(Gardons bien à l'esprit la raison pour laquelle je vous raconte cette histoire très personnelle: Je témoigne ici de ce que je vis en tant que femme atteinte de sclérose en plaques, paraplégique incomplète et incontinente. Que ce récit qui est loin d'être une mise à nu ni de l'exhibition impudique , soit un espoir pour ceux qui se trimballent la maladie avec de lourds handicaps. Même si mon histoire n'a pas connu le dénouement espéré ni un "happy end" au sens attendu... L'issue fut inattendue, imprévisible...)
Voilà mon F. arrivé à Strasbourg! La vache! Il est là en face de moi!
(fichtre, qu'il est beau gosse! Qu'est-ce qu'il m'a trouvé) ? Il va se réveiller, s'enfuir pfff! Je ne le mérite pas!)
Finis les clins d'oeil derrière l'écran. Là, c'est pour de vrai! L'émotion est palpable. D'ailleurs... On se palpe, on se prend dans les bras etc... On nage dans le bonheur (limite handisport natation!), encore intimidés, mais on s'est tant confiés, on a abordé tous les sujets, la vie, la mort, des questions philosophiques, on a refait le monde, on a vibré ensemble, chanté ensemble, été émus et choqués des mêmes choses, on a pleuré ensemble, on a pouffé ensemble devant un site de gadgets adultes, jusqu'à piquer des fous rires derrière notre moniteur...
Que les plus vicieux d'entre vous se calment lol! Nan. On a été chastes pendant plusieurs jours! On ne s'est pas sauté dessus. Pas qu'on n'en ait pas eu envie...
Bon, d'abord moi qui n'avais plus mes règles depuis le début fracassant de ma SEP de
forme grave, je ne prenais plus de contraceptif... Pas besoin. En plus, mon ancienne pilule m'avait causé une embolie pulmonaire quelques mois avant ma SEP, et j'ai failli y rester. Mais là, la question se reposait... Ou bien? On s'est posés, on a bu, mangé, déballé et installé sa valise et ses gros sacs
(je me disais: purée, avec tout ce qu'il a emmené, il peut rester un moment! Cool!) Je lui ai proposé de lui faire son espace à lui dans le salon, qu'il puisse avoir ses marques. On lui
installe donc son bureau, ses dvd, cd, son ballon de basket... Il attrape ma guitare. Il est doué pour tout ce qui me touche, art etc... A son niveau, et malgré son orthographe naze! Toujours
voir au-delà, la gentillesse et le raisonnement...
Cette année-là, l'été a été très chaud, une vraie canicule. En fin d'aprem, on décide de bouger, pour ne rien précipiter. F. qui a des biceps impressionnants tire mon fauteuil tout en avançant, ses bras de sportif ont vite fait de nous emmener au tram qui est trop loin pour moi qui prends un bus, avant. Le soleil tape, la lumière est magnifique, les gens sourient de nous voir, une femme nous accoste, nous parle: c'est la première fois qu'elle voit un couple de handis évoluer en riant, amoureux. Elle nous dit encore d'autres choses très touchantes qu'on n'oubliera pas. On a réhabilité le handicap et ma maladie que j'ai évoquée.
On prend le tram, découverte pour F. Il est super ouvert, curieux, il retient tout; regarde tout, boit ce qui l'entoure, me boit du regard! On déboule place de la Cathédrale sur les pavés que je remarque à peine, moi qui suis incapable de rouler dessus. Il m'entraîne dans son enthousiasme, sa jeunesse, nos éclats de rire. S'en fout des pavés, on passe outre! Les passants se retournent sur nous, nous sourient, tout nous sourit... La Cathédrale baigne dans une lumière dorée, c'est une apparition magique, surnaturelle. F. en tombe amoureux. Il en prendra de nombreux clichés. Il est doué pour la photo aussi, il a un regard qui sait saisir ce que d'autres ne voient pas. On finit dans un petit restau en terrasse. Je l'invite, et lui fais goûter la bière alsacienne. On se régale, on se raconte mille et une choses en se tenant par la main. On nous paye un pot. Notre bonheur fait même plaisir aux autres lol!
Un bon augure?
La place Kléber est belle, illuminée de lumière dorée, je redécouvre ma ville qui n'est plus une suite de rues peu accessibles mais un monde nouveau à refaçonner...
Je me sens bien, et je sais que lui aussi... Fatigués, on rentre. Bus tram. En quelques heures, F. avait pris possession de ma ville, de ses habitants, de mon coeur qui commençait à chavirer... On se connaît déjà, nos âmes sont soeurs... Mon instinct me
dit que ce gars est en or, mais qu'il faut être vigilante... Zut! Couché, l'instinct!
Chez moi...chez nous? on se débarbouille, je me regarde dans le miroir de la salle de bain, ne me reconnais pas, embellie, lumineuse, HEU REU SE!
F. s'auto-sonde, je passe aux toilettes et... Damned! Elles étaient là! De retour, ces intruses inutiles: mes règles! Mes hormones, réveillées par l'amour, la perte de poids, nos calins chastes et surtout nos attentes, fantasmes et tant de désir, se sont emballées... Zut. Je le dis à F. qui s'en amuse. C'est bon signe. Oui, mais bon, je dis, ça et l'incontinence... F. me rassure et on se couche très sagement, la tendresse comblant ce qui est encore hors d'atteinte. Finalement c'est mieux comme ça, ne rien précipiter... On parle la nuit entière. Je suis encore en vacances, on est libres... Il me parle de ses amours, des histoires ratées et superficielles, surtout des défis: sortir avec une nana mignonne, ou valide, le truc habituel des handis élévés en centre. Puis une histoire, sérieuse, avec une nana de son centre, et puis la fin... Je lui confie mes histoires bancales mais profondes, le schéma que je répète, de mecs paumés qui avec moi se sentent rassurés, en sécurité, que j'ai aidé à se construire, à être bien dans leur peau, à s'aimer... Jusqu'au jour où ils me quittent... Ou moi, je m'échappe, lasse de porter. Contrairement à lui, je suis toujours en bons termes et en contact avec mon ex.
Sans l'avoir vu venir, on évoque notre vie sexuelle. Ses déboires, lui le handi quasi de naissance, moi, qui n'étais pas prête avant lui, avec mon handicap, because l'incontinence, because ne pas vouloir mettre ma SEP sur le dos d'un homme que j'aime... Il me fait part, pudiquement, de ses troubles de la sensibilité. Il ne l'a pas intacte. Moi pareil. il va falloit improviser. Je m'endors au creux de son bras, au petit matin, (purée les biceps!Je m'y nicherais bien à vie!)
Heureuse et avec l'envie de reprendre des risques, de
re-vivre, de refaire confiance...
Les jours suivants sont tout aussi euphoriques. On organise nos "produits" d'hygiène, de soin...
J'emmène F. à la découverte du quartier où l'on me connaît bien, je l'emmène même au groupe SEP (où j'ai déjà emmené CHRIS et ma nièce un jour), on l'adopte, il est si gentil, souriant, simple, sauf MO qui le dévisage avec méfiance, tout comme mon grand pote Y. (jaloux? Héhé...)
On profite de mes derniers jours de congé pour aller à la découverte de la ville. Je reparle du basket et de notre équipe handisport. F. est très tenté de s'y remettre. Je passe des coups de fil et on prend rdv au gymnase du quartier voisin. Les basketteurs, je les connais, avec une emploi jeune sportive de haut niveau que j'adorais, on les a invités au bahut pour mon projet handicap quand j'ai mis élèves et profs en fauteuil... On est restés en contact. Le Président du club, un quinqua très bel homme, c'est un pote à MO.
Mais entretemps... Les ragnagnas, les débarqueuses d'Outre-Manche, m'ont lâché la grappe, et le grand soir arrive... Il me fallait être
sûre de la fin, je n'ai plus de repères, ni mal de ventre, ni sensations, ni durée indicative, situation inédite. F., lui, peut profiter de ma
baignoire grâce à sa sportivité et à ses bras musclés, il soulève sans peine ses jambes fluettes. Il y a dans ces membres si minces une fragilité, quelque chose qui me chavire, m'émeut au plus
profond de mon être. Il dépasse son handicap, ce corps qui a souffert enfant dans des corsets cruels... Il est toute grâce. Je lui frotte le dos avec douceur... L'éponge se fait caresse, puis la
main la remplace... Moi, lavée au gant, peau parfumée, crème satinée, la sensualité du geste du bain nous mène naturellement... au lit sur lequel mon
prince me jette avec romantisme, dans les draps soyeux délicatement semés de pétales de roses...
aux toilettes!!! Ben vi, on n'est pas valides, nous, faut toujours penser que l'eau, ça stimule la vessie flûte! Un pipi et un
auto-sondage plus loin, finition à la lingette parfumée, on se transfère (on ne se couche pas de façon romantique, sauf dans notre tête) sur mon grand lit, on roule sous les draps
(pas de soie lol, j'avais prévu une alèse au cas où... Trop peur...), et on laisse s'exprimer nos corps...
Les caresses sont un élément fondamental quand un ou 2 partenaires sont handis.
Les préliminaires sont la préparation incontournable d'un plaisir qui, cérébral d'abord, peut finir en orgasme. Comme tous les garçons (et filles?) para, F. a les tétons très sensibles. Nos corps que la vie a tenté de fracasser se repèrent, se touchent, s'apprivoisent. Les baisers sont le moteur. Pour le reste, on improvise, lui léger de bas du corps, moi souple, je vais me retrouver sur lui ('tin quelle force dans ses biceps! il m'a renversée, moi grosse dondon, comme rien! La vache!), basculer... Je balise, peur de le casser en deux! Sans rigoler! Naturellement, on parle pendant, on DIT nos craintes, et c'est ce qu'il faut faire: il me rassure et hop, je roule sur lui, mais comme je ne tiens pas sur mes genoux paralysés, il faut trouver autre chose... Sans difficulté, le voilà au-dessus, mais il a le même problème que moi, ça finit non pas en détresse mais en fou rire, pas question de lâcher
l'affaire! Pas de gêne, on est logés à la même enseigne! On fait équipe! On va trouver! On va trouver! Surtout que ce que j'aperçois,
l'interrompre serait un gâchis!!! Son membre est énorme! (...) Finalement, je tenterais bien une cuiller avec mes jambes en ciseaux, pas moyen autrement: ma jambe paralysée ne se soulève pas si
je suis sur le côté. Je ruse... Une voie possible se présente, et après moultes contorsions, épuisés, étourdis et émerveillés parce que c'était doux, tendre, j'ai eu une sensation de plénitude
très agréable, mais pas aigue et... essai transformé, mais sans "émission". (peux pas être plus précise, blog public) Ce qui m'arrange, parce que la capote, je ne la sens pas, peur
qu'elle se fasse la malle... F. a ressenti davantage de choses...
Avant qu'une fuite peu glamour brise notre rêve, re-transfert tour à tour (les deux fauteuils devant le lit, un vrai blème, peu, de
place) petit pipi, lingette, on intègre ces gestes.
F. me demande ce que j'aurais pensé s'il n'avait pas "pu". Bah, je dis, il y a plein de
trucs à faire... Et rien ne remplace une profonde tendresse, en ce qui me concerne. Je suis plus proche par le coeur que par le corps... Infiniment plus
intime. J'ai eu des amitiés amoureuses, valide, mille fois plus torrides que le sexe. J'ai un imaginaire immense.
Bon, au niveau sensations, le cerveau nous avait aidés, F. et moi! L'imaginaire, le désir, aussi. On peut faire mieux. Et on fera mieux!
(La suite: F. retourne chez lui avant de décider de notre avenir commun. Et il...revient avec armes
et bagages! On s'installe, il rejoint l'équipe de basket handisport, et avec une nana valide, on devient copines, nous les "femmes de joueurs para!" J'assiste aux entraînements en corrigeant mes
copies. Je crie dans les tribunes avec ma pote! On mâte tous les joueurs qui sont souvent très beaux lol! On pimente notre quotidien de handis. Je masse mon sportif lol! On traîne en bande avec
les autres sportifs handis. On sort. F. devient un familier de mon bahut, on reçoit "à la "maison", ma nièce passe, mes élèves nous croisent, ma vie est chamboulée... Ma fatigue SEP se fait la malle... Une vraie vie classique malgré les obstacles???)
Au moment où j'achève ce nouveau passage, j'écoute "Demons" de la grande MACY GRAY. Tout à fait mon feeling du moment, sa zic et sa voix rauque bluesy, enfumée...
Vais me replonger dans mes souvenirs... Portez-vous bien!