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Je me suis toujours demandé ce que serait devenue ma vie quand j'aurais atteint mes quatre-vingt ans. Qu'aurai-je accomplis ? Avec qui finirais-je mes vieux jours ? Aurais-je réalisé toutes mes envies ? Malgré tout ce à quoi j'avais pensé, j'étais bien loin d'imaginer ce qui se produirait.
A cinq ans, je rêvais que "quand je serais grande", je serais astronaute. A huit ans, j'étais devenue danseuse étoile, m'imposant tutu et collants pour la vie. L'année de mes treize ans, j'incarnais l'héroïne d'une comédie musicale guimauve, à la recherche de son prince charmant. Je me devinais future star du punk ayant atteint les seize printemps. J'aurais du continuer à croire en ces illusions, conserver l'innocence que chaque enfant possède. Ma toute jeunesse, mon adolescence, auraient du être des plus communes, une fille parmi tant d'autres, mais la vie en a décidé autrement.
Tout avait pourtant bien démarré. J'évoluais au sein d'une famille tout ce qu'il y a de plus classique : un père, une mère. Fille unique, je n'étais cependant pas devenue égocentrique, ne tentant pas de focaliser perpétuellement l'attention de mes parents, n'étant pas capricieuse pour un sou. Je ne veux pas dire que je n'avais aucun défaut, mais je n'étais pas un petit diable comme d'autres bambins le sont. Je n'ai gardé que peu de souvenirs de toute cette période bienheureuse, ma mémoire a apparemment effacé des pans entiers de ces années. Cette merveilleuse insouciance aurait pu perdurer infiniment. Malheureusement, les choses se détériorèrent plus que radicalement.L'année de mes onze ans fut le théâtre d'un drame irrémédiable. Je rentrais de l'école un après-midi, beaucoup plus tôt que prévu, ayant été raccompagnée en voiture par la maman d'une de mes camarades. J'avais hâte, comme à chaque fois que j'approchais de la maison, de retrouver l'ambiance familière et réconfortante de notre "chez-nous". J'ouvris la porte et pénétrais dans l'entrée, courant dans la cuisine pour attraper un petit pain au lait comme à mon habitude. Je jetais mon cartable quelques mètres plus loin et me mis à la recherche de ma mère, fouillant tout le rez-de-chaussée, sans succès. Je gagnais alors les escaliers qui menaient au premier. Grignotant mon goûter, j'atteignais l'étage et me stoppais net en entendant des bruits étouffés. Je prêtais une oreille attentive à ces murmures qui provenaient de la chambre de mes parents. Lentement, je me dirigeais vers la porte qui était restée entrebâillée. La curiosité me poussait à aller de l'avant même si une petite voix à l'intérieur de moi, me recommandait de ne pas aller plus loin. A quelques centimètres seulement de mon but, un cri rompit le silence. Je me figeais. Est-ce qu'on faisait du mal à ma mère ? Je franchis les quelques pas qu'ils me restaient et mon visage vint de placer contre l'embrasure de la porte. Je découvris une scène qui me glaça le sang. Les gémissements étaient de plus en plus rapprochés et sonores. Je distinguais ma mère dans une position peu avantageuse, avec deux autres hommes, dont, je peux l'affirmer, aucun n'était mon père. Muette par la surprise et choquée devant cette scène qui se déroulait sous mes yeux de gamine, je réussis à sortir de ma torpeur pour m'exiler hors de la maison. J'errais pendant un très long moment dans le petit parc situé tout près de notre habitation, tentant de chasser ces images écœurantes qui revenaient sans cesse devant mes yeux. J'eus envie de vomir. Dès cet instant je compris qu'il me faudrait garder le silence sur ce que j'avais vu. En tout cas, plus rien ne pourrait être comme avant. La suite ? Rendez-vous mercredi prochain pour la page 2 !