Il faut dire que cet été, seule l’abondance de soleil aurait pu me dissuader de m’absenter quelques temps de mes territoires familiers. Le désert culturel recommence à y gagner du terrain, notamment dans le Haut-Bugey où, comme je l’ai déjà dit, la disparition du festival estival de Nantua a privé de très nombreux mélomanes de l’unique rendez-vous musical ambitieux qui ait été organisé en cette période. N’étant plus depuis longtemps au fait de la vie locale, je ne connais pas les raisons précises de cette déconfiture. J’ai entendu dire que le public se raréfiait, que l’argent manquait. Admettons. Lors de la dernière édition du festival, j’ai craint le pire en entendant suggérer « qu’il fallait peut-être ouvrir à d’autres musiques » . Pourquoi diable ? Est-il si scandaleux, insupportable, que se maintienne un festival classique où puissent se retrouver les amateurs de cette musique ? Il faut le croire puisque, si l’on se réfère à des propos tenus dans la presse locale, on aurait recommandé à certains décideurs d’encourager des initiatives « un peu moins élitistes » . Si cette suggestion a réellement été faite, ce qui ne saurait étonner dans le contexte actuel lorsque la démagogie fournit un prétexte idéal pour tailler dans les budgets de la culture, les kermesses sonorisées dans le style de celles données à Oyonnax sous l’appellation pompeuse d’un soi-disant « festival Airs d’été » ont de beaux jours devant elles.
Un événement récent a tout de même permis de nuancer ces lugubres perspectives. Lors d’une véritable fête de la musique qui a trouvé refuge en l’abbatiale Saint-Michel de Nantua samedi 15 août, le grand clarinettiste Guy Dangain, soliste international, fondateur du regretté festival du Haut-Bugey, a réussi un coup de maître. Il ne restait en effet plus un siège de libre dans l’abbatiale toute bruissante de la foule des grandes heures musicales qui ont enchanté Nantua pendant presque deux décennies. Tous les étés dans cette région où il déclare se sentir chez lui (pour le plus grand profit des mélomanes) Guy Dangain partage son expérience, son savoir et son superbe talent avec une vingtaine de jeunes élèves de haut niveau à l’aube d’une carrière professionnelle et venus de nombreux pays étrangers. « En musique, l’Europe, c’est fait depuis longtemps » lance-t-il en présentant les musiciens avec qui il fait de la musique pendant une dizaine de jours en ces campagnes propices à l’éclosion de la beauté offerte au public lors du concert gratuit en conclusion de son Académie internationale de musique. De fait, ce 15 août, ce fut une grande émotion d’écouter ces jeunes clarinettistes, déjà virtuoses, certains venant de Taiwan, accompagnés au piano par la pianiste japonaise Shoko Gamo, inoubliable dans La Fille aux cheveux de lin de Debussy, dans la deuxième ballade de Chopin et dans la Dédicace de Schumann. Cette année, on peut dire que Guy Dangain et ses brillants jeunes élèves ont sauvé la saison musicale à Nantua. Le public pourra les retrouver à la chapelle du plateau de Retors le 23 août. Cependant, si les mélomanes se déplacent en aussi grand nombre qu’à Nantua, la petite chapelle sera très vite saturée.
Avant de conclure cette page de carnet déjà trop longue, je me dois d’évoquer une autre chapelle, la chapelle Claude Venet qui vient de surgir de la nuit des temps et de la terre. Vous y croiserez le regard d’un apôtre que vous ne pourrez jamais oublier. Ce regard limpide, intense, s’élève d’une fascinante peinture murale mise à jour dans le sous-sol du nouveau musée de l’Abbaye à Saint-Claude (Jura). À l’étage, on peut admirer les peintures rassemblées à l’occasion des donations des artistes Guy Bardone et René Genis, une collection qui permet de voir des œuvres de Dufy, Bonnard, Sérusier, Vuillard, Roussel, Vallotton, Beaudin, Borès, Grommaire, Brianchon, Legueult, Limouse, Oudot et bien d’autres. Je n’avais pas encore pris le temps d’explorer ce magnifique musée récemment inauguré et je ne regrette pas le déplacement. Saint-Claude est pourtant une petite ville enclavée mais lorsque s’exprime la volonté d’une vraie politique culturelle, tout devient possible.
Photo : rue pavée à Périgueux.