Magazine Humeur

Nantes 2, apprentissage de la sociale démocratie

Publié le 04 août 2009 par Didier T.
Nantes 2, apprentissage de la sociale démocratie
Nantes 2, apprentissage de la sociale démocratie
sigle de brommersvik le lac et ses saunas
Les trois derniers mois avaient été très chargés pour le nouveau maire qui continuait en même temps à négocier avec son employeur les conditions de son départ. Il était jusqu’à son élection , un des cadres d’IBM affectés à la région nantaise.
Compagnon depuis septembre 1965 de Pierre Mauroy et de son club le CEDEP, membre dirigeant des Clubs Léo Lagrange, Alain Chénard avait pris l’habitude de passer une partie de ses vacances en participant à des voyages d’études à l’étranger en compagnie de Pierre et de son groupe d’amis.
Cet été 1977, il décida que je l‘accompagnerai afin de me faire rencontrer et connaître tous les membres de cette équipe à l’occasion du voyage prévu cette année là en Suède où ils avaient rendez-vous avec ce que la Sociale Démocratie faisait de mieux.
C’est ainsi que, je participais à ce voyage « des amis de Pierre Mauroy ». D’Arlanda, notre destination aéroportuaire proche de Stockholm, nous faisions route vers Södertälje, petite ville bien proprette au nord de la banlieue capitale et nous enfoncions dans une épaisse forêt de résineux et de bouleaux parsemée de lacs pour atteindre notre destination finale: Bommersvik, un centre de rencontre et une université réservée aux jeunes sociaux démocrates suédois .
Les conférences y étaient animées, pour la plupart, par des responsables suédois dont certains étaient ministres en exercice et avaient dégagé le temps nécessaire à l’animation des ateliers.
Pour des Français comme nous, la surprise fut grande quand, vers 11 heure et demi, le ministre des Finances suédois interrompit son exposé car ce jour là, il avait la garde de sa fille encore bébé et devait lui donner le biberon. Bien des épouses françaises qui accompagnaient leurs maris se prirent à rêver que ceux-ci retiendraient autant les explications données lors de l’exposé que la leçon d’égalité des sexes magistralement démontrée par ce ministre encore jeune….
L’immense site de Bommersvik regroupait, autour du vieux bâtiment principal, de nombreux chalets en bois dispersés dans la forêt environnante qui bordait un lac vert émeraude. Dans la soirée, nous goûtions aux plaisirs des saunas répartis au bord du lac et nus comme de vers, au sortir de ces espaces de chaleur, nous courrions sur les pontons pour nous jeter dans l’eau froide du lac. La baignade ne durait jamais bien longtemps, car la protection du bouclier thermique, gagnée dans les vapeurs du sauna, ne faisait son office que pendant cinq à dix minutes, après il nous fallait regagner la rive.
C’est sur un de ces pontons de bois que Tage Erlander qui, ayant pris sa retraite, résidait en permanence à Bommersvik, venait l’après midi lancer sa ligne à pêche, un bob planté sur la crâne.
Tage est un vrai personnage de roman, une figure aimée et respectée de tous les Suédois, y compris de ses adversaires politiques. Il fut pendant près de 23 ans Premier Ministre de Suède et Président du Parti Social Démocrate au pouvoir. Retraité, vivant simplement dans un de ces chalets qui nous accueillaient, il écrivait le matin ses mémoires et pêchait l’après-midi.
Toute ma vie, je me souviendrai de ces quelques heures où, silencieux et assis à ses cotés sur le ponton, lui pêchait et racontait ses combats, l’affreuse misère qui régnait en Suède à sa naissance au début du siècle, l’alcoolisme ravageur, le racisme rampant des suédois d’alors à l’égard d’immigrés venus du nord, notamment de Finlande, l’importance de LO le syndicat tout puissant qu’il avait contribué à développer et qui relayait dans l’opinion les raisons de sa politique. Bref, tout ce qui fit que la Suède était regardée, en ce temps là, comme un paradis social.
Et pendant tout ce temps, relançant parfois Tage Erlander, le poussant dans ses retranchements, l’obligeant à préciser quelques unes de ses certitudes, faisant les cent pas sur ce ponton qui en grinçait de douleur contenue, Pierre Mauroy écoutait, méditait, relançait et s’abreuvait aux sources les plus autorisées de la sociale démo, pendant que nos amis jouaient une partie acharnée de football contre une équipe de jeunes sociaux-démocrates suédois.
J’ignorais à ce moment là que quelques années plus tard, nous évoquerions cette fin d’après-midi, dans son bureau de Matignon.
Bien sur, nous étions aussi aller visiter à Stockholm des opérations de restauration urbaine et j’en avais profité pour aller voir le Vasa dans son musée. Ce vaisseau, construit à la demande du roi Gustave Adolf au 17ème siècle était si lourdement armé de canons que lors de son lancement officiel, sous l’effet d’un coup de vent, il prit la gîte et les sabords n’étant pas fermés, coula dans le port de Stockholm par 30 mètres de fond. Renfloué 350 ans plus tard, afin que le bois ne s’effrite, une solution de produits chimiques était pulvérisée en permanence sur la totalité du bâtiment.
Afin de nous faire toucher du doigt la nécessité d’une organisation sans faille, nous fûmes aussi conduits à visiter le centre de formation de LO, situé sur une de ces milliers d’îles que l’on croise sur le chemin qui mène à la mer Baltique.
Ne craignant pas le paradoxe, nos amis nous détaillaient le luxe des paquebots qui partaient vers la Finlande le temps d’un week-end, embarquant à leur bord des milliers de suédois qui n’étaient en rien intéressés par le voyage mais venaient y chercher là une possibilité de consommer plus que de raison en duty -free, un alcool qui était lourdement taxé chez eux afin de lutter contre un des fléaux ancestraux de ce pays qu’avait été l’alcoolisme.
Quand amicalement, nous leur faisions remarquer que ces escapades hebdomadaires vers l’alcool, le jeux et la fête révélaient un certain malaise social que la fréquence des suicides officiellement rapportée venait confirmer.
Ils répondaient que nous n’avions connu de la Suède que la plus belle période d’été et qu’en hiver le soleil ne se levait que vers 11 heures pour disparaître quatre heures plus tard ce qui n’incitait pas à la joie de vivre. Et, férus d’histoire, ils nous renvoyaient au paradoxe bien français qui avait marqué leur destinée nationale, en nous citant Bernadotte, ancien officier de Bonaparte qui devint roi de Suède et de Norvège alors qu’il portait tatoué sur sa poitrine « mort aux rois », formule qu’il avait adopté à l’époque où il n’était que sergent et plus connu sous le surnom de «Belles Jambes»…. Humour grinçant qui nous laissait sans réplique !
C’est donc, armés de conseils et de références historiques et convaincus du bien fondé de l’approche sociale-démocrate que nous rentrions en France, nous promettant de nous retrouver lors d’un prochain voyage amical que Pierre Mauroy souhaitait organiser dans cette Espagne fraichement libérée de Franco.
De retour à Nantes, il me fallait organiser le cabinet afin d’assurer au nouveau maire la maîtrise d’une maison qui comptait plus de deux milles employés et dont l’équipe municipale de quarante membres était composée d’élus issus de toute la gauche.
A cette époque en effet, les giscardiens et les chiraquiens avaient changé les règles des élections municipales et la liste arrivée en tête gagnait tous les sièges ! Nous n’avions donc pas à nous préoccuper d’une opposition qui, de ce fait, était restée hors les murs.Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine