Mercredi 9 janvier
Le documentaire sur la mécanique du lynchage médiatique, lequel se nourrit de certaines convictions policières et judiciaires sur certains protagonistes présumés de faits divers (en l’espèce trois parangons : Chouraqui et la prétendue guerre des cliniques, Baudis et le délirant réseau de barbares sexuels, Outreau et ses fantasmés pédophiles), rappelle que les journalistes ne savent toujours pas tirer les leçons des dérives antérieures au point, comme dans l’affaire d’Outreau, d’afficher la même véhémence d’abord contre les monstres d’Outreau puis, lorsque les mensonges de Badaoui et des enfants ont été établis, contre cette infâme justice qui a conduit des innocents en détention préventive. Imaginons un seul instant le déchaînement de la presse si, à l’époque, les accusés avaient été laissés en liberté… Qui influence qui ?
Dimanche 20 janvier, 22h35
Encore un bref passage au rythme de ses envies qui s’achèvent trop vite. Tournis des semaines et des années centrées sur un travail alimentaire.
Carlos décédé à soixante-quatre ans, Heïm a dû en prendre un coup (il est dans sa soixante-quatrième année). Moi, cela m’a d’un coup projeté aux féeriques instants de complicité, entre Hermione, Karl et moi, où nous improvisions, dans ma chambrette du château d’O, un trio musical sur le 45 tours du Loup-garou de Bourgalou. Carlos le jovial offrait, dans ces quelques minutes, toute la jubilation qu’espéraient les préadolescents que nous étions.
A cet instant, je me remémore la configuration précise de ce château reconverti en relais et château de luxe. Il me faudrait relater toutes les atmosphères gardées en moi comme autant de souffles constitutifs…
Pour en revenir au feu fils de Françoise Dolto, sa disparition catapulte ce passé plus loin encore, rendant plus prégnante la nostalgie qui s’y substitue.
Ma maman fêtera, le 5 février prochain, ses soixante ans ! Nous la visiterons à la fin du mois précité pour lui adresser toute notre affection. Ne faudrait-il pas s’efforcer de fréquenter davantage nos ancrages affectifs, familles et amis, plutôt que de laisser couler le sablier sans se manifester autant qu’on le souhaiterait ?
Vu un touchant documentaire sur Albert Jacquard (dans la série Empreintes, de belle facture). Appris que la croix physique qui l’a miné de longues années, avant sa notoriété, était due à un grave accident de voiture dont il réchappa au prix d’un enlaidissement post opératoire. Son intelligence sensible et son extrême lucidité attisaient sa souffrance du regard des autres. Par ailleurs, appris aussi que ses premières passes d’arme idéologiques l’ont été avec le Club de l’horloge (concurrent de la NDF de Heïm) et avec Louis Pauwels du Figaro magazine qui lui avait reproché de ne pas savoir distinguer « le diamant de la merde »…
Là que je prends conscience de mon évolution idéologique : le discours d’un Pauwels n’a, aujourd’hui, plus l’ombre d’un attrait pour moi. Se défier des chapelles, des clans, des écoles systématiques de pensée, et se fier plutôt à ses propres, profondes et sincères convictions. Jacquard, homme de gauche, voire d’extrême gauche ? Cela n’amoindrit pas mon admiration pour l’engagement du personnage. La maturité intellectuelle c’est de ne se sentir aucune appartenance a priori, mais de se trouver des affinités au-delà des clivages idéologiques apparents. Une leçon de vie…
Lundi 21 janvier, 23h20
Ce soir, dans le journal du monde sur LCI, l’incisif Vincent Hervouet interrogeait le président colombien en visite à Paris. Sa détermination à éradiquer les Farc se fend d’une volonté de ne pas désobliger les instances françaises dans leur quête (éperdue) de libérer la fragilisée Betancourt. En revanche, pas un mot sur Chavez et son impact auprès du groupe. Comme une obscénité à oublier au plus vite…
Jeudi 24 janvier, 22h37
Dès le 18 août 2007, j’écrivais sur les vautrements boursiers qui submergent l’économie aujourd’hui. A se focaliser sur les indéfendables dérives du « capitalisme financier », pour reprendre le quasi pléonasme du directeur de Marianne, les anti-capitalistes s’ébrouent, ravis de légitimer leur argumentaire de mise à bas du système vicié. Par ce malhonnête raccourci, on condamne l’outil parce qu’il a été utilisé à mauvais escient. Curieux réflexe idéologique. A ce compte, interdisons l’agriculture puisque des sagouins empoisonnent nos sols, éradiquons la production industrielle face aux infectes exploitations humaines de quelques enseignes, vomissons le tertiaire empuanti par des escrocs de tout acabit… stérilisons l’espèce humaine, par la même occasion, à force de se désespérer des salopards qu’elle accueille dans ses rangs.
L’angle légitime d’attaque doit donc sérier les défauts sans verser dans l’inepte table rase… pour lui substituer quoi ?
Vendredi 25 janvier
Coup de pouce… dans l’cul !
Pas que le frénétique Président qui sait adroitement nourrir les médias.
L’image irrésistible de la propagande commerciale de la Société générale, c’est le gentil pouce qui, en toute occasion, fait le geste souteneur, voire salvateur. A l’époque, découvrant le nouveau symbole de l’établissement financier, mon esprit mal placé a immédiatement dérapé : pas besoin d’un grand écart pour que le coup de pouce se transmue en doigt mal placé.
Puéril rapprochement, je l’admets. Pourtant, l’opération de communication de la troisième banque française n’en est aujourd’hui pas si loin. Elle annonce sept milliards de pertes (ce qui correspond à plus de deux ans du chiffre d’affaires d’une société comme TF1), mais dont les deux tiers seraient indépendants de la volonté du gentil pouce bancaire. Le coupable de cet abysse financier : un infâme trader livré en pâture au Média à quatre têtes (TV, radio, presse et Internet) qui se pourlèche de sa bobine version photomaton flou, de son banal parcours rapidement brossé, et même du message de son répondeur hors service. Trémoussements du Média qui a enfin son sujet économico bancaire sexy en lieu et place de l’indigeste scandale des subprimes qui hoquette depuis août 2007.
Résultat de l’opération Poupouce : les premiers titres se focalisent sur l’homme qui perdit cinq milliards, laissant loin derrière les deux autres ridicules envolés dans les choix désastreux d’achats de créances irrécouvrables, et ce avec la bénédiction de la direction bancaire. De là à imaginer de commodes vases communicants pour charger la mule-trader : le pouce reste songeur dans la bouche…
Pourtant, de multiples experts financiers s’époumonent à rappeler qu’un tel gigantisme de pertes cumulées sur une année par un seul et obscur courtier s’avère totalement impossible, sauf à mettre immédiatement à bas les multiples procédures de contrôle en place. Face à ce scepticisme, un homme turgide, le gouverneur de la Banque de France, croit sur parole la version Poupouce…
En attendant, le Tchernobyl financier suit son cours, quitte à nous rappeler douloureusement, tôt ou tard, que les pouces bancaires ne servent pas qu’aux soutiens bien placés. En effet, le vrai scandale, mais de nature mondiale celui-là, et portant probablement sur des centaines de milliards d’euros, c’est l’opportunisme poussé à l’absurde. Des organismes de crédit et des banques acharnés à fourguer des prêts immobiliers à des individus n’ayant manifestement pas les moyens pour rembourser, et empressés de vendre ces créances douteuses annoncées à haut rendement à des traders en quête de juteux placements. La titrisation systématique a donc infecté le réseau financier mondial, et ce jusqu’en France, contrairement aux premières allégations rassurantes de responsables politiques.
La purge s’avère bien nécessaire, mais sans pour autant accorder un quelconque crédit idéologique aux anticapitalistes prêts à descendre globalement le système (pour quoi ? on ne le sait pas…).
23h50. Petit combiné entre mes écrits des deux derniers jours et celui du 18 août 2007 pour parution dans mon blog principal, sous le titre élégant Coup de pouce… dans l’cul ! Pub faite auprès de mon fichier internet et, par le biais de commentaires, sur quelques sites de la presse.
La photo de ce Jérôme Kerviel, ainsi que son identité figurent partout, sauf dans mon blog : refus de participer à ce lynchage médiatique nappé d’un brin d’admiration. Mes foudres visent plutôt l’établissement bancaire et ses responsables planqués (en revanche, les supérieurs du trader ont été, comme de plus crédibles fusibles, licenciés sur le champ).
Dans le Droit d’inventaire : Mai 68, visionné ce soir, touchant moment d’interview mené par la nièce Drucker qui ne peut se priver de tutoyer son Michel d’oncle. Cohn-Bendit a conservé intacte sa réactivité, n’hésitant pas à gratifier d’« ordure » le feu Marchais qui l’avait stigmatisé dans une chronique parue dans L’Humanité et empreinte d’un antisémitisme en filigrane.