Ah le soleil, les vacances, la farniente, ne rien faire avec un grand R, partir en tribu, s’éclater, en profiter pour réfléchir… ERK. Oui, bon admettons que nous ne soyons pas tous égaux devant la notion de détente…
Bref, la plupart des gens normaux abordent la trêve estivale avec sourire et confiance. La plupart des gens normaux, sautent dans leur train/avion/patinette, avec la foi absolue que ces quelques jours de répits vont être synonyme de bonheur et de félicité.
On passera sous silence les ratés, les vacances foireuses avec l’envie d’étriper son compagnon de voyage, ou l’horreur de devoir partager sa chambre avec cette garce de futur-ex-amie dès lors qu’elle aura jeté son dévolu sur notre mec, notre ex, notre target, bref le futur eunuque qui occupait nos pensées… Car après tout qu’importe, il faut positiver.
Think positive , comme ils disent à la TV. Mais quand on est une geekette possédée par des démons virtuels, il y a un truc inenvisageable, une aberration, un manque insoutenable : le Break numérique, le internet withdrawal (Ben ouais, quand on est geekette on aime faire croire qu’on est bilingue. Ça fait partie du mythe !) Le manque donc, car c’est bien d’une drogue dont il s’agit. Alors, à moins d’être maso, autant tout faire pour l’éviter !
Car droguée heureuse et consentie je le suis, j’assume, je le revendique, la fleur au fusil et le sourire pixélisé. Rien de neuf sous le soleil. Et comme toute bonne junkie j’avais pris mes précautions. Partir en famille, soit, admettons, mais avec mon clavier, ma souris, mon laptop et mon iphone. Avec mes Dvix, mes accès torrents, mes 3 batteries de rechange, 5 cordons, 2 disques amovibles, mon HTML pour les nuls.
J’avais tout prévu pour passer quelques jours en famille sans envie de matricide, sans effleurer l’option de revendre mon engeance sur ebay. J’avais mon équipement de base et mon équipement numérique. J’avais le beurre et l’argent du beurre, le fromage et le dessert. J’avais pensé à tout, sauf à l’impensable.
Car comment nommer autrement le summum de l’emmerdement maximum, l’enfer de Dante, purgatoire personnel, soit le bled numérique, oublié des opérateurs, ignoré des FAI…
Que faire de mon Laptop sans connexion wifi ? Que faire d’un ordinateur sans haut débit ? Comment écrire un mail avec une connexion 56ko ? Que faire des disques durs amovibles derniers cri sur un ordinateur qui ne prend pas l’USB 2 ? Quand chater devient aussi rapide de graver son message sur une pierre : adieu souris, à moi le silex !
Iphone mon sauveur ? Oublies direct ma fille, sans la 3G c’est plus qu’un jouet.
Tant pis chérie, fais toi violence, téléphone à tes amis. Et, même temps debout sur une souche au fond du jardin pour capter une barre de réseau, ça va être vite régler.
« Mag ? tu fais la gueule ? »
Nan. Je médite, je fulmine, je fume en cachette. J’essaye de survivre au black-out, à l’Armageddon virtuel. Je suis dans la Betty Ford du numérique. Je compte les jours, fais des croix sur les murs de ma chambre, bave à l’idée de rempiler.
Je profite, oui oui. Bien sur. Think positive. Bien sur. J’invente des mantras. Ce sera meilleur en revenant. C’est comme le sexe, c’est mieux quand on a attendu. Oui oui. Bien sur. Mais d’ailleurs, “point de sexe non plus en vacances en famille tu auras”. Ouch. Je hais les mantras.
Je n’ai jamais eu l’âme d’une pénitente, jamais eu l’esprit d’une repentie. Je suis faible, j’aime mes faiblesses. Je suis une junkie qui adule ses addictions. Je suis un monstre d’épicurisme, une adepte de Bacchus…
Je suis…
Je suis…
Ouf, enfin entrée.