Or, pendant qu’Isidore vivait ainsi à la porte du monastère, je me permis un
jour de lui demander quelles étaient les pensées qui remplissaient son esprit,
et les sentiments qui agitaient son cœur. Comme il vit qu’en me répondant, il
contribuerait à mon salut, et me serait de quelque utilité, il n’hésita pas de
me faire la réponse suivante : «La première année, me dit-il, je me suis
continuellement représenté que c’étaient mes péchés qui m’avaient ainsi vendu
et rendu esclave. Cette considération me navrait le cœur d’amertume et de
douleur, et me portait à me faire violence pour accomplir les ordres qu’on
m’avait donnés; c’est pourquoi, en me prosternant aux pieds de mes frères, je
les arrosais de mes larmes, et quelquefois de mon sang. Après cette première
année, je conçus l’espérance que Dieu récompenserait et ma soumission et ma
patience; ce qui fut cause que je fis sans peine ma pénitence. Enfin les cinq
dernières années je ne sentis en moi-même qu’un vif sentiment de mon indignité,
qui me faisait juger indigne, non seulement d’entrer dans le monastère, mais de
demeurer même où j’étais; de jouir de la présence et de la conversation des
frères; d’être admis à la participation des saints mystères, et même d’être
regardé par quelque personne que ce fût. C’est pourquoi, tenant mes yeux et
plus encore mon esprit et mon cœur abaissés vers la terre, je conjurais ceux
qui entraient ou qui sortaient, de prier Dieu pour
moi.»
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la bienheureuse
et toujours louable obéissance»