Magazine Journal intime

Ce qu'ils ont fait...

Publié le 19 juillet 2009 par Lephauste

... De nous ? Tout d'abord, ils ont appris à se tenir en équilibre sur de grandes bêtes stupides, assez stupides pour les laisser faire. Les chevaux. Ils les ont harnachées pour toutes sortes de tâches avilissantes. La guerre, la parade, les démonstrations de force, la répression, la chevalerie qui n'est rien de moins que de la noblesse merdeuse à force de chevaucher sans jamais changer de braies, ni de cottes ni de chausses. Ils ont ainsi parcourue la terre, en tous les sens, cherchant la fortune chez ceux pour qui le cheval n'était qu'une étrange formule magique, entre le top model et l'esclave pie. Ils se sont croisés dans la maigreur des récoltes dont ils éxigeaient le tribut, après l'avoir piétinné. Et voyant bien que nous nous retrouvions désoeuvrés après que leurs victoires héroïques se furent livrée à la débauche des corps sanglants et aient souillée le pain à venir, ils ont commencé à nous enrôler en nous contant les mil faits d'armes qu'en des contrées lointaines et exotiques ils avaient menés, pour la défense de nos valeurs communes. Nous ne savions pas alors que tant de noblesse civilisatrice nous unissaient à eux. Nous l'avons appris, quand l'école fut rendue obligatoire. Mais ça, c'est pour plus tard, nous n'en sommes pas encore là. Alors nous partîmes à leur suite et à pied. Les prêtres nous haranguaient. Les prêtres sont de cette sorte d'esclaves qui pour un verre d'eau et quelques droits de cuissage, trahissent dans le ravissement et vous content, eux, leurs extases mystiques. La terre les dégoûte, alors ils nous promettent le ciel. Mais les prêtres sont de nous, alors eux aussi nous les suivons et trimons pour eux.

Puis vint le temps, et là je prends des raccourcis sans lesquels l'ironie perdrait en saveur. Il faut saisir le lecteur comme on dépèce l'anguille. Puis vint ce temps où le céant toujours en selle les fit un peu souffrir. Imaginez vous, ces siècles sans repos, ces conquètes, ces rencontres des peuples, ces bobards de pillards arrosés d'eau bénite, ces longues traversées auxquelles ils nous faisaient l'honneur de nous convier, enchaînés, qui au banc de nage, qui dans des cales pestilentes, lentes, où nos compagnes enceintes comptaient pour autant de génisses porteuses de profit. Qui dit que les mères porteuses sont l'espoir de ceux qui n'ont que leur stérilité à langer ? Il nous poussèrent au désespoir, nous firent même croire que nous en avions assez d'eux et de leurs trônes posés sur l'assise docile de nos crânes rebattus. Le temps pour eux d'inventer des philosophies, de nous rendre le savoir encyclopédique, ils nous jetèrent en des révolutions, nous firent lire "l'ami du peuple", courir sus aux Capet et s'installèrent cependant que nous tranchions les têtes des ouvriers de Billancourt, sous les lambris, dans les velours des assemblées qui ne valaient rien de plus que l'absolu acquis de nos crédulités de déportés migrants d'un bout à l'autre du profit. Lequel profit ne nous est en rien profitable. Vous l'aurez noté.

Au sein même de ce temps nous eûmes droit à de l'éducation, à des logements loin de la terre, à des loisirs, à du crédit, à nous reproduire, à jouir comme des mûles et à l'usine. Ils avaient compris que l'idée même de leur ressembler un peu ne pouvait que nous séduire, nous induire, nous réduire. Les chevaux étaient loin. La merveille technologique était entrée dans nos moeurs et le meurtre si il n'était pas organisé par eux était une abomination, une honte que les prêtres, les juges, les éducateurs, les marmitons du fait divers nous chargeaient d'endosser, de dénoncer au besoin. Et pour que cela nous parut horrible et attractif, ils créerent la prime et les indemnités de licenciement.

Puis vint le temps ou l'usine comme le cheval se perdit à l'horizon des bonnes et belles choses dont on ne voulait pas nous frustrer mais que le réalisme des analystes se chargeait de nous faire comprendre que Hop là ! N'y en a plus. Alors du haut de nos logements de fonction nous tentâmes de regarder la terre et ne vîmes qu'un étrange dépotoir, une sanie où nos vérats d'une autre époque n'auraient pour rien au monde trainé leurs soies, si fines. Alors une colère nous vint, une rage animale. Et à chaque fois que nous les croisions sur nos écrans de télévision, nous les vilipendions en nous terrassant de bile et d'ignobles maladies. Mais il était trop tard, nous étions devenus des "droits de l'homme", des "artistes", des transformistes, des communautés dociles, d'étranges créatures pour qui les nuages ne pouvaient plus être que radio actifs. Mais heureusement il restait à boire, fumer et à s'injecter et parfois quelques chevaux sur les performances desquels on pouvait encore parier.

Mais Ils ? Qui sont-ils ? Je ne sais pas moi, les balances me font horreur et monter sur le dos d'un cheval, je l'avoue ne m'est jamais venu à l'idée.


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