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L'amour courtois et la chevalerie

Publié le 02 août 2009 par Araucaria

L'amour courtois et la chevalerie
Tapisserie de la Dame à la Licorne - Musée de Cluny - Paris
"A mon seul désir" (Illustration trouvée sur le net)
Pendant quelques jours nous avons voyagé au coeur du Moyen-Age avec quelques grands poètes de l'époque.
Il est difficile d'évoquer le Moyen-Age sans songer aux trouvères ou troubadours et en faisant abstraction de l'Amour Courtois et de la Chevalerie.
A quelle période est né ce mouvement, et que signifiait-il?
On trouve une réponse dans une anthologie rédigée par Estelle Doudet, "L'amour courtois et la chevalerie" - Des troubadours à Chrétien de Troyes - Recueil qui présente des textes de Jaufré Rudel, Bernard de Ventadour, Marie de France, André Le Chapelain, Thibaut de Champagne, Chrétien de Troyes...
"A la fin du XIème siècle, les troubadours inventent un nouveau code de relations entre hommes et femmes. C'est l'"amour courtois" ou "fin'amor". L'amant doit obéissance et fidélité absolues à sa dame, qu'il choisit toujours mariée, et d'une condition sociale plus élevée que la sienne. Il doit faire preuve de patience, d'humilité, de courage et de loyauté. Si l'amour est partagé, il devra rester secret et vaincre de nombreux obstacles avant de se réaliser..."
L'épouse du seigneur, représente le centre vital du château. Toute l'originalité de la courtoisie est cristallisée par l'invention littéraire d'une nouvelle relation entre hommes et femmes, que l'on nomme "amour courtois" ou fin'amor. La courtoisie et l'art érotique qui l'accompagne sont donc une réflexion sur la possibilité de nouveaux rapports entre les sexes. Elles réagissent, il faut l'avouer, à une situation réelle souvent moins idyllique : dépendance totale de la femme médiévale face au monde masculin, sous l'influence de l'Eglise; indifférence à ses désirs; privation de la liberté économique et sociale. L'amour courtois est donc une véritable révolution idéologique, qui va s'exprimer surtout dans la littérature.
Lorsque les troubadours nomment l'amour qu'ils inventent fin'amor, ils insistent sur le fait que cette relation amoureuse est "fine", c'est à dire subtile et noble, mais aussi qu'elle finit et couronne un travail sur soi chez les partenaires. L'amour courtois est l'aboutissement d'une conquête de soi-même, menant le jeune homme, à travers la femme aimée, vers la découverte de ses qualités profondes. La courtoisie est une éducation sentimentale, morale, sociale.
Extérieurement, l'amour courtois se modèle sur le monde féodal dont il est issu. Il est surtout pratiqué par des aristocrates et imite les gestes du dévouement vassalique.
(...)


Comment fonctionne une relation courtoise idéale?


- L'amour courtois est par essence adultère, puisque la dame est toujours mariée. Le mariage est conçu en effet par les poètes comme une contrainte sociale imposée aux femmes, alors que la courtoisie repose sur le libre don de soi à l'autre. (...)
- L'amour est un contrat, où la femme prend et l'amant donne. Par conséquent, l'amante doit toujours posséder une position sociale plus élevée que son soupirant : elle est noble s'il est roturier, elle est duchesse s'il est comte... Ce jeu amoureux est fortement lié à un désir d'ascension sociale de la part de l'amant. (...)
- La courtoisie n'est pas seulement un sentiment sincère; elle est indissociable de l'équilibre que l'homme doit trouver en lui pour être un bon amant : apprendre à obéir; apprendre à modérer ses instincts; développer ses qualités les plus éminentes (courage, générosité, confiance en soi); maîtriser l'art subtil de la poésie et du chant. (...)
- Si le service amoureux exige patience et humilité, si l'attente est le lot commun de l'amant et si la dame n'accorde pas immédiatement ses faveurs, l'érotique courtoise, malgré les idées reçues, est rarement platonique. La dame, satisfaite de son amoureux, accorde petit à petit et à sa volonté caresses, baisers, avant de donner le "surplus", c'est à dire l'union charnelle. Dans tous les cas, elle mène le jeu en soumettant toujours l'homme à son désir. (...) Une sensualité profonde anime la poésie et la prose courtoises; allusions discrètes mais précises au corps de la femme qui fait fantasmer l'amant, rêveries sur les chances de contact physique qu'offrent vergers et salles de château où l'on vit côte à côte. Il peut paraître étonnant de ne voir évoqués la possession sexuelle et le plaisir que sous la forme future ou optative; mais tel est le fonctionnement du désir courtois. (...) L'accomplissement sexuel d'une liaison marque la fin du jeu, redoutée par les amants. (...)
- L'importance de l'obstacle et du danger. L'amour partagé doit s'entourer du plus grand secret et toujours vivre dans la peur d'être découvert par le mari indésirable souvent dit jaloux. La relation courtoise n'a rien d'un long fleuve tranquille. L'amant est rongé lui aussi d'une jalousie absurde mais liée à son sentiment amoureux. Il est obsédé par la pensée de possibles rivaux ou surtout de témoins indiscrets.
La fin'amor, née dans les régions du sud de la France, se développe durant trois siècles. Le terme générique d'amour courtois, proposé par les universitaires français du XIXème siècle, cache donc une réalité souvent changeante et qu'il convient de ne pas caricaturer. A partir du fonctionnement général de la liaison courtoise que nous venons d'évoquer se distinguent deux conceptions divergentes, exprimées l'une par les troubadours du sud de la France au début du XIIème siècle; l'autre par les trouvères du nord du pays, à partir de 1160 et au siècle suivant. (...)
- La fin'amor des pays du Nord est surtout d'essence chevaleresque. Les faveurs des dames doivent se mériter par des exploits guerriers autant que poétiques. L'amant est avant tout un héros combattant, qui, s'il est patient et humble envers sa maîtresse, n'est guère intéressé par la chasteté de la liaison.
- L'amour courtois des troubadours, au Sud, implique d'une façon plus absolue que la femme soit mariée à un autre et qu'elle soit d'un rang social supérieur à celui d'un amant souvent roturier. Ces deux conditions rendent la liaison de courtoisie presque nécessairement platonique. C'est une passion de poète et de rêveur, qui y trouve parfois une sorte de revanche sociale sur de riches seigneurs.
Si l'amour des chevaliers touche à la folie guerrière, l'amour courtois des poètes est marqué par l'humilité et la timidité...
"L'amour courtois et la chevalerie" - Estelle Doudet - Librio n° 641 -


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