Dehors on tonne, on corne, on plastronne, on traîne aux marches des mairies, on entonne le wedding march sous des kilos de riz. Ces grains de bonheur pleuvant loin des ventres vides. Dehors c'est Samedi et moi ce qui me dit c'est que rien ne dira plus ce qui nous dit vraiment. Un modèle d'humanité se meurt, nous n'en avons rien à branler, nos modèles sont d'un moule où rien n'attache plus. Ni la chair ni le sang ni la voix ni le rire ni les larmes. La peste reconquiert le terrain. Nous sommes devenus le terrain des écrouelles. Ne me touchez pas ! Ne me regardez pas ! Entendez ma crécelle et fuyez ! Peignez sur vos portes des croix blanches car après que la nuit ait fait oeuvre d'élimination, l'illuminé sérail du spectacle vous prendra ce qui vous restera. Le vague souvenir d'avoir été autre chose que la bête mauvaise, de la dépouille de laquelle vous costumez vos humeurs d'anges ignoblement vièrges de toutes pensées. Ne vous regardez plus ! Ne vous touchez plus ! Ne vous approchez plus ! Nous ne sommes à présent plus que la chambre forte d'où rien ne peut naître qui ne soit que la copie conforme du pas de l'homme sur la Lune. Un petit pas pour l'homme, un grand ensevelissement pour l'humanité.
Les opérations de maintien de l'ordre ont rencontré un vif succès auprès des populations de Montreuil sous bois, de Villiers le Bel, de Bagdad, de Téhéran, de Djakarta, de ... de ... de ... Rien ne se passe près de chez vous.
Dedans on sirote, on somnole, on se baise au front, on sifflote des airs à la mode. Dedans on pleure et on appelle ça "catastrophe naturelle", faillite personnelle et on appelle au don. Et vrai, au dedans comme au dehors, on s'en branle. Car dans quelques heures on sera bourrés comme des huîtres. Et nous ne nous souviendrons de rien.
Aout 1914, Louis Ferdinand Destouches est assis en terrasse, au café Wepler place Clichy, Paris 18e. Et avec un ami il regarde passer les conscrits. Il fait un temps splendide. Un temps magnifique pour aller rosser les boches...