le festival des filets bleus 2009 et sa dictée maritime

A la poursuite du Chionoecete Opilio

Une nuit opaque, un ciel plombé et un océan de couleur anthracite se confondent dans la même encre. La fin de l’hiver approche au Québec sur L’Ile-de-la-Madeleine. En ce début d’avril, l’équipage du Moranda un crabier Acadien de soixante pieds s’apprête à larguer l’organeau, prendre le chenaleau, faire route au nord après le passage de l’amet à l’ouvert du barachois de Sainte Marie pour parer le boulder noir. Illuminé par de puissants projecteurs à halogène, le poudrin forme un halo dans lequel se débattent sur le pont les silhouettes des madelinots dans leurs hardes et capots orange. L’endroit propice au mouillage de cent trappes rondes sagement alignées et retenues par du luzin contre les carreaux , est situé sur des fonds planges au haut de l’accore un bon platier que seule une marée de syzygie ou de grand mer rend accessible. Mais quelle force physique faut-il pour lancer les grappins, attraper les boueilles, ramener les trâles, virer au haleur et vider les nasses de plus de cent kilos dans les crates alignés et saisis en travers de la fonçure. ! Séparer les demerseaux,aboëtter avec des gaspareaux,des morceaux d’ogac de rigouèche ou du calamar, une harassante chorégraphie qui n’admet aucune fantaisie dans les rafales de blizzard,le froid, les mouvements désordonnés du bateau pour éviter les crêts. Le bosco un grand escogriffe ne quitte jamais sa casquette couleur encre de seiche sur laquelle on peut lire, en un rouge carmin, le mot « Love ». Le jumbo étarqué, c’est un long coup de burgau qui annonce la remontée de la première trappe, des nuées d’esterlets, de margaux et de mauves virevoltent autour du bateau. Si quelques noeuds de polaque apparaissent sur la lignée, les pêcheurs ne manqueront pas de crier « Jonah ». Mais Fill le patron c’est un fier shagamo, pas un smuggleux. L’opie comme l’appellent les pêcheurs, car c’est bien lui l’objet de toutes ces manœuvres démoniaques, avec ses cinq paires de longues pattes, ce crabe qui évoque la glace et la neige, le crabe des neiges. Sisyphe amoureux de leur rocher tels sont et seront toujours les crabiers du Saint Laurent.

(texte & organisation:Claude NEDELEC - J.Michel ROBERT - voir sur le blog des quat' Sardines la définition des termes et autres précisions)

un char de reine "chaloupe sardinière" dessiné par Hervé Gloux en 1994 et construit au chantier Querrien du Passage.