En vrai, mes endives, je ne vous parle pas très souvent de ma vie privée. Ça fait partie de ce qui rend ce bloug si indéfinissable (enfin, ça et sa ligne éditoriale toute pourrave, hein). Ce qui fait qu’à chaque fois que quelqu’un découvre que j’ai un bloug et qu’il/elle me demande de quoi ça cause, je réponds que euh, bah, comment dire, de plein de conneries, de sociologie des cultures païennes aux XXIème siècle et de pratiques sexuelles extrêmes avec des animatrices TV, mais qu’en fait c’est pas vraiment un journal intime, plutôt un défouloir ou une réserve de billets d’humeur, ou alors c’est juste un grand n’importe quoi, je sais pas, j’arrive pas à définir, fous-moi la paix et reprends une vodka cranberry…
M’enfin tout ça pour dire que c’est pas trop un bloug intime, quoi. Parce que bon, mes états d’âme et mes coucheries, ça ne regarde que moi, ça m’appartient, et je préfère les partager en direct live avec des gens que je connais en vrai, tu comprends ? Ça me donne une rassurante (quoiqu’absolument fausse, je le sais bien) impression de maîtrise des flux d’information qui circulent. Et même si les 9/10èmes des personnes qui passent sur ce bloug me connaissent en vrai (je parle de ceux qui lisent, hein, pas des 90 pervers qui débarquent chaque jour avec une requête Go*gle dégueu’), bah ceci est un espace public sur le ouèbe, il y a des gens que je ne connais pas qui le lisent, et aussi des gens avec qui je bosse ou avec qui je peux être amené à bosser, des blougueurs influents qui surveillent la concurrence et des agences ouèbe qui cherchent la future nouvelle star de la blougosphère (on peut rêver, hein) (quoique je suis souvent ravi de ne pas être influent) (mais tu me connais, je crache pas sur les thunes) (youhou, gentille agence de buzz, ne cherche plus, tu m’as trouvé !).
…
Bref. En gros, donc, je préfère rester évasif sur ma vie privée en général, parce qu’elle m’appartient, qu’elle est déjà assez transparente comme ça et qu’elle implique des gens qui n’ont pas forcément envie de se voir exposés ainsi aux commentaires et jugements de fans érotomanes de Marie Drucker (nue).
Mais bon. Aujourd’hui c’est la fête du slip, et pis j’avais envie de vous raconter une histoire, suite à un post sur le bloug de Vinnie et Brice. Le bloug de Vinnie et Brice, je l’ai découvert il y a relativement peu de temps, et j’aime bien le concept éditorial de conversation en ligne qu’ils mettent en scène pour chaque post. Ça parle vachement de vie privée, quand même, et je dois dire que du point de vue d’un semi-parano de l’identité numérique comme moi, c’est admirable.
Bon, certes, t’as dû remarquer que j’étais homosessouel (ou alors faut vraiment que tu me dégages de tes favoris sur Netvaïbes, hein, parce que tu fais semblant de lire et que tu ne viens que pour les illustrations Ugly Betty, en fait) (vilain), mais bon, je reste quand même sobre et élégant et je ne te parle pas galipettes, j’ai des restes d’éducation bourgeoise, moi, Madame.
Ouais, bon, c’est pas bientôt fini cette intro ?
Si, si, ça va, pas la peine de t’exciter ! Si j’avais l’esprit de synthèse tu serais plus là depuis longtemps, de toute façon ! Donc, Vinnie et Brice, ils ont fait un post sur le coming out, et ils ont encouragé leurs lecteurs à en faire autant pour, potentiellement, aider du djeunz sensible qui saurait pas trop comment s’y prendre. Comme j’ai rien à dire en ce moment, que c’est la crise d’inspiration générale sur le ouèbe 2.0 et que ce soir y’a les nouveaux épisodes de Mon incroyable fiancé avec le faux coming out de Christopher le barman breton, cette proposition est finalement du pain béni, au mépris de ma praïvète laïfe (tu admireras l’abnégation et le renoncement à ses principes auquel peut amener un bloug). En plus, ce que je vais écrire est bien trop long pour finir en commentaire sur leur bloug. Alors je leur dis yes, et je dis accroche-toi à ton slip, djeunz de quinze ans un peu pédé (mais pas encore complètement pédé, hein, je sais à quel point ça rassure de se croire bi, va), laisse-moi te guider dans les méandres de mes souvenirs de jeune déviant !
Fin de l’intro. Re-Bonjour aux 3,2% du lectorat qui n’ont pas encore sauté par la fenêtre en hurlant.
Ça va te paraître bien niais, mais une partie de moi à toujours su que j’étais rien qu’un gros pédé. Une petite partie, hein, celle qu’on appelle inconscient, ou sur-moi, ou je ne sais quel terme psy que je ne voudrais pas détourner de son sens réel. Mais cela ne m’est apparu qu’assez tard, parce que je refoulais vraiment très fort cette partie de ma personne (une apparition bizarrement peu torturée, d’ailleurs) (mais on en reparlera plus tard).
Donc, quand j’étais en maternelle, pour commencer (on ne va pas essayer de remonter plus loin dans la socialisation, hein), je ne traînais qu’avec… des filles. Mais alors vraiment QUE des filles, hein. J’avais bien conscience d’être un garçon et que j’étais supposé leur tirer les cheveux et leur déglinguer leur sable doux au bord du bac à sable (tu faisais pas du sable doux en maternelle, toi ?), mais que pouic, ouais, c’était mes coupines et je les trouvais vachement plus rigolotes que les garçons. J’ai bien essayé de me la jouer amoureux d’une fille en grande section, mais j’ai rien concrétisé, et pis franchement hormonalement j’étais au niveau zéro de la testosérone à cette époque. Donc jamais la fifille en question n’est devenue mon amoureuse (mais mon regard d’adulte sur les choses y voit désormais un épisode freudien un peu tordu de ma tendre enfance) (je ne te raconterai jamais en quoi c’est tordu, par contre).
Pis y’a eu le primaire : même topo, mon groupe de copines fans de Sauvés par le Gong puis de Beverly Hills encore plus cruches que dans Totally Spies, le refus de jouer au foot, les cours de danse classique, pas de potes garçons (ou alors très peu) (avec le recul, je me demande même si je ne draguais pas inconsciemment les rares garçons auquel je parlais) (bref), les jeux d’équipes "filles contre garçons" où j’étais le traître de service (tu m’étonnes que j’étais l’archétype de l’anti-virilité), la corde à sauter. Franchement, les gens sont aveugles, parfois, je te jure.
Le collège, ça se complique. Il commencerait à être temps que je tombe amoureux d’une fille, non ? Bon, les hormones d’adolescence commencent à me titiller (oui, même moi l’asexué de service) (je t’emmerde), je me lance dans des rapports conflictuels avec mes coupines du primaire, me fais de nouveaux amis (devine quoi : encore des filles) et jette mon dévolu sur une de ces nouvelles potes. Et là, c’est… le râteau. Enfin, pas vraiment, disons que ce qui a le plus ressemblé à une approche s’est très mal passé. Une autre veut sortir avec moi, mais je n’arrive pas à me sortir la première de la tête. Et pis un jour, je réalise que je n’ai jamais vraiment essayé de concrétiser (alors qu’on est en quatrième, merde, tous les mecs parlent de nichons, de chatte et de mouille pendant les récrés) (beurk) (oui, ça aussi, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille : jamais eu aucune envie de parler de ces trucs-là). Il faut se rendre à l’évidence : je l’aimais d’un amour platonique, ma coupine, et d’une certaine manière aujourd’hui c’est toujours le cas, même si nos chemins se sont séparés, mais alors, vraiment, ça allait pas être possible que je cherche à la pécho en soirée.
Merde alors.
Crois-tu qu’à ce moment-là j’ai la révélation ? Bah nan, même pas. Je me cherche des excuses, j’ai idéalisé la fille, j’en ai une perception tellement pure et virginale que je veux pas me comporter avec elle comme les autres cochons de ma classe, c’est ma pote et nos rapports sont forcément un peu brouillés à notre âge, etc. Et pis je suis moche aussi, c’est normal qu’elle veuille pas de moi, lâche l’affaire, mec.
J’ai toujours été doué pour me trouver des excuses. C’est une des bases de la procrastination (fondement de ma personnalité).
La révélation, elle me vient en troisième. D’un rêve. Pas spécialement érotique, mais clairement gay (je suis un grand romantique, au fond) (même si ici, j’essaye de me la jouer grosse raclure).
Le matin, je me réveille. Je suis homo. C’est une évidence. Elle me frappe, mais ne me traumatise pas. Tout est clair désormais. Je ne le vis ni bien, ni mal : c’est un fait, je suis pédé. Il va falloir faire avec, bien sûr, mais j’ai désormais l’impression de me comprendre, et de savoir ce que j’ai à faire.
Le déclencheur, comme ce sera à nouveau le cas plus tard, est un mec. Logique. Tous les pédés ont été secrètement amoureux de leur meilleur ami du collège. Moi aussi. Pas de dramatisation à outrance de mon côté : la révélation tranquille de ma sexualité m’a aussi donné beaucoup de calme et de recul sur ma condition. Non il n’est pas amoureux de moi. Non il n’y a pas de raison de se torturer en espérant inutilement. Oui, ça fait mal. Mais il n’y a désormais plus qu’une chose à faire : attendre.
Comme avec la coupine dont j’étais "amoureux", j’arrange même les histoires de cœur de mon pote (j’suis bien con, hein ?), à cette différence près que dans ma tête c’est vachement moins platonique, pour le coup ! Hu hu. (La vérité, aujourd’hui, il projette de l’épouser, la fille dont il était question) (et je suis ravi pour eux).
Voila pour mon coming out auprès de moi-même. C'est le plus important, en fait.
Mon recul et ma froideur naturels me permettent de traverser le lycée dans un état de dépression relativement vivable (même si je savais que ce n’était pas une fin en soi, j’étais quand même un pédé placardisé dans un lycée catho de province, quoi) et d’arriver à l’université sans encombre. Comme prévu, ça fait mal mais j’oublie mon pote (mine de rien, quatre ans d’amûûr non partagé) (et non su de son côté). J’ai volontairement choisi une option qui s’est présentée à moi : me barrer à Bordeaux. 600 km me séparant de mon lycée, des gens qui m’ont connu, de ma vie d’avant. C’est comme ça que je pense être le mieux à même de tourner la page : ne pas rentrer tous les ouikènes en Seine-et-Marne, ne pas continuer à voir les mêmes gens et à sortir dans les mêmes boîtes hétéros, faire ma vie ailleurs sur de nouvelles bases.
Le bac, donc. Avant de quitter la Seine-et-Marne, il y a eu un vague flirt pendant des vacances scolaires. A peine un bisou, un vague touche-pipi, le truc naze quoi. Mais bon, ça me donne matière à me confier à ma cousine. Elle se montre hyper ouverte, m’annonce que la cousine qu’on a en commun est lesbienne (ce qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille) (bah oui, cela revenait à me cafter le secret de notre cousine, quoi). Ah. Bah je me sens moins seul, alors. Quelques mois plus tard, toute la famille est au courant, sauf mon père et ma mère : ça s’est répandu comme une traînée de poudre, constituant même le potin de l’année dans les conversations téléphoniques avec les bourgeoises catho de la famille éloignée. Je n’ai jamais vraiment pardonné à ma cousine, même si d’autres soucis familiaux ont eu un impact plus important sur la dégradation de nos relations.
Fin de première année universitaire. Les examens sont passés, j’ai un copain. A cette époque je suis hyper heureux. J’ai mis en place à Bordeaux une nouvelle manière d’aborder mes relations avec les gens : je leur fais savoir assez vite que je suis homo (au bout de quelques jours ou semaine, selon l’occasion). Si ça leur convient, tant mieux. Si ça les débecte, tant pis pour eux (au moins, l’attachement entre nous n’aura pas été de trop longue durée, ce qui facilite la séparation). Avec mes potes de primaire-collège-lycée (oui, j’ai tout fait dans le même établissement) (mon parcours de vie est d’une linéarité déprimante), je ne pouvais pas faire ça : se bouffer une réaction homophobe d’un pote de toujours, ce doit être dur. Perso, j’ai contourné ce risque au maximum, ne dévoilant l’information qu’à ceux que je "sentais" et que j’ai continué à fréquenter, même à 600 bornes de distance… A la fac, sans le crier sur tous les toits ni m’engager dans le militantisme, c’était une donnée affirmée, non cachée. Point barre.
Bref, fin de première année, donc, j’ai des potes, une vie sexuelle, du soutien, toussa : le coming out parental est proche, tout proche, je le sais, je le sens, et surtout je le souhaite. Mais comme souvent lorsque ma génitrice est impliquée, ça va prendre des proportions drama queen grotesques. La fin de l’année étant là, Mère est descendue à Bordeaux en voiture pour me remonter en Seine-et-Marne avec mes quinze tonnes de valises (et ses trente cartouches de clopes espagnoles). Elle fait un peu la tronche parce qu’elle me sent un peu distant ces derniers temps (j’appelle moins souvent qu’au début de l’année, quoi) (normal, je sors, je bois et je baise) (fils indigne). Ce matin là, alors qu’elle soulève ma couette pour que je lève mon gros derrière de feignasse, elle hurle. Merde. J’avais pourtant réussi à lui cacher mon tatouage pendant presque un an (je suis un peu puéril) (et j’ai un peu peur de ma mère aussi). Mouhahaha. Elle n’est vraiment pas contente.
Elle fait la tête toute la journée. Le soir, chez des amis à elle (oui, elle a des amis en Gironde) (elle a des amis partout en fait) (ma mère, c’est un peu la mafia), elle me prend à part et me demande… si j’ai rejoint une secte.
WTF ???
Euh…
"Bah nan, pourquoi ?" Apparemment, je n’appelle plus aussi souvent qu’avant (ouais, enfin bon, deux fois par semaine, pour moi ça va), j’ai l’air absent, je suis bizarre, je parle tout le temps de gens qu’elle n’a jamais rencontré mais qui ont l’air vachement plus déjantés que mes potes de lycée (oui, en effet, et… ?), et à l’occasion des européennes de cette année là (2004) elle a su que je ne votais pas à droite. Bref, elle veut savoir ce qui m’arrive, si j’ai été enrôlé dans un mouvement, si j’ai été ensorcelé, si j’ai une copine, un copain, un mentor, une bande qui me menace, un dealer, bla bla bla.
Bon, moi, quand elle a émis l’hypothèse d’un copain, je me suis dit qu’elle était prête et que ça allait la rassurer… Que nenni, ma fripouille, sitôt la (bonne) nouvelle annoncée, elle s’effondre, me dit qu’elle avait déjà eu des doutes mais qu’elle n’aurait jamais sérieusement pensé… et puis elle se met à me sortir des horreurs.
Gna gna gna, poignard dans le dos, gna gna gna, j’ai raté ma vie, j’ai plus de fils, j’ai perdu un deuxième enfant maintenant, tu me dégoûtes, gna gna gna, tu pouvais rien me faire de pire, d’imaginer que tu couches avec des mecs ça me débecte, gna gna gna, aller voir un psy, c’est pas normal, ce qui est normal c’est un homme et une femme, gna gna gna, et tes potes ils t’encouragent, et le sida, gna gna gna, tu sors avec un mec plus vieux que toi parce que tu as un père absent, gna gna, tu es pervers, tu t’es fait enjôler par un vieux pervers (sachant que c’était moi qui avais dragué mon copain de l’époque en premier, en fait) (et il était pas vieux, d’abord)…
Bref, diarrhée verbale dégueulasse du parent déboussolé qui obéit à son instinct primaire de rejet / protection.
Bon, là, je dois avouer que je n’ai pas été très poli avec elle. Ce qui est une chance pour moi : elle n’a pas réussi à me faire culpabiliser, ni flancher. Hors de question. Cinq ans que je me retenais de vivre en honnêteté avec moi-même. Presque vingt ans depuis que j’avais commencé à refouler ce que j’étais. Elle n’allait pas me pourrir, la vieille. Comment pouvait-elle me sortir des saloperies pareilles, lieux communs sans aucune originalité, elle en qui j’avais tellement plus confiance qu’en mon père pour accueillir cette nouvelle. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle le prenne hyper bien (sinon je lui en aurais parlé quand j’étais au collège), mais là, j’étais scié.
Elle n'est pas très contente non plus que je me sois confié à ma cousine et que toute la famille soit au courant sauf elle et Père (ça, à la limite, je comprends, mais au milieu de tout ça c'est vraiment un détail).
La veille, les mariés de Bègles s’étaient unis (juin 2004, donc). Les potes de Mère et leurs invités s’en donnent à cœur joie au sujet de leur indignation. Je réagis un peu, mollement : je sais qu’on ne change pas ce genre de pensée quand elle est ancrée depuis des années chez quelqu’un qui a déjà trop construit et pensé sa vie selon des schémas hétéronormés. Ma mère, elle, demeure dans un silence glacial.
Après cette éprouvante soirée, je suis allé dormir chez mon copain (avec un commentaire charmant de Mère lorsque je suis parti). Le lendemain je revois Mère, elle est toujours furax. Ça tombe bien, je ne suis toujours pas prêt à transiger. J’ai reçu mon relevé de notes de première année : je passe en deuxième année, je suis assez content (quoique pas hyper surpris) (mon côté modeste) (et pis bon, j’avais bossé, quoi). Je montre le sésame à Mère "Tu crois que ça me console ?", qu’elle me répond.
On ne s’est plus parlé pendant deux mois. Ce qui ne s’est pas avéré hyper facile puisque je séjournais chez elle (bah oui, je rentrais chez mes parents pour l’été je t’ai dit). Mais ça ne s’est pas trop vu (je bougeais pas mal, et on est une famille où on ne se parle que très peu).
Quelques mois plus tard, Mère a rencontré mon copain de l’époque, ce qui l’a rassurée (c’était le gendre idéal). Entretemps, elle avait parlé de "mon cas" à mon père, qui contrairement à ce que je craignais s’en fichait complètement (il a juste tiqué parce que mon copain était un peu plus vieux que moi). Je n’ai jamais ouvertement parlé de ça avec lui, c’est juste naturel et sans gêne. Quand mon copain vient à la maison, il est charmant avec lui, lui parle et s’intéresse à ses projets. Aucune chambre d’ami n’est préparée pour mon visiteur, on dort ensemble (y’a pas de raison, mon frangin ramène des copines à la maison depuis ses treize ans, après tout). Bref, les choses se sont débloquées toutes seules. Je crois que Mère a compris que j’étais sûr de moi et qu’elle devait choisir entre m’accepter ou me zapper de sa vie.
Elle est devenue un peu ambivalente sur le sujet de l’homosessoualité : si jamais elle entend quelqu’un dans son entourage faire une réflexion homophobe, elle lui saute à la gorge, elle ne supporte plus d’entendre quelqu’un dire du mal des pédés ; parallèlement, de temps à autre, elle me demande si je ne compte pas essayer les filles un jour, genre "quand tu auras largué [ton copain]". Conn*sse. Tu crois toujours que c’est un choix, hein, et que je fais ça pour t’emmerder ? Ça fait un moment maintenant qu’elle ne m’a plus tendu ce genre de perche ridicule, je crois qu’elle a compris que c’était cuit. Hu hu. La pauvre, quand même, j'ai pas été cool avec elle (mais elle ne m'a pas laissé le choix, zéro regret, zéro pitié)...
Alors voila, petit djeunz, c’était l’histoire de mon coming out, elle n’est pas poétique et encore moins évidente, même si j’ai veillé à en sortir aussi indemne que possible : ce n’était peut-être pas la meilleure façon de procéder, j’ai peut-être été lâche d’attendre la fin du lycée pour parler de ma sexualité, j’ai probablement préféré des conditions confortables pour moi (soutien, sexualité active, copain : autant de filets de sécurité et de preuves à agiter sous le nez de mes parents au cas où ils ne me prendraient pas au sérieux)…
Mais que veux-tu, c’est comme ça, je suis un peu froid et calculateur, dans mon genre, et ces conditions m’ont permis de traverser la tempête sans plier, de faire céder les résistances de ma mère, et de me placer, aujourd’hui, à un niveau plus honnête de relation avec elle. Je ne suis pas un militant, j’ai juste essayé de ne pas trop morfler. Prends-le comme tu veux. C’est juste moi.