Je suis loin de prendre autant de notes que lors de ma lecture d’Entheos qui a réveillé chez moi beaucoup de souvenirs, mais page 142 du Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates (je me demande si les auteures ont fait des copier-coller ou si elles ont tapé ce titre chaque fois !) : « deux entorses aux pouces à force d’avoir recopié les lettres de mes nouveaux amis de Guernesey ». Je me suis revue en train de réécrire des lettres raturées et même de réécrire tout mes journaux intimes de 1970 à 1976, l’année d’un congé sans solde. En me demandant à chaque réécriture soignée avec plume fontaine à l’encre turquoise comme si j’étais un clerc, un moine ou un scribe, si tous ces mots, toutes ces phrases allaient servir un jour. Tant d’écrivains fouillaient (et fouillent probablement encore) dans leurs lettres, dans leurs journaux comme s’il s’agissant d’un bloc-notes.
J’ai aussi connu le temps du papier carbone, du liquide blanc pour corriger nos erreurs de frappe et des petits rouleaux noirs et rouges des machines à écrire qui nous salissaient les doigts quand on les changeait. Le temps où, si nous n’avions pas de doigté, il nous fallait des heures pour avoir une copie propre, sans rature.
En lisant ces lettres de 1946, du livre des « épluchures », je pensais à ces jeunes nés avec le clavier entre les mains qui, maintenant, n’ont qu’à utiliser le Ctrl C et Ctrl V et envoyé le tout par courriel. J’aurais certes économisé du temps, mais je me serais privée d’un plaisir dont j’ignorais alors qu’il achevait. Pas le temps de la machine à écrire que finalement j'ai détestée, mais celui de la plume fontaine, de sa pointe douce, du majeur parfois taché, de la calligraphie soignée. Et le temps des lettres, de la correspondance, de l'épistolaire. Aujourd'hui, adepte du clavier-souris à mon tour, je sais que j'écris plus, plus rapidement, mais peut-être plus "jetable", faute de peaufiner en recopiant?(source photo: upload.wikimedia.org)