Un article
de Stream m'a particulièrement interpellée. Il y évoque les "brimades" que l'on fait subir ou que l'on subit lorsqu'on est enfant ou adolescent. L'école est un lieu d'apprentissage à tous les
niveaux, y compris celui de la nature humaine. Et, c'est pas franchement beau...
Alors, on dit toujours que les enfants ou même les ados n'ont pas conscience des
conséquences de leurs actes ou de leurs mots. Ils agissent dans l'instant et puis surtout ne songent qu'à leur plaisir personnel. Si maltraiter un autre gamin les amuse, ils ne vont voir que cet
amusement. Ils n'y verront rien de cruel puisque, dans leur esprit, c'est pour déconner... et tout le monde sait qu'à cet âge, au nom de la déconnade, presque tout est
permis.
Stream évoquait ce que sa bande et lui avaient pu faire subir à un jeune qui
était la tête de turc de l'internat. Pour ma part, j'ai été à cette place et je peux dire que ça laisse des traces, même inconcientes. Je me souviens bien sûr de tout ce que j'ai pu entendre à
longueur de semaines pendant mes années de collège et un peu de lycée aussi. Je sais ce que ça a provoqué en moi par rapport à mes relations avec les autres. Je ne peux m'empêcher d'avoir une
pensée pour ces années où je n'avais aucun ami parce que personne ne voulait se montrer avec moi. J'ai des amis maintenant et la situation n'est plus du tout la même pourtant, les angoisses liées
à tout ça, elles, sont restées.
D'ailleurs, l'autre jour, je me suis surprise moi-même. Je suis arrivée dans un lieu avec une amie et là, se trouvaient déjà deux amis à elle, un homme et une femme. Mon amie s'est approchée,
leur a fait la bise. Moi, je suis arrivée aussi. J'ai fait la bise à la fille mais j'ai serré la main de l'homme avec une légère hésitation. Il a été un peu interloqué. Aussitôt, je me suis
sentie un peu con... Bah oui, d'habitude, on fait la bise à tout le monde, même si on ne connaît pas. J'avais conscience d'avoir été extrêmement distante mais je n'ai pas contrôlé ma
réaction.
Le soir, j'y ai repensé et là, je me suis souvenue de cette époque, au collège en
particulier, où les élèves qui arrivaient faisaient la bise à tout le monde. Souvent nous étions regroupés en un cercle qui s'agrandissait petit à petit. J'étais toujours plus ou moins dans ce
cercle, du moins le matin, en arrivant... aux récréations, je préférais rester dans mon coin seule à attendre que ça se passe pour limiter la promiscuité et donc les dégâts. Mais le matin, je
restais parmi les autres. J'essayais un peu de m'incruster en me disant qu'après tout, un matin tout serait peut-être différent. Et donc, lorsque quelqu'un arrivait, il embrassait tout le
monde... ou presque. Les filles, ça allait... elles faisaient le tour et chacun avait le droit à son bonjour. En ce qui concerne les mecs, c'était pas le même topo... Ils embrassaient tout
le monde mais arrivés à moi ils passaient leur tour, systématiquement... Et si par hasard l'un d'entre eux me faisait la bise comme à tout le monde, aussitôt, il le regrettait et faisait une
remarque ou bien les autres lui lançaient un truc qui le décourageait bien de recommencer.
Donc, assez rapidement j'ai compris que les mecs ne me feraient pas la bise...
Assez rapidement aussi par auto protection, j'ai décidé de m'éloigner légèrement du cercle afin d'éviter cette humiliation et de m'y réintégrer quand le tour de bisous était fini. Je l'ai fait
pendant des années et visiblement, ça a laissé des traces puisque l'anecdote dont je parlais plus haut n'est pas si vieille. En gros, j'ai vu un mec que je ne connaissais pas et je me suis
automatiquement éloignée en lui serrant la main parce qu'à ce moment-là, dans mon esprit, j'ai eu de nouveau 14 ans et je me suis dit que je n'avais pas le droit d'embrasser un homme, qu'il
n'aimerait pas ça et qu'il valait mieux lui éviter cet affront.
Stream disait que l'histoire qu'il évoque avait marqué à vie le garçon dont il
parle mais je crois que ces blessures d'enfance sont les plus douloureuses et surtout qu'on n'en guérit jamais vraiment. Elles resurgissent à n'importe quel moment parce que telle ou telle
situation nous replonge dans cette époque. On garde ça au fond de soi, tout le temps. On n'oublie jamais. Ça détermine quelque part notre relation aux autres puisqu'un jour, on a compris à quel
point ils pouvaient être dangereux. Alors, oui, on grandit. Les autres changent aussi, ils mûrissent et nous oublient. Je suis sûre que ceux qui se moquaient le plus de moi n'ont aucun souvenir
de tout ça. J'étais leur souffre-douleur mais j'étais avant tout un jouet qu'ils ont vite fait d'oublier. Je leur parlerais aujourd'hui, ils ne comprendraient sans doute même pas pourquoi ça m'a
tant blessée et pourquoi, moi, je n'ai rien oublié. Ils me diraient que c'était pour déconner, qu'on était tous jeunes et cons et qu'après tout, ce n'était pas bien
méchant...