Une histoire des crises financières du 19e au 21e siècle

Publié le 11 août 2009 par Saucrates

Réflexion deux (11 août 2009)
(deux) de 1836 à 1858

A partir de la crise bancaire de 1836-1839, on entre dans des crises beaucoup plus générales, généralisées à de nombreuses économies géographiquement séparées, même si les causes de déclenchement de ces crises ne sont pas partout les mêmes. Evidemment, on n'est pas encore confronté à cette époque ancienne à des crises systémiques mondiales ... pas encore ...
Il demeure toutefois toujours extrêmement intéressant de se rappeler les évènements politiques qui accompagnèrent régulièrement ces crises économiques et bancaires en Occident ...
e) La crise des années 1836-1839
En 1836, l'Angleterre connait un nouveau krach boursier, de nouveau lié aux investissements américains. A l'origine, on trouve une décision du président américain Andrew Jackson de subordonner la vente de terres de l'état américain à un paiement en métaux précieux. Cette décision donne un brusque coup d'arrêt à la spéculation foncière en Amérique. Les banques américaines ayant contracté des emprunts à Londres (les banques anglaises prêtaient également régulièrement aux Etats américains pour le financement par exemple du canal Erié), la crise financière touche durement le Royaume-Uni et aura des répercutions jusqu'en Allemagne et en France. Elle ne conduit pas néanmoins à une véritable panique bancaire en Angleterre. L'activité industrielle française sera ainsi nettement affectée par cette crise jusqu'en 1839.
Toutefois, la crise sera beaucoup plus sévère aux Etats-Unis d'Amérique. Le 10 mai 1837, une bulle spéculative formée sur les marchés boursiers éclate aux États-Unis lorsque les banques américaines suspendront leurs paiements en espèces (monnaies d'or ou d'argent). La panique fut suivie d'une longue dépression économique de cinq années, accompagnée de faillites bancaires et d'un taux record de chômage. Cette crise fut en outre agravée par la décision du président Andrew Jackson (puis de Martin Van Buren) de refuser le renouvelement de la charte de la Second Bank of the United States, ce qui se traduisit par le retrait des fonds gouvernementaux de cette banque. Sur les 850 banques que comptaient les États-Unis avant la crise, 343 fermèrent leurs portes et 62 firent partiellement faillite.
L'économiste monétariste (récent) Milton Friedman donne l'analyse suivante de cette crise : « La panique bancaire de 1837 fut suivie de conditions économiques particulièrement perturbées et d'une longue contraction jusqu'en 1843 qui ne fut interrompue que par une brève amélioration de 1838 à 1839. Cette grande dépression est particulièrement intéressante pour notre propos. Elle est la seule dépression enregistrée comparable de par sa sévérité et son étendue avec la Grande Dépression des années 1930 et ses évènements monétaires concomitants reproduisent largement ceux de la crise ultérieure. Dans ces deux cas, une fraction importante des banques aux États-Unis cessèrent leurs activités soit par suspension, soit par fusion --environ un quart lors de la première et un tiers lors de la dernière contraction-- et la masse monétaire diminua d'environ un tiers. Aucune autre contraction n'approche, même de loin, ce lugubre record. Dans ces deux cas, une politique monétaire gouvernemental erratique ou imprudente jouèrent un rôle important. »
f) La crise des années de 1847-1848
La crise de 1847 est considérée comme la dernière crise frumentaire européenne, due à des récoltes de blé très mauvaises en 1846 (une famine touche également l'Irlande dès 1845). La soudure entre 1846 et 1847 est extrêmement difficile, avec avec une forte augmentation du prix du pain, des contestations naissantes en France, vivement réprimées (déportations au bagne). Par ailleurs, l'Europe entre aussi dans la Révolution industrielle, et cette crise est également considérée comme la première crise industrielle de notre histoire.
Les conséquences de cette crise seront plus graves en Europe que la précédente crise de 1836. Dans les années précédant la crise, on observe en effet la constitution d'une nouvelle bulle spéculative boursière sur les actions des compagnies de chemin de fer. En Angleterre et en France, l’engouement pour ces sociétés et la sous-estimation du coût des travaux d'investissement ont fait monter les actions à des cours démesurés. La baisse des cours de bourse enregistrée depuis 1845 et leur effondrement en 1847, due pour partie à de nouveaux appels de fonds qui ont mis fin à la confiance (les banques centrales anglaises et françaises procèdent également à un relèvement parallèle de leurs taux d'escompte de 3% à 5% pour lutter contre des dérèglements des échanges d'or entre les économies ...), révèle une crise du crédit qui provoque une panique bancaire et la faillite de nombreuses banques ainsi que la suspension de l'activité de plusieurs compagnies de chemin de fer. Cette crise financière, boursière et bancaire, sera suivie peu après en France par une révolution politique (journée du 22 février 1848), entraînant l'abdiquation du roi des français Louis-Philippe, qui règnait depuis 1830, la déclaration de la seconde république, et l'éclatement d'une commune à Paris (juin-juillet 1848). Cette nouvelle révolution engendre une nouvelle panique boursière qui entraîne une nouvelle vague de faillites.
Il doit être noté que bien que cette crise soit d'origine agricole, l'installation de la dépression économique est largement liée aux mouvements boursiers spéculatifs, aux conséquences de la réduction des dépenses publiques sur les programmes de grands travaux (ferrovières) et sur la métallurgie, et à des politiques monétaires restrictives, dues à l'application de règles strictes de gestion monétaire encadrées par la convertibilité en or des monnaies (et par le banking act de 1844 en Angleterre). La contraction du crédit qui en découle favorise la généralisation de la crise. Elle se transmet ensuite à l'étranger via les marchés des changes et du commerce. Les monnaies étant convertibles en or, les difficultés d'un pays se traduisent par des mouvements d'or qui déstabilisent les marchés. («Analyse économique et historique des sociétés contemporaines» de Marc Montoussé).
A cette occasion, la Banque de France fera une avance de 50 millions de francs-or à la Banque d'Angleterre pour lui permettre de faire face à ses engagements. De son côté, en février 1848, le gouvernement français impose le cours forcé des billets de la Banque de France, dont la convertibilité en or est suspendue, permettant à la Banque de France de secourir plus facilement les banques et les industriels (politique monétaire expansive).
La crise de 1847-1848 sera également notamment étudiée attentivement par Marx et Engels. Elle marque le début des mouvements ouvriers et de ses rapports conflictuels avec le patronat (même si le droit de grève n'est pas reconnu et si les syndicats ouvriers sont interdits et combattus en France mais également aux Etats-Unis).
g) La crise des années de 1857-1858
Alors qu'un boom mondial est observé depuis 1852 et que la découverte et l'exploitation de nouveaux gisements d'or (en 1848 en Californie et en 1849 en Australie) permettent d'accroître l'offre de monnaie au niveau mondial, les premiers signes d'une crise commence à apparaître en 1857 avec la baisse de la rentabilité des mines d'or et des compagnies ferroviaires. Une baisse de la demande se répercute dans les principales industries (métallurgie).
Un crack boursier éclate le 22 août 1857 à la bourse de New-York et la panique financière se poursuit jusqu'en octobre 1857. En août 1857, la banque Ohio Life and Insurance Company, confrontée à une forte demande de crédit, suspend ses paiements. Elle est rapidement suivie par les banques de New York, du Maryland et de Pennsylvanie, puis par d'autres banques importantes à Baltimore, Philadelphie et Boston. Le taux de l'escompte s'accroît fortement et, dans le courant de septembre, les actions de chemin de fer enregistrent une forte baisse à la Bourse de New York.
La crise américaine se propage immédiatement en Angleterre sous la forme d'une crise de change qui se complique rapidement d'une crise de crédit intérieur. Bien que moins violente, elle atteint également la France où la Bourse de Paris connaît une forte baisse. Elle est suivie d'une récession économique dans tous les pays unis par des liens monétaires, financiers et économiques.
Sources :
http://books.google.fr/books?id=CvmueDGuRTIC&pg=PT166&lpg=PT166&dq=crise+de+1847&source=bl&ots=RgQvHVuBAL&sig=o8fBy4XGrHGrAmgn6IuQpSUJMbw&hl=fr&ei=6vCASs28NpnbjQeVsaH7CQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8#v=onepage&q=&f=false
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Crise_commerciale_et_la_banque_d'Angleterre
http://www.pse.ens.fr/document/wp200642.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_crises_monétaires_et_financières