Magazine Humeur
Tavistock et la Grèce
Publié le 26 juillet 2009 par Didier T.Vathi, son église et notre logement sur la plage Tavistock, place du marché.
Suite de "un soixanthuitard s’embourgeoise" paru en juin sur le blog
Tous ces souvenirs ne peuvent faire oublier qu'à la fin du premier mois de service, au CET de La Roche/Yon, prenant connaissance de mon premier bulletin de salaire du collège, j'eus la désagréable impression d'avoir été grugé, et par ma mère et par l'Education Nationale ......920 Francs !
Tel était le total affiché au bas de ma fiche de paye !!! ....920 Francs !
Sur le coup j'ai cru qu'il s'agissait d'une erreur, en fis part à la Directrice qui s'esclaffa d'un rire niais !
Furieux d'un tel accueil, je claquais la porte en me maudissant d'avoir totalement oublié de me renseigner sur le niveau des rémunérations avant d'accepter l'ultimatum maternel.
Peu de personnes accepteraient d'un coeur léger la division par quarante de ses revenus !
J'alignais donc mon niveau d'activité professionnelle sur la base du salaire qui m'était alloué..... et m’attachais à en respecter la cadence pendant les trois années qui suivirent au service de l’Education dite Nationale.
Dès la fin juin de cette année là, en 69 donc, Cècile et moi convolions en justes noces et comme en pèlerinage, partions passer notre voyage de noces en Grande-Bretagne pour deux longs mois. A Manchester d’abord, où l’on assista bouche bée aux premiers pas de l’homme sur la lune dans des vapeurs d’alcool et de marijuana, puis rejoints par un groupe d’amis, nous faisions route vers l’Ecosse pour en faire le tour, d’Inverness à Glagow en passant par le Festival Tatoo d’Edinbourg, les falaises de John O’Groats, Thurso et le château de la Reine Mère d’où nous chassèrent des détectives que notre arrivée impromptue avait mis en émoi. Mais le but de notre périple était l’Ile de Skye, sur la côte Ouest, là où devait se tenir les Jeux traditionnels des Îles (Island Games) dont nous pensions pouvoir revendre un film documentaire à l’ORTF;
L’accès à Skye nécessitait de passer un bras de mer sur un petit bateau dont le pont pivotait pour permettre à deux véhicules d’y accéder . La barcasse était ridiculement petite et peinait pour lutter contre les forts courants et il fallait toute la science du capitaine pour nous amener à bon port.
Les jeux se déroulaient dans la capitale de l’île à Portree dans un décor de landes dominant la mer. Ils consistaient en des lancers de troncs d’arbres dégarnis de leurs branches et dont la tête devait se planter dans le sol avant que le tronc pivote du côté opposé au lanceur. Les compétiteurs avaient tous en commun d’être originaires d’une île quand bien même celle-ci était aux antipodes comme la New Zeland.
La caractéristique principale de ces jeux était que l’athlète faisait équipe avec un musicien dont la cornemuse accompagnait les efforts au son d’une marche typicaly scotish. Dans ces épreuves de force tout était bon à lancer, des arbres mais aussi des poids à lancer en hauteur ou des espèces de marteaux d’un autre âge à lancer le plus loin possible.
Bien sûr toutes les épreuves avaient lieu en kilt, tant pour les sportifs que pour les musiciens et l’on devinait que les tartans réglaient à cette occasion de vieux comptes.
A la fin des Jeux, les médailles furent remises à Dunvegan Castle, dans le plus vieux château d’Ecosse encore habité par les Mac Leod dont la dernière descendante, Lady Mac Leod, âgée de plus de quatre-vingt printemps, souhaitait à chaque vainqueur de pouvoir confirmer sa victoire l’année suivante afin qu’elle lui remette une nouvelle fois la médaille.. A ses côtés, un vieillard cacochyme se tenait aussi immobile que les armures médiévales qui montaient la garde dans la salle d’armes où étaient remis les prix. A l’évidence, il ne faisait pas bon se déclarer Anglais en cette compagnie lors des libations toutes portées à la gloire de l‘Ecosse et de ses ancêtres luttant contre l‘envahisseur comme avait su le faire les Mac Leod et les Mac Donalds..
On ne pouvait pas quitter cette île superbe sans visiter sa brasserie de Whisky, ce que nous fîmes par un bel après-midi, visite pendant laquelle aucun verre de Talisker ne nous fut servi mais dont nous étions ressortis totalement enivrés par les vapeurs d’alcool. Ce whisky est brassé avec de l’eau de tourbe, de la pity water, une eau si pure que nous ne pouvions nous rincer avec quand nous nous lavions dans le torrent proche de notre campement.
Adieu l’Ecosse et son Nessy, ses petits trains de montagne, ses landes, ses phoques avec lesquels nous nous baignions et son incomparable hospitalité dès lors que vous aviez fait savoir que vous étiez d’origine celte, donc cousins. Retour en France.
Cécile ayant accepté une nomination d’assistante de français dans un collège anglais à Tavistock, cité de sir Francis Drake, nichée dans le Devon, je passais ma première année de mariage sans elle et m’organisais pour tous les mois et demi aller la rejoindre chez Phoebe, une vieille fille chez qui elle avait loué une chambre. C’était un vrai périple, une vraie course d’obstacles qu’il me fallait faire. Nantes - Dinard en voiture, puis sur Rousseau Aviation dans un vieux Dakota à hélices, Dinard-Jersey afin d’y attraper un vol pour Exeter sur Aurigny Air Service dont les avions de 6 places, des bi- moteurs Islanders, donnaient l’impression, au passager que j’étais, de prendre une leçon de pilotage car souvent il n’y avait à bord que le pilote et moi-même. Arrivé à Exeter, il me fallait louer une voiture anglaise pour parcourir les cents et quelques kilomètres qui me séparaient encore de ma femme.
Si ça, ce n’est pas de l’amour !
La maison où vivaient Cécile et Phoebe dominait la petite ville médiévale de Tavistock, grande bâtisse entourée d’un superbe jardin, elle gardait précieusement en son sein les reliques des parents de Phoebe. Sa mère pianiste de concert lui avait laissé un magnifique piano à queue qui trônait dans un salon -bibliothèque, et de son père Mr Brown, qui avait été le seul Premier Ministre Anglais libéral, elle avait gardé la collection complète des "Punch", journal satirique dont les premières éditions remontaient au siècle dernier.
La salle à manger y fut le lieu où j’appris à dresser la table à l’anglaise…et où, un verre de cherry à la main, Phoebe reprenait mon accent et mes expressions londoniennes pour tenter de m’inculquer une pratique de sa langue plus conforme aux canons du bon goût britannique…De cette période, je garde le souvenir d’avoir touché de près au savoir vivre de la gentry britannique, à ses petites manies, ses hobbies et cette ouverture vers le monde extérieur que nous, Français, avions perdu depuis longtemps. En fait, dans leur tête, de façon évidente, l’Empire Britannique subsistait, se perpétuait malgré une réalité contraire. Il suffisait d’assister à un match de cricket entre Anglais et Indiens ou Pakistanais pour comprendre que même les spectateurs vivaient sur une autre planète que la mienne.
Tous les personnages que j’y rencontraient étaient bizarres ou avaient des occupations peu banales.
Percy Peck, professeur au collège, par exemple, était animé de plusieurs obsessions qui le rendaient inclassable.
Il habitait un ancien presbytère, « the old caverage » dont une moitié de la bâtisse était en fait creusée dans la roche, aucune femme ne pouvait y accéder sans avoir au préalable accepté de se faire photographier les genoux par le propriétaire des lieux qui de surcroît couvrait les murs de son salon de ses « prises de guerre« . Il nourrissait par ailleurs une passion pour les vieux whiskies pur malt, passion qu’il partageait avec Creebers qui possédait une épicerie fine connue à des miles à la ronde. Enfin, il passait depuis des années ses loisirs à restaurer dans son garage une vieille « Chenard- Walker » dont il refaisait lui-même les pièces du moteur ainsi que les cuirs qui garnissaient le véhicule.
Combien de whiskies avions nous testés ensemble ? Je ne saurais le dire mais avec les cadavres des bouteilles, nous aurions pu ouvrir un magasin !
Miss Beever quant à elle, habitait une vaste demeure située en dehors des murs de la ville, dans la lande du Dartmoor où les moutons, les vaches et surtout les poneys se baladaient librement, seule l’entrée dans la ville leur était interdite par des grilles enchâssées dans le bitume des routes y conduisaient. Cette maison lui venait de ses parents car elle ne s’était jamais mariée trop occupée par son statut de militante du Women’s Lib héritée des manifestations de catherinettes du début du siècle.
Toute sa vie, elle avait milité et elle était fière de me montrer le photos des congrès de W.L auxquels elle avait assisté sa vie durant. Bien que frisant les soixante dix ans, elle se faisait une obligation d’aller à tous les congrès. Enfin, quand j’écris « assister » je triche un peu. En effet, elle y allait avec une de ses copines du même age, s’y faisait enregistrer et aussitôt après louait un véhicule et partait visiter le pays où avait lieu ce congrès.
C’est ainsi qu’elle fut sauvée par un détachement de troupes britanniques alors qu’avec son amie, elles s’étaient perdues dans le désert du sud Soudan au volant d’une Land Rover dont le compas s’était mis lui aussi en vacances…
Elle entreprit de m’initier au bridge et lors d’une partie acharnée où elle essayait vainement de me faire comprendre les subtilités du « texas » , elle me demanda brusquement… « Patrick, vous ne trichez donc jamais au jeu ? ». Lui ayant répondu que tricher au bridge rendrait ce jeu inintéressant, elle me répondit « vous ne saurez jamais jouer alors » !!! Sur ce, je lançais « cinq pique » !
Cette année de va et viens entre la perfide Albion et Nantes restera marquée dans ma mémoire de jeune homme comme une période fort enrichissante.
L’année suivante, Cécile de retour en France fut recrutée comme moi, surveillante d’externat alors qu’elle était inscrite en fac de lettres section Anglais et la vie redevint morose à souhait.
Le hasard des rencontres à l’Université nous avait mis en présence de deux jeunes filles d’origine grecque venues là perfectionner leur français. A Nantes, elles n’avaient aucune chance de fréquenter une communauté grecque inexistante et avec un couple d’amis, Alain et Colette, nous les avions prises en sympathie et présentées à la mère d’Alain, Josée, qui n’ayant eu que trois fils se fit un plaisir de les accueillir régulièrement le week-end afin qu’elles retrouvent un peu d’atmosphère familiale.
C’est donc au cours d’un de ces dimanche après-midi que nous nous interrogions sur notre prochaine destination de vacances d’été, hésitant entre une virée en Corse dans le village d’où était originaire Josée et une escapade sur le circuit des villes impériales au Maroc, que nos nouvelles amies s’insurgèrent en constatant que nous n’avions pas inscrit la Grèce dans nos destinations éventuelles. Piqué au vif, Alain qui visait un CAPES ou une Agrégation de lettres classiques, fit alors notre siège pour que la Grèce soit notre prochaine destination estivale.
C’est ainsi que tout début juillet, Cécile et moi, sacs au dos, étions pris en stop à la sortie de Nantes par un camion qui partait livrer un chargeur Manitou dans la région milanaise et devions rejoindre Alain et Colette à Brindisi sous la colonne romaine qui domine le port, juste en face de celle édifiée sous Mussolini.
Ayant appris que j’allais en Grèce en auto-stop, mes camarades socialistes qui avaient des liens avec des membres du PASOEK exilés en France, m’avait chargé de convoyer des stencils rédigés en grecs que je devais remettre à une adresse dans le quartier de Plaka. Les nombreux jeunes touristes qui visitaient ce pays sac au dos, garantissait un passage de documents sans problème à la douane. La fin de la traversée de l’Adriatique, au moment où le paquebot empruntait le chenal entre les eaux grecques et celles de l’Albanie, pays mystérieux ayant opté officiellement pour un communisme à la chinoise, donnait à tous l’occasion d’un frisson indéfinissable.
Du bateau, avant l’accostage alors que le quai d’Igoumenitsa nous accueillait, on pouvait distinguer une horde de gens en uniforme qui attendait cette invasion de touristes. Dans la file d’attente, les deux personnes qui me précédaient durent vider leurs sacs à dos et répondre aux questions de deux moustachus à l’air sévère. Je tendis mon passeport qui fut tamponné sans que le douanier ne jette un coup d’œil sur mon visage. J’avais eu chaud!
C’est à Aygion, petite ville balnéaire située sur le golf de Corinthe que les parents d’une de nos amies grecques nous attendaient. Pour nous garantir un bon séjour, ils s’étaient mis en tête de nous garder une dizaine de jours afin de nous apprendre des rudiments de grec moderne et c’est armé d’une cinquantaine de phrases toutes faites, de près de trois cents mots et de notions grammaticales qu’ils nous laissèrent partir vers Olympia, là où Alain nous avait promis qu’il accomplirait un tour de stade victorieux comme celui du célèbre marathonien !
Outre cette plongée dans le berceau de notre civilisation, rythmée par la lecture d’un Guide Bleu irremplaçable, c’est avec émotion que je me souviens d’avoir été pris en stop dans une grosse voiture anglaise dont le conducteur, voyant que Français nous faisions l’effort de parler grec, nous expliqua à voix basse, la vraie nature du pouvoir des colonels tout en insistant sur le fait que jamais il n’aurait tenu de tels propos si nous n’avions été seuls avec lui dans sa voiture sur les routes de montagne…
Puis vint le moment de rejoindre Athènes, ses musées, ses places Omonia et Syntagma, ses Eznovones montant la garde devant le Parlement, ses tabernas où l’on choisissait nos plats en soulevant les couvercles de grosses marmites pleines de Moussaka, ses terrasses de bistrots où se dégustaient l’après-midi des « frappés » homériques et où le soir après le Ouzo traditionnel, venait le temps du Raisiné, vin blanc acre qui coupait la soif. Là je rencontrais Georges, un militant du Pasoek à qui je remis les documents et qui se mit en tête de nous faire partager son amour du pays.
Jeune ingénieur diplômé, il avait été arrêté lors d’une manifestation et depuis était assigné à résidence, on lui avait retiré ses papiers d’identité et il était tenu de prévenir la police dès lors qu’il envisageait de sortir d’Athènes. Sous couvert d’une rencontre amicale suivie d’un dîner en haut de la colline du Licabet qui toisait celle de l’Acropole, nous rencontrions une partie de ses amis qui préparaient « un gros coup » pour le lendemain, samedi soir.
Le lendemain , tout le monde se retrouva en fin d’après-midi au théâtre d’Epidaure, vaste hémicycle de six mille places en plein air où devait être joué le soir même Electra la pièce de Sophocle.
Pour nous français, les dialogues étaient difficiles à suivre et nous avions un petit mémento rédigé en Anglais qui nous en racontait acte par acte l’histoire.
L’amphithéâtre était bondé, le premier rang était occupé par la fine fleur du gouvernement des colonels et dans les travées, toutes les cinq marches, des policiers en grande tenue d’apparat blanche veillaient.
C’est alors qu’à un moment où Electra s’adressait à Oreste qu’elle avait retrouvé et lui demandait de tuer leur mère qui avec son amant avait assassiné leur père Agamemnon, un gros tiers du public présent se leva dans un pesant silence et je fus brutalement agrippé par les épaules pour me retrouver debout. Tout le public levé fixa le premier rang des officiels dictateurs pendant deux longues minutes, puis se rassit en silence.
On m’expliqua à la fin du spectacle que ce public de militants du Pasoek s’était levé quand Electra disait à Oreste « ceux qui ont vaincu par le glaive doivent périr par le glaive »…. J’avais participé à une opération de résistance, sans en avoir saisi le sens à l’instant où elle avait eu lieu. J’en étais à la fois furieux et fier car le choix de cette action révélait à mes yeux qu’au travers les siècles, le génie de l’intelligence collective pouvait se transmettre.
En compagnie d’une de nos amies grecques, Soso, nous partîmes bientôt vers le coin de paradis qu’elle voulait nous faire connaître et utilisant le bateau de la malle poste, arrivions à Sifnos, petite île des Cyclades, proche de Milos. De la ville principale Apollonia, dans un caïque, nous quittions la foule pour arriver à Vathi, un lieu qu’elle nous avait vanté moult fois lors de nos rencontres en France.
Là, ce fut le paradis sur terre. Une baie dont le O n’était ouvert que par une brève échancrure vers la mer Egée, la plage bordée de tamaris et de lauriers roses Au nord de l’ouverture vers la mer, un petit restaurant accompagné de quelques maisons basses et les pieds dans l’eau, une chapelle byzantine accouplée d’un bâtiment qui servit de réfectoire aux popes qui y logeaient et que nous avons loué pour y séjourner. Le tout d’une blancheur éclatante sous le chaud soleil d’été, même le Meltem, ce vent étouffant des Cyclades y était clément. Baignades, pêche sous-marine et chasse à la tortue furent inscrits à nos menus quotidiens.
Pendant trois années à suivre, c’est vers la Grèce que nous nous évadions d’une vie étudiante et d’un « pionnicat » décervelant, ajoutant à nos destinations la Crète, Santorin, Paros, Samos, Cythère où nous croisions dans l’île un nombre de « civils » habillés en citadins qui se révélèrent être des urbains d’opposition assignés là à résidence. En tout lieu l’accueil était chaleureux et notre maîtrise du grec moderne progressait. Visitant l’île d’Eubée (Evia) nous fûmes même contraints de fuir un petit village de pêcheurs qui nous avait adopté. C’était un des derniers villages vivant encore sous la loi martiale, un village où la résistance à la dictature de Papadopoulos avait été la plus tenace. Français et militants socialistes, nous animions les soirées sur la place avec force « zito Galia, situ Hellas, zito Papandréou !! » et à ce petit jeu il nous était devenu impossible de payer quoi que ce soit, même nos cigarettes nous étaient offertes. Et quand tout le village réuni chantait « vive la France, vive la Grèce, vive Papandréou » avec nous, cela voulait dire que dans les cinq minutes un halftrack de l’armée emportant une dizaine de soldats venait démontrer à tous qu’elle veillait sur nous !
La dernière année, en 74 nous y étions allé en voiture car nous souhaitions visiter le Nord du pays vers Kastoria et la frontière albanaise ainsi que les Météorones dont les monastères perchés sur les hauteurs nous impressionnaient et le hasard voulut que l’on aille récupérer la voiture dans un garage grec où elle était en révision le lendemain de l’arrivée à Athènes de Caramanlis à qui Giscard avait prêté son avion personnel pour lui permettre de rentrer d’exil et prendre le pouvoir après le départ des colonels félons.
Là encore, impossible de payer le garagiste, le seul fait d’être Français valait tout sauf -conduit.
Sur le chemin du retour, débarquant à Brindisi, l’italien du service de tourisme refusa de nous vendre des tickets d’essence à prix réduit, tickets qui étaient réservés aux touristes. Mécontents, nous décidions de traverser la botte italienne le plus rapidement possible et sans arrêt autre que le ravitaillement en essence, nous nous retrouvions au petit matin dans la montée d’Aoste vers le Mont Blanc. En milieu de matinée, alors que nous venions de traverser Bourg en Bresse, j’indiquais à Cécile qui avait dormi toute la nuit sur le siège arrière déplié de coccinelle que je souhaitais me reposer. « D’accord me répondit-elle, mais dans un hôtel suffisamment éloigné de la route. La première pancarte, on y va ».
C’est ainsi que l’on se retrouva à Vonnas chez la Mère Blanc où hirsute et non rasé je garais la voiture couverte de moustiques écrasés entre deux belles limousines allemandes. Ils leur restaient une chambre libre, elle fut pour nous.
Quand on a passé deux mois à vivre dehors, campant le plus souvent, à passer des journées entières, tuba à la bouche et palmes aux pieds, à se rincer à l’aide de tuyau trouvé dans les vergers où l’eau gardait longtemps la chaleur du plein soleil, et que l’on se retrouve sans l’avoir cherché dans la chambre d’un palace, meublée avec goût et dotée d’une salle de bain où Nina Ricci imprime sa marque, on se dit là que vraiment la France est un pays irremplaçable…et on en use et abuse jusqu’à l’heure du dîner nécessairement gastronomique. Le lendemain, repus et reposés, nous quittions cette halte improvisée en emportant comme souvenir cinq caisses de vins sélectionnés par Michel Blanc…de quoi attaquer la nouvelle année universitaire sans angoisse !
Mais nos conditions de vie et de travail avaient changé depuis le début de l’année 74
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu