Alzheimer, c'est ça!

Publié le 16 août 2009 par Dan
Je prends mon service mardi matin, comme d'habitude. Après la relève, je prends le secteur qu'on me donne car ça fait un petit moment que je ne suis pas venu travailler alors en tant que collègue modèle, je prends ce qu'on veut bien me donner.

Je me retrouve avec un ensemble de patients qui m'ont l'air assez cool  au niveau prise en charge. La journée devrait s'écouler tranquillement. La journée devrait être tranquille...

Ça tombe bien! 37°C disait Catherine hier soir à la télé. C'était la température qu'il devait faire cet aprem. Et franchement,  lorsqu'il fait aussi chaud que ça, on est content que la journée soit calme.

Mais c'était sans compter sur Mireille. C'est une personne âgée, plutôt de petite taille quoique assez voûtée. Elle avance par petits pas saccadés et semble capable de baver des litres de salive en quelques secondes. C'est la première patiente de mon secteur.

Mireille a hors du commun. Lorsqu'elle entend le chariot de soins passer devant sa chambre, elle sort pour dire bonjour. C'est systématique. C'est un rituel. C'est immuable. Elle dit bonjour puis me regarde avec un sourire béat jusqu'à ce que Je lui réponde. Une fois le sésame obtenu, elle ne s'arrête pourtant pas là. Elle a la manie de lever son index droit, de le plier en forme de crochet et de s'arrimer à la poche de ma tenue. Tout ça en me souriant béatement.

Ainsi accrochée, elle me suit. Partout où je vais, je l'ai à mes côtés, accrochée à ma poche. Vous me direz que ce n'est pas gênant. Mais quand on voit que Mireille fait des pas de 20 cm, je vous assure que les longueurs des couloirs prennent une autre dimension. Ce que je parcours en 10 secondes me prend maintenant 10 minutes.

Dans le service, tout le monde ricane en m'épiant de loin. Personne n'ose s'approcher de moi au cas où Mireille déciderait de changer de poche. Savez-vous ce qu'il arrive lorsqu'on ose décrocher Mireille? Et bien, elle pleure, griffe, mord et vous bave dessus. Alors franchement, il vaut mieux qu'elle arrimée.

Au bout d'un moment ça devient quand même pesant. Je lui parle, lui sourit, lui explique plein de choses, on visite le service, on dit bonjour à tout le monde mais jamais elle ne me répond.

Alors j'ai une idée. Délicatement je décroche son doigt et le pose sur la poignée de mon chariot de soins. La minutieuse opération me prend une bonne vingtaine de minutes mais se termine par un succès, ce qui me laisse quand même assez d'autonomie pour entrer dans les chambres des autres patients.

J'ai passé 8h avec Mireille. 8h non-stop!

J'avoue, je l'ai quand même abandonnée, le temps d'aller faire pipi mais elle était derrière la porte, accrochée à la poignée...