Un homme affable VIII.4

Publié le 22 juillet 2009 par Sophielucide

Fabien coupa l’enregistrement et se tourna vers moi:
«  Qu’est-ce que tu en penses ?
-    On joue aux devinettes ? C’est pas juste ! Tu connais la suite, toi…que je voudrais bien entendre.
-    Non, pas du tout. Après ça, elle s’est arrêtée, plongée dans une torpeur qui m’a mis mal à l’aise, puis elle a changé de sujet, est revenue sur le meurtre….Mais, ces quatre garçons autour d’elle, tu ne trouves pas ça bizarre, tout de même ? Tu auras remarqué qu’elle ne parle d’aucun membre féminin, que des mecs ! Je me demande si on n’a pas affaire à une nymphomane ou peut –être une érotomane ? J’aimerais entendre ton avis là-dessus.
-    Elle ne parle pas de Louve Solitaire ?
-    Pas un mot
-    Je ne trouve dans ses propos aucun signe qui montre une quelconque érotomanie ou je ne sais quoi. C’est quand même incroyable que dès qu’une femme parle en toute sincérité de ses rapports aux autres, on la taxe aussitôt d’une obsession sexuelle. Moi, j’ai tendance à la croire sur parole. Elle ne sait pas mentir, son psychiatre l’a confirmé ; elle n’a jamais cherché à se défendre des sentiments qu’elle a pu éprouver pour Charles. Quant aux autres, elle parle plus de son attachement à leurs écrits et du plaisir qu’elle en a tiré….
-    J’étais sûr que tu monterais sur tes grands chevaux, toujours persuadée qu’elle est l’innocence incarnée, la victime de l’histoire…Quelque chose me tracasse, je ne sais pas quoi au juste mais j’arrive pas à me faire à ce scénario ; je pensais peut-être à un complice parmi les trois autres…
-    J’imagine que tu as vérifié….Allez, ne te fais pas prier, tu sais quelque chose que tu me caches alors que je te dis tout, moi !
-    Arrête ta parano, on réfléchit là ; on a toute la journée pour ça, on reste ensemble aujourd’hui et on ne sortira de chez toi qu’avec une hypothèse qui tienne la route, t’es d’accord ?
-    Ça me va ; mais dis-moi pour les trois, je te connais quand même…
-    Ah oui ? C’est étonnant d’ailleurs, cette connaissance ou cette reconnaissance, non ? Mais ne digressons pas ; bien sûr que j’ai vérifié, qu’est-ce que tu crois ? J’suis quand même pas un bleu. Mais je n’ai rien trouvé de ce côté : Castel s’appelle Jean-Michel Ducreux, pas très romantique comme nom, n’est-ce pas ? Il enseigne la littérature, comme Charles étonnant non ? Il vit en Suisse, et se trouvait au théâtre le soir du meurtre.
-    Et Bipbip ? Il a l’air sympa, lui
-    Nicolas Campion, ouvrier fraiseur qui vient de sortir un disque avec un collectif de son quartier, il vit en banlieue, c’est lui qui se trouvait le plus proche du domicile des Massier. Mais ce soir-là il était en promotion, justement. Un show case dans une boîte branchée
-    Reste le mystérieux PatGaret
-    Mauvaise pioche ; il vit dans les Vosges, a soixante-seize ans et se déplace en fauteuil roulant
-    Mince alors, un vieux schnoks paralysé ?
-    Et oui ! Maurice Dubreuil, dit Momo avec un casier long comme mon bras, mais rangé des camions depuis belle lurette et converti dans la littérature policière ;
-    Ah ? Alors ? Tu penses qu’il aurait pu fomenter le scénario du meurtre et le souffler à Clotilde ?
-    J’ai vérifié leurs échanges  et ça m’a pris la nuit, tant ils sont bavards ces deux-là mais pas la moindre allusion à un plan ou une stratégie ou même une évocation du crime parfait ; Clotilde ignorait tout de la vie du gars.
-    Dans ce cas, on en revient toujours au même point, c’est-à-dire à Louve Solitaire, alias Monique Massier
-    Je reconnais, oui, mais il fallait bien que je te prouve que je n’étais pas resté les bras ballants pendant que tu tissais la toile de ton ignoble piège, n’est-ce pas ?
-    Ok, je reprends la main dans ce cas….Si on vérifiait si elle a répondu à mon mail ?
-    Je n’osais t’en prier »