Après ces dérogations de droit, qui n’ouvrent droit à compensation et ou à paiement majoré que dans la mesure où les conventions collectives et accords le prévoient, nous arrivons alors aux dérogations données temporairement, soit par le maire, soit par le Préfet.
La dérogation peut être la plus connue, est celle donnée par le maire, les fameux « 5 dimanches du maire ». Elles sont souvent utilisées les premiers dimanches des périodes de soldes, et ceux précédents les fêtes de fin d’année.
Elle est accordée après avis des différentes organisations syndicales patronales et salariales, et pour l’ensemble des commerces exerçant la même activité que le demandeur.
Le travail durant « un dimanche du maire » donne lieu à un repos compensateur de la même durée et une majoration de salaire, le salaire de ces heures dominicales étant au moins du double que le salaire habituel.
Ensuite, le Préfet peut également accorder une dérogation quand le repos simultané du dimanche est préjudiciable au public ou compromet le bon fonctionnement de l’établissement.
Une demande est formulée par l’établissement, qui doit consulter ses représentants du personnel qui émettent un avis, la demande est instruite par les services de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
La loi Mallié a ajouté une disposition : des négociations dans les branches des services et du commerce doivent être engagées pour déterminer les contreparties dues aux salariés s’il n’existe pas déjà un accord les prévoyant. Une obligation de faire non assortie d’une obligation de résultats, donc.
Puis enfin nous parvenons à ce qui a le plus fait débat avec la loi Mallié : les dispositions relative aux zones soit touristiques, soit d’animation permanente, soit de consommation forcenée …
Parlons tout d’abord des communes ou zones touristiques ou thermales, d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
Il existe deux sortes de dispositions pour appeler les communes « touristiques » (ou « thermales » etc) : schématiquement, il y a les dispositions du code du tourisme et celles du code du travail.
Avec le code du tourisme, une ville peut être classée station touristique, ou balnéaire, ou thermale etc. La commune doit faire un dossier très compliqué, et la décision de classement parait au Journal Officiel de la République Française.
Pour savoir si une commune est classée station quelque chose, pour l’instant, c’est encore assez simple, il suffit de regarder si elle a un casino – établissement de jeux, pas une épicerie … - sur son territoire, puisque le classement était une condition pour ce type d’établissement.
A titre d’illustration, dans l’Hérault, il y a 13 stations classées. En gros, les villes en bord de mer et les villes de l’arrière pays ayant des établissements thermaux comme Balaruc les Bains par exemple.
Les dispositions « code du travail » permettent d’attribuer le label « touristique » à telle ou telle commune l’ayant demandé au Préfet de région : un dossier est alors constitué par la commune (le nombre d’hébergement et leur qualité, la qualité des eaux, la fréquentation, l’animation etc) et le Préfet détermine les limites et le qualificatif touristique ou thermale, puis fait paraître sa décision dans le Recueil des Actes Administratifs de la Préfecture.
A titre d’illustration, dans l’Hérault, 6 communes ont le « label » touristique.
Même procédure pour les « zones » touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
Dans les communes ou les zones ayant obtenu ce « label » par le Préfet, certains types de commerces pouvaient ouvrir le dimanche et partant, employer des salariés.
Il s’agissait des « commerces de vente au détail qui mettaient à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel. »
De plus, ces commerces avaient le droit d’avoir une dérogation par le Préfet mais encore fallait il qu’ils la demandent auprès de ses services.
Qu’est ce que ça donnait concrètement ?
Sur l’Hérault, on a vu qu’il n’y avait que 6 communes qui avaient le « label » touristique.
Donc déjà, c’est seulement que sur ces 6 communes que certains commerces auraient pu ouvrir s’ils l’avaient demandé.
On peut noter que paradoxalement, certaines communes ayant le classement station touristique, qui est considérablement plus dur à avoir parce que plus exigeant, n’ayant pas le « label » commune touristique, ne pouvaient prétendre à ce que certains de ses commerces ouvrent le dimanche.
Ainsi c’est le cas de Agde, une des plus grandes stations naturistes d’Europe je crois.
De plus, je peux vous assurer que sur les communes ayant tout de même ce label, absolument aucune demande de dérogation n’est faite …
Dans la réalité, sur l’Hérault, tous les commerces des villes du bord de mer, plus ceux de certaines villes très touristiques, ouvrent joyeusement le dimanche en saison.
C’est cette disposition du code du travail qui a amené le sketch de notre TGP.
On voit que ses dires sont inexacts : il ne pouvait y avoir un trottoir des Champs où les commerces sont ouverts et celui d’en face où ils sont fermés. En réalité, il y avait sur chaque trottoir des Champs des commerces ouverts et d’autres fermés, en pointillés.
Ce qui dans le fond, est aussi assez absurde.
Cette réglementation avait fait la joie des fondus de droit du travail, et ils se souviennent encore émus, des décisions sur Virgin Méga Store (autorisé à ouvrir), Vuitton (non autorisé à ouvrir) ou Afflelou (non autorisé à ouvrir).
La loi Mallié a modifié ce bazar : dorénavant, ces communes et zones, toujours délimitées par le Préfet sur demande du conseil municipal, pourront voir TOUS leurs commerces ouvrir le dimanche, sans distinction suivant leur activité, et ce, de droit, sans avoir à en demander l’autorisation.
Pour l’Hérault, en tout cas, ça ne change strictement rien.
Du coté des contreparties, rien n’est prévu spécialement, il faut se référer aux accords et ou conventions collectives.
Enfin, pour le dimanche, la loi Mallié a inventé les PUCE.
Les PUCE sont « les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle, caractérisés par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre. »
Il s’agissait de régler les cas comme Plan de Campagne, entre Aix et Marseille, grande zone de consommation massive, au sein desquelles les commerces ouvraient anarchiquement, au mépris de toute réglementation et même sous le coup parfois d’astreintes financières assez lourdes. Ce qui montrait l’intérêt économique pour eux d’ouvrir tout de même.
Une quinzaine de PUCE a donc été recensée par la loi Mallié – autour de Paris avec Thiais notamment, Lille et ses zones frontalières, Marseille Aix etc.
Il est intéressant de noter que les élus de Lyon se sont tellement battus pour que Lyon ne soit pas PUCE que la ville échappe à cet acronyme.
Dans ces zones et dans les futures zones qui peuvent être déterminées par le Préfet de région, tous les commerces peuvent obtenir une dérogation pour ouvrir le dimanche.
En principe, ces dérogations sont accordées au vu d’un accord prévoyant des contreparties …
Si un autre accord ou une convention collective ne prévoit pas déjà quelque chose …
Dans l’Hérault, nous n’avons pas de PUCE.
Cependant, nous essayons d’éviter au possible.
Il existe aussi une disposition du code du travail qui fait que le Préfet peut, par arrêté préfectoral et suite à un accord dans la profession, entre les syndicats d’employeurs et de salariés, accord validé par un référendum, (et donc un dispositif très lourd !), interdire l’ouverture dans telle ou telle activité à l’ensemble des commerces de cette activité.
Dans l’Hérault, nous avons eu ainsi trois arrêtés préfectoraux.
Les deux premiers concernaient les magasins de détail en général et le deuxième les boulangeries. Les deux, attaqués par un syndicat patronal, ont été jugés illégaux par des tribunaux …
Nous avons un grand centre commercial qui s’est développé, mélangeant allègrement loisirs et consommation – avec cinémas, patinoire, planétarium, restos, Ikéa … Il s’appelle Odysseum. A Odysseum, il est prévu que la 2e ligne de tramway ait son terminus, en plein milieu du centre commercial.
Afin de préserver une « trêve » entre les marchands de meubles – qui jusque là sont restés fermés le dimanche, bien heureux – avec l’arrivée d’Ikea, un accord a donc été passé puis a été renforcé par un arrêté préfectoral.
Le plus gros commerce d’Odysseum devant rester fermé le dimanche, nous espérons que le centre commercial lui-même ne louchera pas sur la dénomination de PUCE …
Voilà, c’est ainsi que je pense que la loi Mallié ne va pas changer grand-chose et que les débats auxquels elle a donné lieu n’ont fait que cacher une question de civilisation, osons le mot.
ps : les photos illustrant les deux billets sur le dimanche ainsi que l'espadon sans précaution sont des photos que j'ai prises au hasard de mes déambulations. Elles ne sont donc pas libres de droits.