En lisant « le Monde Diplomatique », j’ai découvert un incroyable reportage sur des croisières « philosophiques » (sic) organisées par un grand magazine : cap sur la Sicile, avec passage en chemin par Grèce, Lybie et Tunisie, présents à bord : des « phares de la pensée française » (l’auteur du reportage, Sébastien Fontenelle, dit, lui : « des astres »), à disposition pendant dix jours d’un public très aisé et plutôt âgé. C’était au mois de mai, joli mois de mai, on ne craignait pas la révolution… Il y avait à bord Jacques Julliard, Luc Ferry et Pascal Bruckner. Lisez cet article très révélateur de ce que sont aujourd’hui devenus les fameux « chiens de garde » dénoncés en son temps par Nizan, autrement dit les idéologues du pouvoir. Ou : jusqu’où le mot de « philosophie » peut tomber bas lorsqu’il ne sert qu’à vendre un enrobage de mots autour de lieux communs assénés dans le seul but de caresser un auditoire dans le sens du poil. Pardi ! ils payent ! Ferry leur dit : pourquoi s’inquiéter ? et de rire grassement des délégations syndicales qu’il recevait au temps où il était ministre : « pas une dont les premiers mots n’aient été « Nous sommes inquiets » ! ». Ouaf, ouaf, sont-ils timorés ces syndicalistes… Quels bons moments quand il s’agit de brocarder ceux qui essaient encore, malgré les circonstances, de faire quelque honneur à la pensée : « Tous ces Badiou, ces Rancière – pardon, pour moi, c’est des guignols – quelle vie privée doivent-ils avoir pour avoir besoin d’une telle compensation dans leur vie publique ? » (Ferry). Comble de l’abjection : ces gens se prétendent « philosophes » et n’ont comme argument que se gausser de ceux qui travaillent. Bruckner, lui, surfe sur le succès de son « sanglot de l’homme blanc », son leitmotiv : honte à la repentance ! Imaginons le contraire : qu’un « intellectuel patenté » vienne expliquer qu’on a de bonnes raisons , en tant qu’occidental aujourd’hui, d’exercer quelque autocritique… après la poire et le fromage, comme ça, quand on est bien repu (poire et fromage, une image: il s’agit plutôt de caviar et Pouilly-Fuissé). Impossible ! Allons voyons, messieurs mesdames, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Enfin, si, il y a juste un petit caillou dans la chaussette, ce bât qui blesse : l’islam radical. Ah oui, c’est ça, comment faire pour vaincre l’islam radical….
Sicile en mai