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Un homme affable VIII. 9

Publié le 25 juillet 2009 par Sophielucide

Le cri d’indien que je lançai fit rappliquer Fabien qui lut le billet pendant que je jubilais en allumant une cigarette. Alors, nous avons esquissé un pas de valse. «  Je le savais, j’en étais sûre ! » voilà à peu près tout ce que je pouvais dire tandis que Fabien, bon public, hochait de la tête et s’amusait de mes gamineries.
«  C’est un petit pas pour l’enquête mais un pas de géant pour notre chroniqueuse judiciaire qui s’apprête à écrire un papier qui, sans nul doute, restera dans les annales » commenta-t-il en imitant la voix de Léon Zitrone, spécialiste hippique de la grande époque au siècle dernier.

Paul est arrivé peu de temps après, et nous sommes restés dans la cuisine, devant notre bol de café.
«  Je ne sais pas si vous êtes au courant, les tourtereaux, mais il est quatorze heures ; vous faites une belle paire de fainéants, c’est à cette heure-ci que vous prenez votre petit déj ?
« Déjà ! », entonnâmes-nous de conserve ce qui nous fit encore éclater de rire et renfrogna un peu plus le visage contrarié de Paul.
Ce spectacle désolant de l’homme seul nous a aussitôt calmés. Nous nous sommes entendus pour compatir une minute sur le triste sort du solitaire confronté à un couple à peine formé, écœurant dans son manque de pudeur à vouloir étaler son bonheur. Il m’était trop souvent arrivé de jouer ce rôle de la célibataire dans les dîners ou autres réunions pour ne pas prendre sur moi et cesser d’exhiber cette joie insupportable à regarder. Fabien devait penser la même chose, car il me lança un regard complice auquel je ne succombai pas cette fois et nous avons affiché une mine se voulant détachée, concentrée même ce qui demanda un effort que nous étions prêt à fournir en attendant que Paul  se décide à quitter les lieux.

«  Bien, bien. Tout ceci se recoupe.  Votre correspondante mystérieuse se connecte bien d’Argentine, comme je vous l’avais annoncé. De L a Plata, pour être précis, juste à côté de Buenos Aires. Il ne fait donc aucun doute que Louve Solitaire corresponde au pseudo choisi par madame Monique Massier, disparue du territoire depuis près d’une semaine ; je vais consulter ses relevés bancaires mais ce ne se sera qu’une formalité ; bien joué…
-    Dans ce cas, je vais pouvoir rédiger une demande de liberté provisoire pour Clotilde Nevers, tu me couvres sur ce coup ?
-    Rédige toujours mais attends mon feu vert avant de la faire passer au procureur, ok ? »

J’étais impressionnée par la vitesse à laquelle les deux hommes anticipaient les événements. Après tout, nous étions toujours dans la fiction pure avec cette histoire racontée par une inconnue. Mais si ce mail suffisait à faire sortir Clotilde de prison, je n’y voyais, bien sûr rien à redire. Pour la première fois depuis des semaines, un semblant de frémissement laissait entrevoir une autre issue possible pour la jeune femme que passer le reste de sa vie entre quatre murs moisis ; si la justice entendait l’argument de la fuite du témoin principal comme une preuve tangible d’innocentement de l’accusée, nous avions, Fabien et moi, toutes les raison de nous en réjouir.


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