Jaufré Rudel, prince de Blaye et seigneur de Bergerac, fut l'un des premiers troubadours célèbres et l'un des inventeur de l'amour courtois occitan. Ses poèmes mélancoliques chantent le recherche d'un amour idéal, d'une femme étrangère dont on tombe amoureux sans même l'avoir vue.
Les oeuvres de Jaufré Rudel, vite connues, ont suscité des biographies imaginaires qui font du poète un héros de légende. Voici ce que dit sa biographie (vida) du destin du poère : "Epris de la comtesse de Tripoli, sans la voir, pour le bien qu'il entendit dire d'elle, le poète fit à son sujet maintes bonnes chansons, avec de belles mélodies mais des mots simples. Et par désir de la voir, il décida de s'engager dans la croisade et prit la mer. Il tomba malade au cours de la traversée et fut conduit à Tripoli, dans une auberge, agonisant. La nouvelle parvint à la comtesse qui vint alors à lui, auprès de son lit, et le prit entre ses bras. Il sut que c'était elle et il recouvra sur-le champ l'ouie et l'odorat. Il loua Dieu de l'avoir maintenu en vie jusqu'à ce qu'il l'eût enfin vue. C'est ainsi qu'il mourut entre les bras de celle qu'il aimait."
Elle le fit enterrer avec tous les honneurs dans la maison du Temple. Le même jour, elle entra au couvent, pour la douleur qu'elle avait de la disparition de son amant.
Chanson de l'amour de loin (avant 1147) - extrait -
Lorsque les jours sont longs en mai
J'aime au loin le doux chant des oiseaux,
Et quand je suis parti de là
Il me souvient d'un amour lointain.
Alors je m'en vais, si morne et si pensif,
Que chants et fleurs d'aubépines
Ne me sont plus qu'hiver gelé.
En vérité je tiendrai pour Seigneur
Celui par qui je verrai mon amour lointain!
Mais pour un bien qu'il m'en échoit
J'en ai deux maux, puisqu'il est lointain.
Ah, je voudrais être pélerin,
Pour me mon bâton et mon manteau
Puissent être vus de ses beaux yeux!
(...)
L'amour courtois et la chevalerie - Estelle Doudet - Librio n°641 -