Les vacances auraient-elles déjà sonnées pour notre garde rapprochée de
l'éthique républicaine, d'ordinaire si prompte à défourailler sur tout ce
qu'elle soupçonne d'égratigner l'indépendance de nos institutions ?
C'est à se le demander.
Il n'aura fallu qu'une demie journée de
réflexion à Mme Alliot Marie pour décider du sort d'un procès
qu'elle juge inéquitable et du renvoi de tous ses protagonistes à la barre, et
le tout dans une doucereuse torpeur complaisante qui ressemble furieusement à
de l'approbation générale...
Que se passe-t-il ?
Serait-il plus facile de dénoncer le téléguidage politique de notre justice
quand il s'agit des turpitudes "scooterisées" de Sarkozy
junior, que d'épingler le déculottage en règle d'un Garde des
Sceaux face aux doléances de deux associations communautaires
influentes ?
A l'évidence oui.
Car excepté quelques magistrats ulcérés, tout ce beau monde a l'air de se
repaitre de cette décision pour le moins scandaleuse.
On aurait tout de même espéré de ceux qui font de la séparation de la justice
et de l'Etat un cheval de bataille, qu'ils s'emparent à deux mains de cette
transgression caractérisée des valeurs qu'ils défendent.
Que nenni.
Il aura donc suffit que le CRIF et l'UEJF
jugent le verdict infligé aux tortionnaires d'Ilan Halimi
indigne de ce que la communauté juive de France s'estime en droit d'obtenir
pour ses membres, pour que l'administration judiciaire se mette au garde à
vous, le doigt sur la couture du pantalon.
Ceux qui se demandent chaque année à quoi servent les cartons d'invitations
distribués à tout le gratin politique du pays pour assister au banquet du
CRIF, ont une partie de la réponse.
A n'en pas douter, Mme Alliot Marie bénéficira d'une table de
choix pour la prochaine édition, et aura droit aux honneurs réservés à ceux qui
obtempèrent.
Que la famille meurtrie de ce gamin martyr juge la décision de justice en deçà
de ses espérances, qui pourrait lui en faire le reproche.
Devant un tel déferlement de haine largement aggravé par le comportement
innommable de l'insondable pourriture qu'aura été Fofana tout
au long du procès, quel père, mère, frère ou sœur pourrait se satisfaire du
jugement, quand bien même l'ensemble des tortionnaire auraient écopés de 240
ans de QHS ?
Loin de moi l'idée de remettre en cause cette soif de réparation bien légitime
que personne ne voudrait être un jour dans l'obligation d'éprouver.
Mais comment ne pas bondir devant le comportement révoltant du
CRIF et de ses affidés, que le caractère particulièrement
sordide de ce drame n'aura même pas enclin à un minimum de retenue dans leurs
excès récurrents de lobbying communautariste, allant jusqu'à faire ressurgir
une énième fois le spectre de la shoha comme ciment au bon conditionnement de
la conscience collective.
Comment ne pas bondir devant cette démonstration d'allégeance irresponsable
d'une ministre, qui, à l'image de tout un gouvernement, ne sait pas par quel
bout prendre les sollicitations de ces groupes de pression parfaitement rodés à
l'exercice, et qui ne prendra pas le risque de laisser leurs portes parole
suspecter l'exécutif en place du moindre relâchement devant l'antisémitisme,
même si le prix à payer est un défroquage indigne...
Et enfin, comment ne pas bondir devant ce silence tout aussi gêné de la cohorte
de censeurs moralistes de gauche et du centre qui passent leur vie à donner des
leçons de propreté en démocratie sur tous les sujets, et que la même
condescendance frileuse devant cette poignée de "représentants officiels", aura
poussé à s'assoir sur leurs grandes théories et à regarder ailleurs...
Car il va bien falloir que tout ce beau monde explique un jour à ceux,
nombreux, qui ont vu leurs affaires trainer des décennies entières par la faute
d'une justice défaillante, pourquoi leurs associations de victimes n'ont pas
bénéficié du millième de l'attention ministérielle accordée aujourd'hui à
celles qui contestent le jugement d'un procès dans lequel, rappelons le,
elles ne font pas partie des intervenants !
J'ai une pensée pour les parents des disparus de l'Yonne, dont
certains ne savent toujours pas 30 ans après, ce qu'il est advenu de leurs
enfants par la faute d'une palanquée de juges et d'enquêteurs tous plus
incompétents les uns que les autres, sans qu'un quelconque Garde des Sceaux
n'ait daigné ne serait-ce qu'entendre les doléances de leur association,
Les crimes d'Emile Louis sont-ils moins sordides que ceux de
Fofana ?
Ou bien faut-il s'appeler CRIF pour susciter l'émotion d'un
ministre ?...
Au delà du coté insupportable de cette différence de traitement indigne de
notre démocratie, que faut-il envisager comme nouvelle absurdité dans un proche
avenir ?
Et si au lendemain du nouveau procès du gang des barbares, le verdict ne
convient toujours pas aux dignitaires officiels de la communauté juive, que va
t-il se passer ?
Jusqu'où M.Prasquier ira t-il pour exiger de l'administration
judiciaire qu'elle traite différemment ceux qu'il représente?
Jusqu'à l'intervention du premier magistrat de France,
M.Sarkozy?
Très honnêtement, plus rien ne m'étonnerai, tant dans cette affaire nous avons
déjà atteint des sommets dans la bêtise.
Les tortionnaires d'Ilan Halimi ont été jugés avec l'arsenal
répressif prévu par notre code pour ce type de crime et en conformité avec la
procédure.
Que la famille fasse appel de cette décision qu'elle estime insuffisante ne
souffre d'aucune contestation.
Mais de quel droit quelques présidents d'associations s'octroient-ils
la légitimité d'utiliser la morale collective pour préjuger du bon discernement
de jurés républicains, et ainsi considérer qu'ils disposent d'une sorte de
droit de véto sur des décisions de justice qui ne leur conviennent pas
?!
En leur obéissant au doigt et à l'œil, Michêle Alliot Marie a
t-elle seulement conscience du terrain miné sur lequel elle s'engage ?
J'ai beau chercher, je ne vois pas meilleur moyen de participer à la
stigmatisation des juifs de ce pays, que par cette démonstration ridicule de
soumission sans condition devant les instances de leurs représentants, qui
n'aura d'autres effets que de creuser un peu plus le fossé déjà béant du
sentiment d'inégalité communautaire qui gangrène toutes les strates de notre
société.
Mme la ministre a tenu pendant quelques heures deux choix entre ses
mains:
Celui de nager à contre-courant des pressions en laissant les mécanismes
judiciaires s'opérer d'eux même, et ainsi prendre l'option de ne pas participer
de cette exacerbation des clivages.
Celui, plus clientelliste, de se mettre à table au prochain diner du
CRIF pour y entendre M.Prasquier louer son
courage politique et vanter la grande humaniste qu'elle est.
Elle a tranché pour la soupe...
Bon appétit madame Le Garde des Sceaux...