3) Eternelle jeunesse

Publié le 13 août 2009 par Willb77


L’Airbus avait atterri depuis une poignée de minutes.

J’éprouvais encore un amer sentiment d’exaspération après un vol troublé par les jérémiades de passagers qui auraient mérité un internement dès la sortie d’avion. La prise de hauteur est censée adoucir les velléités mais le confinement les exacerbe.

Virginie se recoiffa en passant délicatement la main dans ses cheveux pourtant lisses.

-          notre guide se nomme Gino. Il est natif de Milan où il a débuté sa carrière comme coursier il y a 22 ans.

-          Oui, j’ai déjà eu l’occasion de le croiser pour le lancement d’une campagne sur une Berline. Il m’a servi d’interprète sur le tournage du spot de lancement.

-          Comment est-il ?

-          Physiquement tu veux dire ?

-          Non, professionnellement.

-          Une pile atomique. On devrait inventer un système pour récupérer l’énergie qu’il déploie en gesticulant. Sinon, plutôt sympathique mais…

-          Mais quoi ?

-          J’ai juste un peu de mal avec cette exubérance et cette constante nécessité de combler les silences. J’ai beaucoup de difficulté à me concentrer lorsqu’il se lance dans ses interminables monologues.

-          C’est que tu manques d’entraînement. Si tu avais côtoyé ma rivale, tu serais habitué à être noyé sous un flot de banalité.

Cette évocation de Johanna me ramena quelques jours en arrière. Le dérapage et les implications de ma prise de décision. Un frisson me parcourut le dos. Virginie s’en aperçu.

-          tu as froid ?

-          non, excité par ce que nous allons découvrir ici. Prête à prendre des notes ?

-          évidemment. Je suis ravi de revenir ici.

-          Ah ? tu connais ?

Elle avait décroché un stage de quatre mois dans le département qualité d’un laboratoire pharmaceutique de renom. Un avantage pour la suite.

Le temps de récupérer nos bagages sur le tourniquet, nous débouchâmes à l’air libre. La température devait atteindre les 35°C. Je regrettai  immédiatement la chemise manche longue et la cravate.

Un homme trapu vêtu d’un pantalon blanc et d’un polo bleu ouvert sur un torse velu s’avança.

Je ne percutai pas tout de suite car Gino avait changé d’apparence. Le crâne rasé, la barbe naissante et des lunettes de soleil tirant plus du masque de ski. Bref, la crise de la quarantaine et les démons du passé devaient titiller l’animal. Cette course à la jeunesse s’exprimait par cette modification de look ou par la conquête de proies à peine majeures. Phénomène fréquent chez les femmes, de plus en plus répandu chez les hommes. Les déboires del Cavaliere faisait encore les choux gras de la presse Européenne à ce sujet.

Je haussai involontairement les sourcils ce qui fit s’esclaffer notre futur guide.

-          Ciao Will !

-          Ciao Gino. Quel changement !

-          Hè ! je ne suis pas encore un vieux débris !

Mais je n’avais déjà plus son attention qui s’était instantanément portée vers la silhouette gracile de Virginie. Oui, je retrouvais le Gino de mes souvenirs. Son penchant pour la gente féminine était de notoriété publique. La soif de séduction était gravée dans ses gènes. L’atavisme latin dans le plus pur style.

Gino nous avertit qu’il n’était pas venu seul. Alexandra Misti, journaliste, était à ses côtés. Je tiquai. Je ne souhaitais pas de couverture médiatique au projet restauration. C’est ce que j’expliquai sèchement à notre homme qui fut d’abord décontenancé avant de se confondre en excuses et en geste d’apaisement.

- je ne veux rien savoir.

-          Okay, okay !donne moi cinq minutes que j’arrange l’affaire.

Il se précipita sur une mini austin noir et se pencha par la fenêtre côté conducteur.

Après quelques secondes il revint tout sourire.

-          J’ai expliqué à Alexandra que vous étiez là pour des prises de vue pour un futur spot publicitaire con-fi-den-tiel ! elle ne dira rien et n’écrira rien. En revanche, elle connaît Milan mieux que personne.

-          Je ne suis pas convaincu. Surtout si elle nous accompagne dans des lieux dont le principal attrait est la nourriture. Elle va vite comprendre.

Il fut soudain embarrassé par cet argument qui ne souffrait d’aucune faille. Ses épaules tombèrent en signe de résignation et il s’en retourna, penaud.

Lorsqu’il revint, les sourcils froncés reflétaient sa déception. Il annonça du bout des lèvres que nous allions déposer son ami et commencer notre tournée.

Je l’avoue, j’éprouvai alors une immense satisfaction. Gino, après cette déconvenue, allait certainement faire preuve de moins de flagornerie. Virginie et moi étions là pour un job et non du tourisme. Enfin, c’est que je pensais avant de me retrouver en face de la mystérieuse Alexandra.

Fin de chapitre

Chapitre précédent!

Retrouvez un épisode torride des premiers pas de Will ici.