes. Ces monuments sont inspirés du nord de l’Europe et du bassin parisien. Leurs dalles sont à même hauteur tout au long d’une chambre rectangulaire parfois séparée d’une cellule terminale par une dalle transversale. Cette cellule porte l’essentiel des figurations religieuses. La nouveauté est la réalisation de motifs en relief, en ronde-bosse (élément sculpté dont on peut faire le tour, à la différence du bas-relief ou du haut-relief – pour exemple, la Vénus de Milo), souvent intégrés dans des cartouches. Un des motifs essentiels est la déesse-mère figurée symboliquement par une paire de seins accompagnée d’un collier. Parfois, deux paires de seins de tailles différentes sont associées, suggérant une dualité mère-fille.
Dans les hypogées de la Marne, la déesse des morts est sculptée sur la paroi gauche de l’antégrotte et une hache figure de part et d’autre de l’entrée, dans la chambre funéraire.
Son dédoublement est aussi une belle évocation du mythe (bien sûr plus tardif, en tout cas dans cette version) de Déméter et Perséphone (déesse des morts-déesse des moissons, association reprise par la suite dans le monde gréco-romain avec Cérès-Proserpine : le principe de la dualité des idoles trouve son origine au Proche-Orient et en Méditerranée orientale où des idoles doubles en or – Alaca Hüyük, en Anatolie – ou en céramique – Chypre – sont fréquentes), mère et fille, dont les relations délicates règlent les saisons et la qualité des moissons, et qui marquent la liaison entre la terre féconde et la mort.

Fille de Titans Cronos et de Rhéa, sœur de dieux olympiens vainqueurs de ces Titans primordiaux (en tant qu’entité des forces élémentaires, vénérées avant les panthéons organisés et donc la civilisation) Zeus, de Poséidon, d’Hadès, d’Hestia et d’Héra, Déméter
(« la Mère de la Terre ») est avant tout la déesse du Blé, dont elle facilite la germination, et de la Moisson, dont elle assure la maturité.
Outre ses amours avec Iasion, qui s’unit à elle dans un champ labouré trois fois et lui donna un fils qui fut appelé Ploutos et qui devint la personnification de la richesse, le dieu de l’Abondance, et avec Poséidon, qui, changé en cheval, alors qu’elle s’était métamorphosée en jument pour lui échapper, engendra le coursier Aréion (cheval immortel, doté de la parole) ainsi qu’une déesse mystérieuse, dont il était interdit de prononcer le nom (aussi désignait-on cette fille de Déméter sous le vocable de Despœna, « la Maîtresse »), on connaît surtout sur Déméter la célèbre légende qui retrace l’enlèvement de sa fille Perséphone (dont le père était Zeus, frère de sa mère ; elle est d’abord connue sous le simple nom de Koré signifiant « la jeune fille », par opposition à Déméter, « la mère ») par Hadès (dieu et roi des Enfers) qui voulait en faire sa femme. Celle-ci jouait avec ses compagnes en Attique, dans la plaine d’Éleusis, et cueillait des fleurs. Elle aperçut alors un beau narcisse, et, au moment où elle allait casser sa tige, la terre s’entrouvrit, et Hadès apparut : il enleva la jeune fille, qui poussa un cri déchirant. Déméter entendit cet appel d’épouvante et quitta alors l’Olympe. Pendant neuf jours et neuf nuits, elle erra sur la Terre, sans manger, sans se baigner, sans prendre jamais de repos, à la recherche de sa fille et de l’auteur du rapt, négligeant les récoltes de la Terre. Au dixième jour, Hélios (représentation divine du soleil, de la chaleur et de la lumière solaire), pris de pitié, lui révéla le nom du ravisseur. Alors, dans sa colère, la déesse refusa de regagner le séjour des dieux tant que sa fille ne lui serait pas rendue. Elle se réfugia à Éleusis (haut lieu de la mystique grecque, avec ses fameux Mystères, dévoilement initiatique à l’égard du profane, une seule fois dans sa vie) chez le roi Céléos, époux de Métanira, qui l’accueillit avec beaucoup d’égards. Pour remercier son hôte, la déesse voulut accorder à Démophon, le fils du roi, l’immortalité. Mais ses pratiques magiques affolèrent Métanira, et Déméter, surprise, lâcha l’enfant dans le feu. Pour consoler les parents, Déméter enseigna à Triptolème, leur autre fils, l’art de labourer les champs, d’ensemencer la terre et de récolter les céréales. Pourtant, depuis le départ de Déméter de l’Olympe, la terre était devenue stérile ; la famine et les épidémies menaçaient les mortels. Zeus, inquiet, intervint auprès d’Hadès pour que Perséphone fût rendue à Déméter. Mais le dieu des Enfers refusa parce que sa jeune nouvelle femme avait mordu dans une grenade au cours de son séjour chez les morts, ce qui, magiquement, lui interdisait tout retour au séjour des vivants. Finalement, un compromis intervint : Perséphone vivrait avec sa mère six mois de l’année, et les six autres mois elle les passerait en compagnie de son époux Hadès. A la première période de la vie annuelle de Perséphone correspond le printemps, les jeunes pousses qui, comme la déesse, sortent de la terre sous la protection de Déméter ; à la seconde période, l’époque des semailles de l’automne, des grains de blé enfouis dans la terre, comme Perséphone retournant au séjour des morts.

Perséphone passe aussi pour la mère de Zagreus, conçu avec Zeus métamorphosé en serpent.
Zeus le confie à Apollon et aux Curètes, dans l’espoir de faire de l’enfant son héritier. Ceux-ci le cachent dans les bois du mont Parnasse. Héra, jalouse, envoie les Titans à sa poursuite. Ils retrouvent l’enfant grâce à des jouets et des hochets et le mettent en pièces. Ses membres sont ensuite dévorés, à l’exception du cœur, qu’Apollon (ou Athéna, suivant la version) parvient à sauver. Zeus avale le cœur de l’enfant et parvient ainsi à lui donner naissance une seconde fois, sous le nom de Iacchos (d’où une étymologie proposée pour le nom de Dionysos :
« deux fois né »). Les Titans, pour leur part, sont foudroyés par Zeus, et de leurs cendres naît l’humanité.
Ce mythe, très proche de celui d’Osiris (lequel sera assimilé par les Grecs à Dionysos), peut être interprété comme le symbole de la mort de la végétation en hiver, et de sa renaissance au printemps. En effet, Dionysos est associé dans les cultes à mystères à Déméter et Perséphone, déesses de la végétation. Le massacre de Zagreus reflète les sacrifices humains et animaux qui ont cours sur les îles de Chios ou Lesbos.
La partie du mythe sur les Titans, incompatible avec leur histoire narrée par la Théogonie d’Hésiode, permet aux adeptes de l’orphisme de répondre à la question de l’origine du mal : les humains portent en eux la marque des Titans, mais aussi une parcelle du dieu, Dionysos. Le mythe porte toutes les marques de l’archaïsme : il se rapporte à l’ancien rite du sparagmos (démembrement rituel) et de l’omophagia (consommation de chair crue après le sparagmos), et s’appuie sur la conception archaïque de la culpabilité héréditaire.
Divinité infernale, Perséphone est aussi à l’origine une déesse du blé, comme sa mère. La fertilité du sol est étroitement liée à la mort, car les grains de semence sont conservés dans l’obscurité pendant les mois d’été, avant les semailles de l’automne. Ce retour de la vie après l’ensevelissement est symbolisé par le mythe de Perséphone, enlevée, puis restituée, et donne naissance aux rites des mystères d’Éleusis (enseignement sur l’immortalité de l’âme et de son éternel résurrection après la mort). Pour les fidèles, le retour sur terre de la déesse est une promesse formelle de leur propre résurrection. Ce mythe n’est pas sans rappeler ceux d’Attis/Cybèle, d’Adonis ou de Dionysos.

Que son culte vienne d’Egypte ou qu’elle soit d’origine crétoise, il n’est reste pas moins que Déméter joue le rôle bien connu de la grande déesse-mère bienfaisante. C’est elle qui révèle aux humains le secret de l’agriculture, et c’est son fidèle Triptolème qui, sur un char ailé tiré par des serpents, a fait le tour du monde pour répandre ses bienfaits, en particulier la culture du blé.
On reconnaît que cette déesse est l’une des divinités les plus favorables aux humains et qu’elle se réjouit dans la Paix et le labeur. Elle ne faisait pas partie des douze dieux de l’Olympe, puisqu’elle préférerait rester près de la terre et des champs.
Une grande quantité de temples et sanctuaires dédiés à Déméter parsemaient la Grèce, témoignant de l’importance de son culte. Déméter fut honorée dans les mystères d’Éleusis, un culte célébrant le retour à la vie et le cycle des moissons, symboles perpétuels de mort et de résurrection. Il ne s’agissait pas seulement d’une prise de position philosophique, mais ces mystères constituaient plutôt pour les initiés l’expérience par excellence de l’illumination. Les rituels des mystères étaient toujours accomplis par les prêtres de Déméter. Parmi les plus connus d’entre eux, on retrouve Céléos et son fils Triptolème, à qui Déméter avait donné la tâche d’enseigner l’agriculture et de semer le blé sur Terre. L’aspect principal de ce culte se construisait autour de la culture du blé et le cycle vie entreposage–semis–renaissance des cultures.

Au cours des siècles de l’Antiquité, les attributions de Déméter se multiplièrent. La déesse fut vénérée comme une des divinités principales de l’Abondance et de la Fertilité par les initiés aux mystères et par les agriculteurs qui célébraient, au moment des moissons, des fêtes comme les Thesmophories et les Éleusinia. Assimilée à Cérès par les Romains, Déméter est le symbole de la civilisation antique dont elle assure, par l’abondance des récoltes, le perpétuel épanouissement économique et social.


La bouche est toujours absente sur les stèles anthropomorphes du sud de la France, témoignant du silence de la mort. Présentes sur les lieux de vie quotidienne ou près des morts, les stèles jouaient un rôle d’intermédiaire entre ces deux mondes, assurant un lien symbolique entre deux domaines inopposables dans le contexte de la société néolithique.
Les représentations d’armes y sont relativement rares : haches, arcs et flèches sont généralement associés et considérés comme des attributs masculins.
Tous les caractères anatomiques restent discrets et il n’y a jamais de représentation explicite d’organes sexuels, contrairement à des époques précédentes. Pour autant, la distinction devait avoir une réelle importance comme le confirment les exemples de transformation du décor destinés à modifier le sexe symbolisé. Même si ces modifications sont peu nombreuses, il s’agit surtout de statues primitivement masculines transformées en statues féminines par le martelage de l’objet (the thing, signe évoquant une sorte de vase à pied avec une anse, interprété comme un poignard ou un type de hache particulière) et l’adjonction de seins et de colliers gravés. Mais une statue du Tarn a vécu des péripéties : masculine à l’origine avec l’objet, elle a été d’abord féminisée, puis retransformée en homme par la re-gravure de l’objet et son baudrier, pour être finalement reféminisée par un collier.
Ces dernières, dans le midi de la France, font leur apparition dans un contexte où interagissent pression démographique et évolution fondamentale des systèmes sociaux, phase charnière de l’évolution des sociétés néolithiques, à l’issue de laquelle la symbolique de l’âge du bronze, fondée sur des aspects à la fois plus virils et guerriers mais aussi agraires, va se substituer à la symbolique néolithique. Certains aspects de ce renouveau sont en germe dans l’iconographie des statues-menhirs, ce qui montre une certaine continuité conceptuelle, toutefois empreinte de ruptures dont témoignent les réutilisations, les destructions, l’abandon de certains motifs ou leur remplacement.

Vers -3 000, on assiste en effet à des incursions en provenance du Danube et d’Ukraine, avec le cheval et le bronze (après le cuivre). Il s’agit des premières migrations d’Indo-Européens, notamment par le biais de groupes de spécialistes campaniformes, commerçant une panoplie prestigieuse, diffusant de nouvelles idées et rites (le vase campaniforme lui-même aurait pu servir à la consommation rituelle d’une boisson enivrante). A la fin du Néolithique, les contacts sont réguliers. Dans le même temps, des dislocations culturelles révèlent le besoin d’Autonomie et d’identité de certaines régions. Cela révèle des apports, des métissages, de caractères méditerranéens, mais aussi des contacts avec l’Europe centrale.

Les manifestations explicites de tueries guerrières deviennent plus nombreuses au –IIIè millénaire, qui voit la fin du mégalithisme et l’avènement de l’âge des métaux.
Si les campaniformes (il s’agit plus de pratiques et de styles culturels adoptés par divers peuples d’Europe – melting-pot portugais, européen septentrional et central ainsi qu’un foyer rhénan –, plutôt que d’une expansion d’un « peuple campaniforme » imaginaire) les réutilisent (on passe alors d’une tombe mégalithique restant une référence, à un monument à architecture ouverte lié à l’observation du soleil et de la Lune), les gens de l’âge du bronze abandonnent totalement les rituels liés aux monuments Collectifs.

La divergence des branches de l’indo-européen aurait commencé vers -3 500/-3 000, au Chalcolithique, phase comprise entre le Néolithique et l’âge du bronze, définie par l’apparition de l’usage du cuivre.
La culture des Kourganes, à l’origine des Indo-Européens, trouve ses racines vers -4 500 dans les steppes d’Europe centrale (Ukraine et Russie méridionales, avec le nord du Caucase), dont la néolithisation s’est effectuée à partir soit d’Asie Centrale soit du Caucase (et sûrement à partir des deux). Bien que ses porteurs pratiquent l’agriculture (mais nettement plus primitive que celle des Danubiens) et l’artisanat (tissage et céramique, usage du cuivre), leur économie repose essentiellement sur l’élevage de bovins, ovicaprins et chevaux (domestiqué vers -4 000). L’habitation typique, assez frustre, est une maison semi-enterrée et les villages pouvaient être fortifiés ou sous forme de citadelles.
D’abord plates et bordées ou couvertes de dalles de pierre, les tombes sont, à partir du -IVè millénaire, surmontées d’un tumulus (le fameux kourgane). La religion, dominée par des divinités masculines, accordait une large place au soleil et également à un dieu de la guerre. Le rôle rituel du cheval en tant que passeur d’âme est évident.
Il existe une réelle opposition entre la « Vieille Europe » de culture danubienne (autant à Varna, source initiale bulgare de néolithisation de l’Europe de l’Ouest, que sur la façade atlantique) et les cultures des Kourganes. Même si les deux sont fortement hiérarchisées, la base économique est principalement agricole et sédentaire (voire clairement urbaine) dans les cultures danubiennes, avec un culte d’un principe féminin (à la source du développement d’une protoécriture cultuelle, à destination des rituels symboliques envers la Fécondité/Fertilité) et une militarisation moindre que dans les cultures des steppes, pastorales et semi-nomades, agressives et conquérantes.
Ce choc des cultures marquera le triomphe vers -4 200 des conquérants venus des rivages nord de la Mer Noire sur les riches métallurgistes Pacifiques danubiens.

Quand l’Europe passe du Néolithique à l’Age du Bronze, le pouvoir est encore plus concentré. Les individus finissent par acquérir la même notoriété dans la mort que dans la vie. Le paysage se couvre de tumulus individuels. C’est typique de l’Europe occidentale, et ça implique que l’on passait rapidement d’un ancien à un nouveau système. Au Néolithique, les tombes étaient de long tumulus à vocation Collective où on déposait les corps au fil du temps, ce qui leur donnait une valeur ancestrale.
De nouveaux tumulus, de forme arrondie, ne renferme plus qu’un individu. On passe du culte des ancêtres à celui d’un individu. Les magnifiques objets funéraires de ces tumulus expriment deux points importants de cette société : certains individus ont amassé une importante fortune personnelle, la communauté a acquis des capacités artistiques impressionnantes et surprenantes. On a longtemps cru que la technologie était assez rudimentaire, comme leur société. Mais il y a des communautés et des arts plus évolués.
Les tombes individuelles expriment donc les profonds changements sociaux au cours du -IIIè millénaire, époque contemporaine de Stonehenge, bâti pour calculer la course solaire et lunaire.
L’affirmation du pouvoir, par la connaissance des élites de l’astronomie, est la raison d’être de Stonehenge, qui a été commandé par une élite, qui avait un événement majeur à l’esprit à commémorer : le Peuple afflue pour voir un évènement qui, parce qu’on leur a dit, va changer leur vie. Cinquante-six trous de poteau équivalent à trois cycles lunaires, nécessaires pour obtenir un nombre entier de jours correspondant à un nombre comparable de jours du cycle solaire : ainsi, les deux cycles se recoupent et en particulier les éclipses sont prévisibles.
Les gens se pressent également lors du solstice d’hiver : parce qu’avant le soleil, ces peuples vouaient un culte à la Lune, Stonehenge est fait pour le solstice d’hiver (soleil au plus bas, plus longue nuit de l’année) et pas pour le solstice d’été (soleil au plus haut).

Au Chalcolithique en Catalogne, entre -2 800 et -2 400, des monuments continuent à être construits, mais en moins grand nombre : d’autres éléments de prestige apparaissent, tels que des marqueurs d’apparat en métal et des céramique de luxe.
Dans le domaine méditerranéen, les monuments mégalithiques seront utilisés tard dans la protohistoire : même si leur rythme de construction diminue puis s’interrompt, leur fonction funéraire se poursuit.
Vers -2 500, on assiste au véritable début des guerriers et des protections des villages.
En Catalogne, entre -2 400 et -2 100, les dolmens sont toujours utilisés mais leur construction est abandonnée, et ils ne sont plus réutilisés que pour des inhumations uniques : ceci prouve que, si le respect des tombeaux anciens est encore observé, le rituel funéraire change.
Vers -1 500, au cours de l’âge du bronze, les réutilisations des tombes mégalithiques cessent.