L’été est une saison et l’été est un con. L’été est un con parce que il semble que cet été n’ait pas généré son lot de catastrophes qui font habituellement la Une de certains medias et ponctuent les vacances. Ces médias, à court de marronniers à cette période, en font, sinon leurs choux gras, en tout cas leurs fonds de commerce.
L ‘été est un con parce que cette année, rien de bien juteux : juste quelques carambolages meurtriers sur des autoroutes surpeuplés, des incendies d’incendiaires souvent vaniteux et toujours crétins, de monstrueux typhons dans des régions ridiculement lointaines, de toutes façons sujettes à moussons et autres courants d’air démesurés, sans compter les inondations et les glissements de terrains dévastateurs. L’été est un con parce que, malgré tout (et malgré nous ?) ces catastrophes nourrissent nos inquiétudes, entretiennent nos fantasmes et alimentent nos conversations. Mais aussi spectaculaires et télégéniques qu’ils soient, ils ne participent que très peu à la moindre réflexion et moins encore à notre compréhension du monde. A cette époque de l’année, réfléchir semble une activité déplacée, incongrue et presque indécente et tout se passe comme si l’été, le bon goût, le bon sens et le cerveau étaient eux aussi en vacances. En revanche, l’émotion facile reste, elle, à fleur de maillot et la bêtise ordinaire transpire sous les tee Shirts.
L’été est un con parce que peut lui échapper, comme par inadvertance, au détour de comptes-rendus médiatiques de quelques tragiques désastres, des sujets de réflexions qui pourraient gâcher ce médiocre été et son cours normal des choses.
Cet été, le hasard de l’actualité dramatique a donc fait se croiser dans les mêmes pages d’un quotidien national, deux destins d’enfants, victimes de mortels jeux d’eau. Les deux enfants en sont morts. L’un, un garçon de 8 ans, d’avoir été poussé par des adultes prétentieux et frimeurs à conduire un engin ridicule et trop rapide pour lui. L’autre, une petite fille, d’avoir participé consciencieusement à une activité nautique aussi trop grande et trop risquée pour elle,
Tout le monde s’accorde dans les deux cas, pour admettre que ce sont des adultes inconscients, négligents et irresponsables qui ont provoqué l’irréparable. Là, tous les gens de bien et autres bonnes âmes sont d’accord sur cette réflexion convenue et de bon sens.
Mais c’est un autre sujet de réflexion, plus inédit et plus révélateur de notre société paradoxale que provoque ce télescopage d’informations.
Le père du petit garçon mort de l’accident de Jet Ski se trouve, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la situation, en prison et, par décision d’un juge, ne pourra assister aux obsèques de son fils. Les bons esprits brandissent alors en toute bonne foi et bonne conscience l’étendard de l’ignominie d’une justice injuste et aveugle, refusant le « Dura Lex, Sed Lex ! ».
En revanche, ce « Dura lex, Sed lex », lorsqu’il s’agit de religion est accepté sans broncher avec la même idiote bonne foi et cette tranquille bonne conscience : la mère de la petite fille ( qui par ailleurs n’a pas son mot à dire et n’a rien demandé à personne… « De quoi je me mêle ? » ne manqueront pas de m’asséner les « obsédés du culte »)… ne peut assister à l’enterrement de sa fille parce que femme (?!) et de confession musulmane !
Deux poids deux mesures, d’un coté, un juge et la loi de la république et c’est le tollé, de l’autre, un imam et la loi religieuse et tout est normal.
La douleur est la même ! Et la bêtise universelle ; le juge, l’imam et l’été sont vraiment un con.