Magazine Journal intime

Premier bilan

Publié le 06 octobre 2007 par Thierry

Et voilà. Je viens de passer ma première semaine de parisien qui travaille. La différence de mes semaines de quand j'étais parisien, avant, c'est que c'est beaucoup plus fatigant que de passer ses journées chez Gap et Gucci ou au Café Ruc et aux Marronniers.

Mais c'est pas forcément moins drôle.

Après une première journée assez prometteuse, je redoutais un peu ce que ça annonçait. Mais j'avoue, je n'aurai jamais imaginé que ça puisse prendre ces allures de sketches quotidiens. Le deuxième jour, je me familiarise avec mon bureau. Un espèce de pièce carrée jaune pisse avec trois tables. Une table de "réunion" -qui accueillera plus de tupperware de bouffe malodorante que de dossiers, mais ça je ne le sais pas encore ; un immense bureau sur lequel gît un fatras indescriptible -ce qui a eu pour effet de provoquer une sorte d'immense soulagement à l'idée que personne ne viendrait jamais me faire de reproche ; et un deuxième bureau caché sous amoncellement de merdes.

Et ce dernier, c'est le mien. Déjà du desordre alors que je n'ai pas encore posé mon sac, je me dis que je suis plus fort que ce que j'imaginais.

La journée commence par une réunion. Je rencontre les directeurs de chaque unité. J'écoute, je tente de prendre des notes, mais au bout de quelques heures, je réalise que je ne comprends rien. "Les ACM et DPX font des RCST aux SAT d'UO !". Si ça tombe c'est super drôle, en plus.

Après trois heures trente de réunion en japonais, un déjeuner en quinze minutes, et une deuxième réunion, je rencontre enfin le mec qui était encore à ma place la semaine précédente. Ce qui est pas de bol pour moi c'est qu'il est arrivé quand je lisais ses mails. Ce qui est pas de bol pour lui, c'est que je suis tombé sur des trucs un peu "bouh-la-honte". Et sur son CV. Ce qui a d'ailleurs apporté la réponse à ma grande question " C'est quoi ce journal interne ? Et c'est quoi cette Comm !". Le mec est en licence d'Anglais. Cherchez l'erreur.

On échange, je commençais à me demander dire que j'allais devoir non pas refondre mais créer complètement tout un dispositif global de Comm', et donc avoir plus de boulot que prévu, quand j'ai eu l'idée lumineuse de vouloir parler budgets.

" Un budget est spécifiquement alloué à la Comm' ou tu proposes et on dispose derrière ?

- Non, en fait, tu envoies ton devis et c'est accepté ou pas. Mais j'ai jamais eu de refus. Pour les événements tu peux aller jusque...

Non, je peux pas vous le dire. Bon d'accord.

" Pour les événements tu peux aller jusque 500 €uros". Oui, j'ai eu la même réaction. Je brulais de lui avouer que dans la vraie vie, avec 500 €uros tu fais 100 affiches, et encore, t'es content. Mais à la place j'ai demandé s'il était possible de tirer un peu. Il m'a avoué que ça lui était arrivé :

" Une fois, il m'ont accordé une rallonge et m'ont donné 30 €uros en liquide."

Je suis blême. Je le devine, je vois dans ses yeux que je pâlis à vue d'oeil. Je tente alors de changer de sujet. Mal m'en a pris. J'ai appris que j'avais -pour tout logiciel- Word, Paint, et... Ah ben non, c'est tout. Et a fortiori, pas d'agences. Je n'aurai pas de photographe non plus. Non, pas la peine on a un numérique dans le tiroir ! Quid d'un plan d'action sur les événements à venir, un retroplanning, un fichier excel avec des mots dedans, un agenda ? J'aurai quand même le nom de l'informaticien qui viendra m'installer mon adresse mail. Tout n'est pas perdu.
Je quitte le boulot à 18.40, et commence à bosser dans le train sur la refonte du journal interne, principal (ou plus honnêtement seul) outil à disposition. Enfin, journal interne, c'est le nom donné à ce quatre pages immonde bariolé et surchargé de WordArt.

Je rentre chez moi, raconte tout à Cher et Tendre. Il est mort de rire.

La deuxième journée se passe plutôt sans encombre. Non. La première heure de la seconde journée se passe plutôt sans encombre. Jusqu'à ce que j'essaie d'installer mon Photoshop perso et que je réalise que c'est pas possible. Je décide qu'il est temps de rencontrer cet informaticien, pour lui demander de créer mon compte et lui exposer mon problème. Il arrive. Il me demande ce que j'essaie d'installer. Quand je lui annonce, je vois son visage se fermer et lui de m'aboyer que " Non. C'est impossible.

- Pourquoi ?

- Parce que ça ne se fait pas ici.

J'hésite entre rire, pleurer, et lui décoller une gifle. Et là, je constate avec effroi, stupeur et tout le tremblement (c'est pas joli, ça ?) que je n'ai pas de connexion Internet. Je suis là pour jouer à la Comm', et je n'ai pas Internet. Cherchez l'erreur. Je lui demande donc, en plus d'un compte mail, une connexion Web. Et là, j'ai commencé à me sentir moins sûr de mon coup, finalement.

" C'est pas possible. Ou alors... Ou alors, il faut faire un liste des sites que tu veux, qu'on fera valider par Untel, Untel et Untel. Ils seront alors en liste blanche, et c'est bon." Là, je n'ai pas hésité, j'ai ri.

J'ai ensuite enchaîné les réunions, les points d'infos, les visites des lieux pour voir comment les choses étaient disposées et surtout comment les locaux pouvaient être stratégiquement utilisables. J'ai également appris que je devais préparer un Forum destiné à tous les salariés, avec une dizaine de panneaux d'information, pour la semaine prochaine.
Je quitte le boulot à 18.50, cours pour attraper mon train et commence à bosser dans le train sur ce Forum.

Je rentre chez moi, raconte tout à C&T. Il est mort de rire.

Le troisième jour, je flippe un peu, puis me dis que là, je vois pas bien quelle nouvelle pire peut me tomber sur le coin de la gueule. Heureuse naïveté de la jeunesse.

J'étais en train de préparer une propal pour ce Forum, une autre, plus complète, expliquant les enjeux de la Communication et énonçant mes premières préconisations, quant une gonzesse mal maquillée entre dans mon bureau. J'aurai un boulot à te faire faire, ça te dérange pas, me demande-t-elle. Je suis tenté de lui dire que j'ai déjà tout ce qu'il me faut, merci, mais je me contente de lui sourire et de lui dire que pas du tout. Elle me donne alors deux piles de feuilles et un carton d'enveloppes.

Première pile, sur chaque feuille, un questionnaire après un rapide coup d'oeil, chaque salarié a indiqué son nom et sa direction. L'autre pile est constituée de corrigés. J'ai peur de comprendre.

" Chaque personne qui a rempli le questionnaire doit recevoir son corrigé. Alors tu vois, là, tu as son nom et sa direction, donc tu inscris ça sur chaque enveloppe, comme ça, et tu mets le corrigé dedans. C'est de la Comm', donc bon." Là, j'hallucine.

Je lis le questionnaire, repère trois fautes d'orthographe et tout un tas d'images pixelisées, décide alors que ça attendra un peu et me remet à l'organisation de ce putain de Forum. Je finalise la recommandation quand l'ordi, paf, s'éteint.

" Putain, mais qu'est-ce que c'est que ça ?

- Un problème ? - Mon ordi vient de s'éteindre ! Et j'ai rien sauvegardé !

- Ah oui, c'est vrai, entre 11.00 et 13.00, les serveurs basculent ou j'sais pas quoi. T'étais pas au courant ?"

La bouche béante et les yeux écarquillés, je réalise que je dois pas avoir l'air très au courant, non. Ni très intelligent, d'ailleurs, mais en même temps...

" Ah oui, c'est vrai, t'as pas encore ton adresse mail, donc t'as pas pu avoir l'info !"

J'hésite. Je lui demande comment je fais sans Internet, sans logiciel et maintenant sans ordinateur ? Je prends des ciseaux, des gommettes et de la colle et je fais des miracles ?

Je rejoins L. pour déjeuner. Assis sur les marches de l'Opéra, je lui raconte. Elle est morte de rire. 14.00, je reviens au bureau. Toujours pas d'ordi.

Finalement, je quitte le boulot à 17.45, parce que de la merde, et commence à lire dans le train toute la presse mode achetée en Gare. Pas de boulot, cette fois.

Je rentre chez moi, raconte tout à C&T. Il est mort de rire.

Alors aujourd'hui, ça a été. Sauf que... J'ai appelé le service d'imprimerie interne. Il leur faut trois jours pour mes 10 A0. Je lève alors la tête et demande à ma boss si c'est vraiment obligé que ce sot la semaine prochaine son Forum. Non, parce qu'on est vendredi, qu'elle vient juste de valider ma proposition quant à ce que je vais faire, qu'il faut donc tout rédiger, créer, mettre en page et qu'il faut trois jours pour imprimer. Elle me dit que oui. Et si possible, pas le vendredi, bien sûr. Là, je constate en regardant mon agenda que ce jeudi est une journée un peu rouge, et que donc, c'est pas la peine non plus. En gros, et là, je commence à m'énerver un peu, elle veut que ce soit pour mercredi. Et c'est juste pas possible.

" Je pensais que tu étais en Bac +4...

- Bac +4, oui. Mais pas Dieu le père...!

- Ben fait au mieux."

Alors j'ai pas mangé, j'ai pas fumé, et j'allais pisser au dernier moment. Je quitte le boulot à 20.45, prends mon train et appelle mes potes pour annuler tous les plans de la soirée. Trop crevé.

Je rentre chez moi, raconte tout à C&T. Et pour une fois, c'est moi qui suis mort de rire.

Je me dis que finalement, mon boulot aura servi à ça. A faire rire les gens.


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