09 - Nouveaux rapports sociaux et développement de l'artisanat / des échanges

Publié le 19 juillet 2009 par Collectif Des 12 Singes

Nouveaux rapports sociaux et développement de l'artisanat / des échanges
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Puis le PPNB, doté d’une grande force d’expansion, s’étend en remontant l’Euphrate jusqu’en Anatolie méridionale.
A la phase moyenne (-8 200, -7 500), une nouvelle expansion atteint la Palestine à Jéricho et la Transjordanie.
Les agriculteurs-éleveurs n’apparaissent en Mésopotamie du nord qu’aux alentours de -7 500. A Magzalia, au cœur de la Djezireh (Nord de la Mésopotamie, région syrienne située au Nord-Est de ce pays, le long des frontières avec la Turquie et l’Irak actuels), on chasse encore beaucoup la chèvre sauvage, l’âne sauvage, l’aurochs, l’ours et le mouflon. Mais les animaux domestiques semblent plus nombreux que les animaux sauvages. C’est d’ailleurs dans ce village que la chèvre sera domestiquée dès -7 500 (en plus du mouton, déjà apprivoisé ailleurs à la même époque).
Si la chèvre, coutumière des terrains montagneux, se nourrit aisément, elle se laisse difficilement conduire en troupeau. C’est un animal assez sédentaire, facile à domestiquer, mais d’esprit indépendant. Le mouton, habitué des terres plates et des steppes, se déplace en troupeau et contraint l’humain à une certaine mobilité. La pratique de l’élevage d’animaux de boucherie favorise donc un nomadisme pastoral qui n’est pas la survivance archaïque d’un mode de vie issu du lointain Paléolithique. C’est un choix délibéré de certains groupes revenant à la mobilité pour mieux pratiquer l’élevage. Ces groupes, redoutées mais nécessaires (car leurs bêtes ne connaissent pas les limites des champs, mais au contraire aiment à venir y brouter), vivent à côté et en marge des sédentaires.

Diverses influences étrangères ont pénétré ce territoire, en même temps que certains objets culturels (plus ou moins utiles ou de prestige) et matières premières exogènes, portant témoignage de notables modifications comportementales.
Les biens culturels sont tous issus de matériaux exogènes. Ils pénètrent sur le site avec leur rareté et une fonction spéciale que tous les membres de la communauté ne devaient pas partager. Ces objets révèlent une forte convoitise des bergers, l’adoption rapide de nouveaux goûts, la satisfaction de nouveaux besoins, pour certains membres au moins. Ainsi, on observe de nettes différences de taille d’une maison à l’autre, ce qui est nouveau dans toute la région (sauf en Anatolie, sur la route de l’obsidienne).
Rattacher l’entrée de ces objets à des rencontres (fortuites ou organisées) que firent les pasteurs hors du massif, avec des colporteurs non bergers, reste une hypothèse soutenable, à condition de l’envisager assortie d’un échange équitable, inscrit à l’intérieur d’un système de troc. Compte tenu de la haute valeur détenue par chaque objet culturel convoité, on peut s’interroger sur la nature du bien échangé, demandé par les colporteurs.
Dans ce raisonnement, on peut faire intervenir un bien rare, comme par exemple un animal domestique (vivant ou découpé), choisi dans le cheptel, comme denrée susceptible d’avoir pu représenter une convoitise alimentaire de valeur égale, pour des individus non bergers.
De fait, un changement de perception du monde animal se trouve attesté par ces humains au statut de berger. La chasse reste une source d’appoint non négligée durant l’estivage en altitude, alors qu’elle est un moyen de subsistance majeur en période d’hivernage sur les piémonts et dans les plaines. Les bergers la pratiquent comme une épargne pour maintenir leur capital animal et laisser le temps aux troupeaux de s’accroître naturellement. Le cheptel comprend d’ailleurs un petit et un grand bétail : des moutons domestiques (que l’on peut trouver ailleurs) sont entourés de chèvres en voie de domestication complète afin qu’elles acceptent plus facilement la mainmise humaine (puisque les moutons suivent … comme des moutons).

Si les deux termes d’un échange équitable ont pu être acceptés, alors se met en place un « engrenage des échanges », de grands bouleversements dans la nature et la périodicité des rapprochements entre bergers et colporteurs. Biens de prestige et biens alimentaires ont alors conjointement initié une nouvelle synergie en s’échangeant, en s’unissant. A Magzalia, rien ne laisse présager une rupture comportementale au moment même où s’affirment le pouvoir économique et le premier statut social du berger, si ce n’est un rempart (mais construit bien après les premiers échanges), destiné justement à protéger les troupeaux (mais aussi les ateliers de production des outils d’obsidienne), très convoités.
Cela a pu faire sortir les bergers du système autarcique initial (en vase clos) et favoriser l’émergence d’un nouvel ordre social reposant sur le dialogue, la reconnaissance et la valorisation mutuelle des capacités et des savoirs. D’une satisfaction réciproque par l’échange des convoitises culturelles et alimentaires, sort alors les bases d’irréversibles changements comportementaux.
Partant de l’idée que tout animal domestique vivant sur pieds a représenté dès le début de la vie pastorale une nouvelle et haute valeur, pour satisfaire leur alimentation, les premières communautés ont établi et transmis le principe d’un abattage suffisant mais minimum, comme les chasseurs le faisaient déjà lors des chasses (en gage de respect envers les esprits et pour qu’eux-mêmes se montrent généreux avec les humains).
Dans la perspective de la mise en place d’une ébauche de gestion raisonnée et contrôlée du troupeau dès l’époque du Néolithique ancien, l’abattage pour raisons alimentaires est resté, par principe, assez inférieur à l’effectif du troupeau.
Lorsque pénètre le premier bien culturel étranger, la gestion autarcique du troupeau de mouton, avec un abattage sélectif et partiel, est inférieure ou égale à la moitié du troupeau. Pour les chèvres, étant en cours de domestication, il fallu préserver les individus les plus adaptés pour dégager une lignée domestique. Mais on peut très bien se débarrasser des éléments perturbateurs qui empêchent le troupeau en cours de constitution de tourner en rond (quitte à aller chercher de nouveaux individus sauvages à domestiquer ; puisque les autres commencent déjà à être moins farouches, ces nouveaux entrants s’habitueront plus vite que ne l’avaient fait les précédents).
Dès lors, le mode de vie autarcique initial va cesser. En effet, cet échange vient modifier et amoindrir la composition du troupeau. Le mode d’élevage aléatoire initialement instauré se révèle inapproprié puisqu’il ne peut pas suivre le rythme et l’accroissement des acquisitions si celles-ci devenaient très fréquentes.
En effet, la transaction mettant en équivalence un bien culturel convoité et un bien alimentaire échangé, dut faire prendre conscience aux bergers de la diminution de leur cheptel. Cette « perte animale consentie » ne dut pas prédisposer les bergers à renouveler souvent de tels échanges. Pour autant, ils prirent conscience que leur troupeau avait une valeur économique, au-delà de celle alimentaire. Pour la première fois, chaque bête vivante représente un capital disponible, renouvelable, et le troupeau est perçu comme une richesse économique communautaire. Il existe donc plusieurs niveaux, celui de l’animal vivant sur pied, sa valeur non alimentaire pour le berger, le troupeau et son sens capitalistique perçu par le pasteur.

Dans l’esprit de chaque membre se dessine l’idée de pouvoir troquer une des bêtes élevées pour obtenir des biens extérieurs, au caractère prestigieux et rare, entrevus lors des transhumances hivernales.
Cet objet est aussi alors un symbole fondateur d’une première hiérarchie au sein de la communauté, qui dut permettre de distinguer les pasteurs détenteurs de nouveaux biens culturels des autres membres.
Pour que les bergers puissent réaliser d’autres échanges sans diminuer leur niveau de consommation ni réduire leur capital-troupeau, il leur fut nécessaire d’envisager autrement l’élevage des chèvres. Ils ébauchèrent alors un contrôle des naissances, parvenant même peut-être à synchroniser et maintenir en équilibre une programmation des échanges en fonction de celle des naissances.
Par la suite, au-delà de cette gestion raisonnée du troupeau, se mit en place une gestion avec objectif d’accroissement du cheptel, permettant une ouverture de la communauté pastorale sur de plus fréquents actes d’échanges.
Les acquisitions se diversifient alors et s’accroissent, en même temps que le troupeau se développe.
Pour que tant d’actes d’échanges aient eu lieu sans heurts, il a donc fallu qu’aient été négocié, avec équité, les contreparties animales échangées. C’est à ce moment précis de l’entrevue et du dialogue qu’intervient le rôle de la parole donnée, celui de l’engagement (sans aucun contrat écrit bien évidemment).
Pour autant, s’il paraîtrait vraisemblable d’envisager une attribution des nouveaux biens acquis à un nombre plus grand de la communauté, on ne saurait sous-estimer l’installation d’une évidente inégalité entre les membres de la communauté.
Celle-ci aurait alors pu faire éclater le système Egalitaire initial. C’est à la suite d’un engrenage des échanges et des acquisitions qu’une première hiérarchie sociale s’est ébauchée, puis stabilisée, enfin mise en place sans affecter l’initiale cohésion communautaire, à condition de maintenir l’objectif d’accroissement du troupeau, indéniable assurance pour tous les membres d’une valorisation sociale (si tout le monde est riche, il n’y a plus de riches), d’une émancipation individuelle possible, avant de pouvoir essaimer et s’établir ailleurs.
On doit à une constante pression culturelle extérieure, une réponse négociée, mutuellement consentie par les pasteurs et les colporteurs. Le retentissement interne sur le comportement individuel et général de la communauté en a été évident. Le retentissement de cette vie pastorale globale à l’extérieure des montagnes fut lui aussi décisif, puisque ce sont les colporteurs qui durent répandre l’idée d’une viabilité de ce genre de vie, l’idée de ressources alimentaires permanentes, offrant richesses et capital toujours disponibles.

A Magzalia, bien que située dans une zone semi-aride, on y pratique également une agriculture extensive commençante : lorsque des bergers ont rencontré des cultivateurs, leur récolte sert aux humains et pour les animaux, autant que les animaux servent pour les humains et pour l’agriculture (d’abord avec l’engrais à base de leurs excréments puis comme force de traction avec la domestication, tardive, du bœuf).
Chaque village exploite le terroir qui l’environne sans qu’aucune contrainte démographique ne le pousse à le disputer à ses voisins. Cependant, l’originalité de ce village est d’être entouré d’un véritable rempart (le plus ancien de Mésopotamie), gros mur de 60 m de long constitué de blocs de calcaire, et pourvu de tours formant saillie. C’est un véritable ouvrage défensif, non un simple enclos. Il faut dire qu’on y fabrique les très recherchées pointes de flèches en obsidienne.
En échange des animaux, les habitants ont beaucoup utilisé l’obsidienne provenant du Petit Caucase pour fabriquer des pointes de flèche (pointes de Byblos) et ces outils particuliers qui caractérisent le PPNB du Taurus, les « outils de Çayönü » destinés au travail des peaux.
Depuis longtemps, les humains caucasiens taillaient leur outillage dans des galets d’obsidienne charriés par la rivière Kasakh ainsi que dans des blocs, plus gros, qu’ils allaient chercher sur des gisements distants de 30 à 40 km, dans la région du Mont Ararat (Arménie).
Toutefois, une technique particulière de retouche suggère des échanges, de technologie ou de produit fini, avec le Proche-Orient : cette technique est en effet attestée sur des sites des -VIIIè/-VIè millénaires du nord de la Mésopotamie (Magzalia en Irak, Boytepe et Çayönü en Turquie), où elle concerne exclusivement des objets microlithique en obsidienne, bien que ce matériau soit exotique pour cette région. Ainsi, les Caucasiens ont d’abord échangé de l’obsidienne contre des animaux, puis ont récupéré une nouvelle technologie de taille de leur propre matériau, peut-être en n’étant plus autant remboursés de l’obsidienne fournie (forme de brevet technologique : plus d’obsidienne contre moins de chèvres, taxation des savoirs oblige).
On recueille également de petites hachettes en pierre polie, connues depuis longtemps sur l’Euphrate comme dans le Zagros, des bracelets et une vaisselle abondante en marbre.


En Anatolie centrale (Cappadoce), mais à une phase plus récente, Asikli Höyük (-IXè millénaire, -8 400) est une très grande agglomération, toujours de chasseurs-collecteurs dans un premier temps, rassemblant, à l’intérieur d’un mur de protection en pierre, des dizaines d’habitations et des ateliers quadrangulaires en brique crue, en même temps qu’un imposant complexe spirituel. L’artisanat est aussi florissant qu’en Anatolie du Sud-Est à la même époque : pierre polie, perle d’agate, obsidienne taillée, industrie de l’os, métallurgie du cuivre.
Asikli Höyük est au départ d’une des principales routes commerciales de l’obsidienne d’Anatolie centrale et occidentale. Ce verre volcanique (en plus d’être brillant, aux vertus médicinales et/ou magiques), de la région atteint le Levant, le nord de la Syrie et de l’Irak, également Chypre. Au même moment, dans les Balkans, dès la fin du Paléolithique et jusqu’à durant l’Age du Bronze, cette roche est l’objet de systèmes d’échanges à longues distances comparables.

Le commerce de l’obsidienne et du sel était organisé par la classe dirigeante d’Asikli.
Alors que l’économie de subsistance de l’établissement était principalement basée sur une chasse et une collecte intensives (l’agriculture en était encore à une étape primitive), les principales occupations des habitants étaient la chasse et la collecte, la boucherie, le travail du cuivre, la maçonnerie et le commerce de l’obsidienne et du sel. Ces activités devaient être organisées et régentées par une autorité (personne ou groupe), jouissant d’un pouvoir et d’une certaine puissance dans la société. La continuité et la structuration du site témoignent d’une société complexe aux conventions et stratégies sociales très conservatrices, qui s’appuient encore sur une conception cyclique du temps.
Avant les fouilles d’Asikli et de Çayönü, on considérait les communautés du Néolithique Ancien comme de simples groupes plus ou moins Egalitaires, vivant surtout dans une lutte permanente pour leur survie. L’un des résultats de ces fouilles fut que l’établissement de Çayönü était composé d’unités distinctes illustrant clairement l’existence d’une communauté hiérarchisée et complexe, dès le -IXè millénaire. Ainsi, il existait une Fédération de cultures à grandes flèches d’obsidienne, avec de grands circuits de distribution permettant la diffusion dans plusieurs régions du Proche-Orient.

La partie occidentale de l’établissement rassemblait des maisons ordinaires, des petites huttes ou des espaces ouverts, spécialisés dans la fabrication d’objets.
La partie orientale du site était exclusivement réservée au culte, aux bâtiments publics et à des aires ouvertes, destinées à accueillir des cérémonies. La construction des bâtiments publics n’a pu avoir lieu que grâce à l’existence d’un travail considérable et bien organisé. Les vastes espaces cérémoniels étaient régulièrement entretenus et nettoyés, puis après une certaine période, étaient intentionnellement brûlés comme le corps des défunts.
Dans une zone voisine des bâtiments publics, se trouvent des édifices à caractère domestique appartenant selon toute évidence à une classe dirigeante, non seulement parce qu’ils sont plus grands et mieux construits que les autres maisons, mais aussi parce qu’ils contenaient des objets indiquant un statut élevé. La qualité des vases en pierre polie, l’industrie de l’obsidienne et le travail du beau carbonate naturel de cuivre (malachite) et par-là même des systèmes d’approvisionnement et de redistribution de matériaux sur de longues distances, rendent compte à Çayönü de nouvelles formes d’organisation sociale, d’une stratification sociale accentuée.

Les explications cognitives n’expliquent pas pourquoi les valeurs changent, ni pourquoi ces valeurs ne changèrent pas pendant 2 000 000 d’années pour commencer subitement de changer il y a 20 000 ans, et dans les lieux aux ressources de subsistance les plus riches. En effet, les inégalités socioéconomiques caractérisent les chasseurs-collecteurs complexes qui sont associés exclusivement aux ressources très riches, tandis que les sociétés de chasseurs-collecteurs simples (généralistes) ne comportent pas d’inégalités marquées et sont associées aux ressources les plus pauvres et les plus exposées à la surexploitation.
Dans les sociétés de chasse-collecte, la capacité des groupes humains à gérer les fluctuations des ressources dans l’espace et dans le temps (l’instabilité des milieux naturels) constitue une clé de leur adaptation. Pour cela, l’organisation de la prédation repose forcément sur une gamme de décisions qui vont conduire, par exemple :
* soit à exploiter le tout venant, supposant en contrepartie une forte mobilité de l’ensemble du groupe au sein du territoire ;
* soit à hiérarchiser les ressources potentiellement exploitables et à les exploiter en fonction de certains critères (abondance, proximité, facilité d’accès, valeur nutritive… etc.), permettant ainsi au groupe d’aménager ses déplacements, mais supposant, en contrepartie, une division sociale des tâches probablement différente ou un rapport différent entre groupes voisins.

Proportionnellement à la richesse naturelle du milieu, les mésolithiques pratiquent toujours l’exploitation d’une large gamme de ressources (contrairement aux groupes néolithiques). Pour autant, l’exploitation d’une large gamme de ressources, attestée durant ces périodes, ne va pas de soi. C’est d’abord une stratégie, enracinée socialement, qui doit gérer les contraintes de distance d’approvisionnement (entre des ressources pas forcément regroupées), donc de temps d’exploitation, en fonction de la valeur relative des ressources et des risques inhérents à la prédation.
En essayant de comprendre l’organisation socio-économique d’une communauté préhistorique de chasseurs-collecteurs complexes, on peut déterminer les fonctions et les rôles des élites dans les villages de communautés transégalitaires (sociétés intermédiaires : entre les vraies sociétés Egalitaires de chasseurs simples et les chefferies stratifiées). Dans les situations de crises, les élites n’apportent aucune aide à la communauté, mais ils profitent des crises. Les inégalités socio-économiques sont fortement associées aux régions les plus riches en ressources et à la production de surplus. Donc, les théories politiques (alors qu’auparavant les règles/coutumes/traditions faisaient les humains, à présent quelques hommes font la loi) et de contrôle des ressources semblent être les meilleures pour expliquer la concentration du pouvoir politique et socioéconomique.
Quels sont les moyens utilisés par les personnes ambitieuses (les
« agrandisseurs ») pour obtenir ce pouvoir ? Il y a plusieurs stratégies utilisées, et « agrandisseurs » peuvent utiliser plusieurs stratégies au choix. Cependant, certaines, tels que les festins et les objets de prestige, sont extrêmement répandus, et il y a aussi des tendances à sélectionner certaines stratégies selon le niveau de productivité des ressources et la complexité des communautés. Voici les stratégies les plus courantes, utilisées pour acquérir du pouvoir et d’autres bénéfices basés sur la production :
1. Festins ;
2. Prix payés pour les époux/ses ;
3. Investissements dans les enfants (pour augmenter leur valeur comme époux/ses) ;
4. Etablissement du contrôle privé sur les moyens de production ;
5. Utilisation d’objets de prestige pour la compensation des morts, des mariages, des transgressions et la création d’alliances et de toute relation sociale ;
6. Contrôle des échanges d’objets de prestige et établissement des taux d’intérêt sur les dons ;
7. Etablissement des dettes obligatoires ;
8. Etablissement de tabous, d’amendes et contrôle dans la résolution des disputes ;
9. Manipulation de la paix, de la guerre et d’autres catastrophes ;
10. Contrôle de l’accès aux esprits ;
11. Manipulation des valeurs culturelles (propriété privée, contrôle des ancêtres, de la fertilité et de la richesse, besoin alliances pour se défendre, acquisition des épouses par le paiement, compensation de crimes par le paiement, etc.) ;
12. Séparation des élites et des autres (comportement, étiquette, langue, maison, parures, vêtements, etc.).

L’objet fabriqué ne l’est plus seulement pour sa fonction : chargé de plus en plus de symboles, il devient objet rare, beau, spirituel, catalyseur d’un prestige inséparable du statut et du pouvoir.
Le travail social organisé était de mise au Néolithique : la spécialisation des métiers débuta dès le Néolithique PréCéramique A (de -9 800 à -8 800). Çayönü a montré des traces évidentes d’organisation et d’activité sociale qui avaient été strictement mises en application. Chaque étape est bien organisée, c’est-à-dire que les bâtiments (notamment les ateliers et les zones de stockage) ont été construits selon un plan préconçu.
Çayönü a révélé des milliers d’objets non-utilitaires, fabriqués dans des matières premières exotiques qui ont été importé sur le site, qui furent travaillés et finis de façon professionnelle : le travail de ces artefacts requiert non seulement une habileté technique, mais aussi un engagement à plein temps. Ceci est particulièrement flagrant dans la fabrication de perles en pierre, d’incrustations, de bracelets, de vases en pierre décorés, etc. Il serait très difficile d’envisager une communauté luttant pour sa survie et qui possède ou fabrique dans le même temps de tels objets exotiques, mais avant tout inutiles.
Il existe en effet des indications d’un commerce à longue distance très développé et organisé : l’obsidienne, ce verre d’origine volcanique, était transporté dans des régions très éloignées de ses sources. On en a retrouvé à Çayönü une grande quantité qui n’était pas essentielle à la survie de la société, et dont le commerce perdura sans interruption pendant plusieurs millénaires. Sachant que la source d’obsidienne la plus proche se trouve à plus de 150 km, de l’autre côté des montagnes, et que la plus grande partie de cette roche utilisée provient de sources où la qualité est excellente mais qui sont situées beaucoup plus loin, on peut dire que cette présence d’obsidienne est le résultat d’un réseau très organisé.
De plus, on a retrouvé à Çayönü de nombreux coquillages marins provenant, pour une part de la Méditerranée, et pour l’autre de la mer Rouge, ainsi que des pierres semi-précieuses utilisées dans la fabrication de perles.

Perçues à l’origine comme des sociétés simples, vivant de l’exploitation immédiate de leur environnement proche (où chaque unité domestique aurait produit aussi bien ses aliments que l’ensemble de son outillage), elles apparaissent désormais comme des sociétés diversifiées, où l’échange est l’un des fondements essentiels des activités techniques, économiques et sociales : le commerce à longue distance n’est pas plus l’apanage de l’âge du bronze qu’il n’est l’unique explication de l’émergence des chefferies et des premiers royaumes.
Certes, la circulation d’objets à longue distance n’est pas une nouveauté : dès le Paléolithique final, de l’obsidienne circulait déjà, mais sa fréquence augmente à partir du Mésolithique. Mais sur cette tradition millénaire, le Néolithique s’inscrit en rupture : non seulement les quantités augmentent considérablement (de très minoritaire, l’obsidienne devient dominante dans bien des sites), mais la gamme des biens qui circulent s’élargit notablement.
La sédentarisation des groupes, qui caractérise le Néolithique, a entraîné une mutation radicale du statut de l’échange. Lorsque l’humain se fixe, ce sont les biens matériels qui circulent. En premier lieu, la sédentarisation, qui s’accompagne d’une réduction drastique des territoires exploités (environ 3 km de diamètres contre plusieurs dizaines auparavant, densité du nombre – les voisins – oblige), diminue d’autant les ressources localement disponibles et immédiatement accessibles.
Les terres agricoles les plus riches sont celles des bassins alluviaux, où les ressources en roches dures (nécessaires aux moissons, à la découpe de la viande, à l’outillage de meunerie, au travail du bois, etc.) sont limitées et de médiocre qualité.
En second lieu, la sédentarisation s’accompagne d’une diversification des activités techniques et des activités de subsistance (tissage, céramique, polissage de la pierre, meunerie, architecture, agriculture et élevage, etc.), qui reposent sur des savoir-faire élaborés, difficilement maîtrisables dans leur totalité par un seul individu.
Le villageois sédentaire est donc confronté à des besoins nouveaux qu’il est souvent difficilement en mesure de satisfaire lui-même.
Mais les activités agro-pastorales offrent, en compensation, la possibilité de réaliser et de stocker des surplus, qui peuvent servir de base à des échanges organisés. En outre, la saisonnalité marquée des activités agro-pastorales permet le développement d’activités artisanales pendant les « temps morts » et favorise le développement d’une spécialisation artisanale à temps partiel.
Ainsi apparaissent, avec la sédentarisation, à la fois la nécessité et la possibilité d’échanges diversifiés et organisés. Mais les besoins auxquels répond l’échange ne sont pas seulement d’ordre technique : ils sont également d’ordre social !
L’échange de biens et de services (comme de conjoints), facteur d’alliance et d’entraide entre communautés, est tout aussi fondamental entre les proches villages (l’échange est l’alternative aux conflits) qu’entre des communautés plus éloignées, qui devaient parer les risques démographiques et économiques d’un trop grand isolement.
Si l’on ajoute à cela le prestige traditionnellement associé à la possession d’objets exotiques rares, on comprendra qu’il existait des causes multiples à la circulation des biens et des matières premières.
Il n’existe non pas un, mais au moins trois systèmes d’échange, portant sur des biens différents, reposant sur des formes de production différentes, et répondant à différents objectifs socio-économiques. Ce qui s’échange, comment et avec qui, dépend tout autant de stratégies sociales que de besoins techniques. Or, ces choix sont propres à chaque société, et sont susceptibles d’être redéfinis à tout moment.
L’échange, réponse à des besoins techniques : parmi les outils d’usage quotidien d’origine lointaine, les lames et lamelles d’obsidienne sont les plus courantes. L’obsidienne est distribuée (et produite) par des artisans itinérants, qui apportent dans les villages des blocs déjà préformés ou des outils finis (travail à la commande). Il s’agit là d’une activité qui requiert des compétences spécialisées … et du temps. Certains endroits d’approvisionnement sont inhospitaliés, voire l’expédition pour la livraison nécessite une embarcation, la connaissance de la navigation et une logistique importante. Ces artisans itinérants étaient très recherchés : l’obsidienne extraite et commercialisée à Asikli Höyük avait une qualité technique de production médiocre (les habitants préférant faire du commerce que de passer des heures/jours à affiner leurs techniques de taille), par contre, à Çayönü, beaucoup plus distante des sites d’extraction, l’approvisionnement et la production des outils d’obsidienne reste affaire de spécialistes itinérants, alors que dans les endroits encore plus éloignés, l’obsidienne se fait rare (donc d’autant plus précieuse/prestigieuse) et ne parvient plus que par l’échange sporadique de produits finis !
Echange de céramiques et échanges sociaux : cet échange « utilitaire », important en quantité, se caractérise par des méthodes de production techniquement élaborées, mais rapides et standardisées. Elles s’opposent à cet égard à la production des céramiques fines, qui, à partir du Néolithique moyen, porte sur des produits fortement individualisés (dans les formes et le décor), au prix d’un temps de fabrication très important. Ces céramiques feront également l’objet d’échanges, mais moins importants quantitativement et sur des distances beaucoup plus courtes. Or l’échange de la céramique, contrairement à celui du silex ou de l’obsidienne, ne répond à aucun besoin technique : chaque village est producteur, et la qualité comparable. La fonction sociale de l’échange est dans ce cas prévalente : établir et maintenir, par le don de biens de qualité, les relations sociales entre groupes proches les uns des autres (en terme d’alliance ou de liens filiales, pas forcément de distance).
Echanges et prestiges : toutefois, certaines céramiques et autres objets extra-ordinaires (inhabituels donc) connaissent une diffusion bien plus large. Il faut alors les assimiler aux « biens de prestige », biens rares, qui n’étaient pas accessibles à tous et dont la production et l’échange relève de modalités encore différentes. Vases, bracelets et figurines de marbre ou de pierre dure, outils et parures de cuivre, d’or ou d’argent, circulent en très petite quantité mais sur des distances parfois considérables.

Çayönü nous montre que la période précéramique fut un temps d’innovations technologiques importantes, correspondant à l’exploitation intensive des ressources naturelles (de toutes sortes) et à l’expérimentation. A ce propos, le fait le plus surprenant a été la découverte de l’utilisation des métaux. On pensait que l’usage des métaux avait débuté bien après celui de la céramique, même si ces deux techniques nécessitent la maîtrise du feu (mais à des températures bien plus élevées pour la métallurgie).
Cependant, à Çayönü, au début de la phase « bâtiment à plan en grille » (transition du PréCéramique A vers le B, -8 800 à -8 500, soit 2 000 avant l’apparition de la poterie), on utilisait du cuivre natif dans la fabrication de petites perles, d’instruments comme des aiguilles ou des crochets, et dans les incrustations. Le métal avait été traité à chaud et avant sa mise en forme finale, il avait été battu en plaques, ce qui est une technique qui exige la maîtrise de la pyrotechnie.
L’invention de la métallurgie du cuivre (puis encore plus de l’or) est le symptôme de bouleversements socio-économiques plus profonds : émergence de sociétés hiérarchisées, développant une forte spécialisation du travail (mines, métal, outils d’obsidienne, de silex, d’os, poterie, etc.).

Une connaissance de base de métaux et des minerais correspondants reposait sur des expériences pétrographiques (gravure sur pierre) antérieures dont les racines remontent au tout début du Paléolithique.
La production de métaux n’a pu se développer qu’une fois assuré un approvisionnement en matières premières, lequel ne pouvait, à son tour, être garanti que par l’existence d’une industrie minière : là où existent des sources de matières premières conjuguées avec des connaissances minéralogiques, se développe une industrie minière et, par-là même, une métallurgie primaire. Les premiers métaux utilisés furent le cuivre, l’or, plus tard, l’étain et le fer.
Les mineurs extrayaient principalement les carbonates de cuivre, malachite et azurite, premiers minéraux à avoir été utilisés dans toute culture préhistorique.
La malachite, minerai de cuivre dont la connaissance remonte à la plus haute préhistoire dans l’espace eurasiatique, était à l’origine (et plus tard) utilisée pour la confection de parures et en tant que pigment, de par sa couleur naturelle d’un vert profond.
Combien de temps a-t-il fallu pour qu’on s’aperçoive que ce minerai, lorsqu’il est chauffé, acquiert de nouvelles qualités physiques et chimiques et se transforme alors en un métal rougeâtre (le cuivre) ? Il convient d’avoir à l’esprit la technique préhistorique de brusque réchauffement et refroidissement des minerais et de la pierre afin de mieux concevoir le rôle du feu dans ces premières expériences métallurgiques. Le fait que la chaleur modifie les qualités premières d’un matériau – et notamment de la pierre – devait découler d’une expérience remontant à l’époque où les chasseurs du Paléolithique ont domestiqué le feu.
L’acquisition d’une expérience minéralogique, dès la plus haute préhistoire, l’amélioration progressive des connaissances technologies dans le traitement des matières premières, les efforts constants en vue de satisfaire les besoins croissants des communautés néolithiques, tout cela ressort au premier plan lorsque l’on désire expliquer l’apparition et le développement de la métallurgie primitive.
Assez tôt, il exista donc une spécialisation dans l’extraction et la métallurgie avec l’apparition d’un nouveau marché autour du cuivre, extrait et/ou transformé. Bien que le cuivre soit très (trop) malléable, il suffit pour couper du bois (application utile, mais secondaire) et est recherché en tant que tel pour faire des bijoux à vocation de prestige. Les mines de roches à cuivre était à l’état naturel, en extérieur : l’extraction s’effectuait avec des outils en pierre, en tapant contre la roche pour faire tomber des morceaux entiers de minerai (en suivant la veine verte et en creusant en profondeur, la montagne ressembla vite à du gruyère).
Partout où la roche affleure suite à un séisme ou à l’érosion, de multiples mines se creusent, à divers endroits. On assiste alors à la naissance de mineurs, qui creusent de plus en plus profond : c’est un travail pénible avec une faible lumière. Ces forçats de la terre vivent dans des villages rudimentaires, à proximité des mines, protégeant du même coup ces juteux gisements. En effet, l’extraction se concentre sur des filons riches en minerai pour assurer puissance et profit. On assiste alors à la naissance d’une hiérarchie avec des riches (chefs, commerçants, fondeurs) et des pauvres (mineurs). Les ouvriers sont payés en nature, en nourriture : c’est la forme de rémunération de base pour un travail effectué, mais en soumission à un employeur.

La communauté de Çayönü vivait sous le contrôle strict d’un groupe dirigeant, et les pratiques cultuelles y jouaient un rôle significatif. Cette communauté produisait des objets non-utilitaires qui nécessitaient l’emploi de technologies spécialisées, un temps suffisant et une exploitation poussée des matières premières. Se met en place une véritable distinction sociale par les parures et l’apparence, où l’on enterrait les riches avec certains objets de valeur (bracelet en cuivre, bijoux en ivoire, statuettes de divinité féminine en terre cuite).
Dans les sociétés lignagères, les hommes importants le sont car ils sont chefs de lignage : ce sont des patriarches qui doivent leur pouvoir au fait qu’ils sont les aînés, et (surtout, car l’âge ne fait pas tout en terme de qualités) parce qu’en plus ils apportent à leur société une véritable organisation, source profitable à tous si elle n’accaparait pas les richesses dégagées par beaucoup au grand bénéfice de quelques uns (principe de base du capitalisme : le grand nombre travaille pour que le sommet de la pyramide en profite). Dans ces sociétés sans état, ces fidélités sont la base d’un pouvoir certain. Ces relations de fidélité personnelle sont des rapports sociaux qui se jouent par-delà les systèmes et les fonctions, et qui sont tels qu’un humain se déclare le fidèle d’un autre, le sert en tant que tel et lui est entièrement dévoué. Cela se construit sur le même mode que le vassal de la féodalité, qui jurait fidélité à son seigneur : là où il y a un despote d’importance locale, son pouvoir lui vient de ses liens de fidélité personnelle.
Dans les cimetières, loin des tombes des familles puissantes, se trouvaient par ordre celles des guerriers (10% de la société), une majorité de classe moyenne et ensuite les pauvres (esclaves ou sous-classe). Ainsi, dans la « Révolution néolithique », les facteurs principaux n’étaient pas le mode de subsistance, mais bien la formation culturelle : quelles que soient les motivations, il faut voir à travers cet exemple un fort rapport à l’espace, base de l’utilisation, de la gestion mais aussi du contrôle des ressources.

Il est aussi évident que les sites contemporains de différentes régions entretenaient entre eux une interaction active même s’ils pratiquaient des modes de subsistance différentes (d’où des conflits potentiels, surtout à base de jalousie et convoitise devant la puissance/richesse de l’autre).
En raison de conditions environnementales plus favorables et de riches gisements de silex – cette matière si importante pour la fabrication d’outils –, il semble qu’il existait, dans la région d’Urfa, non seulement des villages à organisation interne semblables, mais aussi des lieux plus importants. La grande colline habitée du Néolithique Ancien, qui se situe aujourd’hui sous la vieille ville d’Urfa, semble être un exemple de lieu central auquel se rattachent, sur le plan économique et politique, des sites plus petits. Dans cette partie de la haute Mésopotamie, une industrie lithique utilisant les mêmes formes d’outils, une architecture caractérisée à plusieurs endroits par les mêmes types de constructions, et enfin une même iconographie dans l’art, semblent indiquer des formes d’organisation interrégionales à l’intérieur d’une société de plus en plus paysanne.
Par la construction d’un édifice rituel séparé des bâtiments profanes, naît une tradition qui sera reprise et perpétuée dans les temples sumériens de la Mésopotamie. Dans la représentation d’êtres hybrides et de figures composites formées de l’humain et de l’animal, les vieux rites des sociétés archaïques de chasseurs et de collecteurs semblent toutefois encore subsister, comme on le voyait sur les piliers de Göbekli Tepe. Ce n’est donc pas un hasard si la grande sculpture et les reliefs de la haute Mésopotamie du Néolithique Ancien semblent se rattacher directement, à la fois dans leur mode d’exécution, leur conception symbolique et leur signification, à l’art des cavernes de la zone franco-cantabrique du Paléolithique supérieur, même si les deux régions culturelles sont plus éloignées l’une de l’autre géographiquement que chronologiquement !

Entre -7 500 et -6 300, la néolithisation s’achève.
En Anatolie, sur le haut Tigre, émerge un style particulier, le PPNB Taurus, assez différent du PPNB du Levant. Les habitants fabriquent des vases de pierre polie et font grand usage de l’obsidienne, une roche volcanique vitreuse très brillante, présente dans le Taurus et dans la région de Van (Arménie).
Sur plusieurs sites, des enduits de plâtre couvrent sols et murs colorés en rouge et soigneusement lissés, plus faciles à nettoyer. Ils témoignent de la maîtrise d’une technique complexe : le plâtre est obtenu par la calcination à 850° de calcaire pilé mélangé à de l’eau et des cendres, parfois du sable ou du gravier. Pour produire une tonne de plâtre, il faut recueillir une tonne et demie de pierres calcaires et quatre tonnes de combustible de bois. On note quelques essais timides de vases en terre cuite. On invente un matériau nouveau pour modeler des récipients. Cette « vaisselle blanche » est attestée en Anatolie, en Mésopotamie du Nord, en Iran du Sud-Ouest, en Syrie, au Liban et dans le Nord de la Palestine. Les vases sont faits d’un mélange de plâtre, de quartz et de cendres, avec lequel on moule des bols et des coupes fort simples.

Lors de la phase récente (-7 500 / -7 000) se produit une véritable explosion.
Le Néolithique s’étend aux zones côtières de la Syrie du Nord et au désert intérieur, presque abandonné par l’humain après le Natoufien. Les sites sont beaucoup plus nombreux, en Anatolie, en Syrie intérieure sur l’Euphrate, la côte, dans la région de Damas, en Jordanie et en Palestine. Leur superficie est parfois considérable (douzaine d’hectares). L’agriculture est presque pratiquée partout. Souvent l’élevage l’accompagne. Une économie pastorale aux origines encore obscures se développe et contribue à la diffusion de l’économie néolithique hors de sa zone d’origine. La néolithisation de l’ensemble du Proche-Orient prend son essor.

Au cours des dernières étapes du Néolithique précéramique (fin du
-VIIIè millénaire, vers -7 100), l’agriculture et l’élevage dominent l’économie et entraînent de nouveaux bouleversements sociaux. De grandes infrastructures à plan en gril (début du -VIIIè millénaire) sont constituées de longs murs parallèles espacés de 15 à 40 cm, destinés à isoler l’habitat, accolé à un grenier, installé par-dessus. Désormais les maisons sont plus vastes, mais la variété régionale (ou à l’intérieur d’un seul site) est grande. La généralisation des constructions complexes accompagne l’emploi de la brique crue.

A partir de -7 500 (PPNB récent), la néolithisation atteint le littoral de la Méditerranée (-VIIè millénaire : début de l’habitation de la ville d’Ugarit, jusqu’en -1 180), dans la plaine côtière et le piémont de la chaîne des Alaouites en Syrie.
Dès leur arrivée, les colons cultivent la terre, élèvent des troupeaux et savent construire des maisons. De même, à une centaine de kilomètre de la côte, Chypre est mise en culture. Blé, orge, moutons, chèvres y sont transportés déjà domestiqués.
Au PPNB récent, des villages se développent également dans les steppes semi-désertiques de Syrie, au bord des fleuves ou dans des oasis où l’accès à l’eau est sans problème.
Sur un promontoire dominant la rive droite du moyen Euphrate, Bouqras couvre près de trois hectares. Le village a vécu de -7 400 à -6 800. Les maisons, assez semblables, font de 50 à 100 m² avec plusieurs pièces toutes serrées les unes contre les autres, pourvues de foyers, qui entourent une cour centrale.
L’outillage lithique reste de type PPNB récent, avec des pointes de flèches (pointes de Byblos), des grattoirs et burins, des haches, herminettes et ciseaux en pierre polie. A Bouqras, les villageois exploitent toutes les ressources d’un milieu aride dont ils savent tirer le meilleur parti. Les habitants récoltent plusieurs espèces de blé et d’orge, élèvent des chèvres, des moutons et quelques bœufs, chassent encore beaucoup la gazelle.
Des « outils de Çayönü » en obsidienne proviennent du Taurus (Anatolie du Sud-Est, bassin du Haut Tigre).
Les habitants de la dernière d’occupation ont fabriqué de très beaux vases dans du calcaire, du marbre, de l’albâtre et diverses roches dures.