Le lendemain matin, les jambes rouges et enflées, après une autre nuit à se gratter plus qu’à dormir, voyant que ça ne partait pas comme des piqures d'insectes, elle se doute, elle en est presque certaine : c’est l’herbe à puce. Info-santé ne se risque pas au diagnostic mais lui fait un peu peur, craint la contagion surtout chez les femmes enceintes, comme si c’est du genre rougeole (rougeole à 61 ans??!!). La malade se rend au CLSC. Une heure plus tard, le verdict tombe : c'est bel et bien de l'herbe à puce et un lavage ne suffira pas à désinfecter. Cortisone, rien de moins, bandages sur les deux jambes parce que ça coule et pour s'empêcher de se gratter. Pilules pour diminuer la « gratelle » et pilules anti-inflammatoires (celles-là, on n'a pas compris, j'aurais cru antibiotiques). Et lavage au grand complet: draps, sous-drap, couverture, vêtements et même souliers. Ce n'est pas contagieux au sens où ce qui coule n'est pas contagieux, mais supposons qu'elle se soit assise sur une chaise, pleine de son "sumac vénéneux" et moi, je m'assois sur la même chaise et que je sois allergique aussi. Ou pire, que je chausse ses sandales qu'elle avait ce jour fatidique.
Deux semaines maintenant qu'elle est revenue du CLSC, ça pique encore la nuit, les plaies sèchent, moins boursouflées, plus étendues, moins rouges. Le docteur a dit que ça prenait un bon 15-20 jours avant d'aller mieux.
Il s’agissait ensuite de la trouver cette horreur. À la pharmacie, un dépliant. Sur Internet des images qui nous font douter plus qu’elles nous rassurent. De loin, avec ses jambes bandées, Louise est certaine d’apercevoir la chose : « là et là et encore là ». Une surface plus grande que la maison. « Tu es sûre? Il me semble que ça ne lui ressemble pas. » Le déni de ma part. Non, je ne veux pas, pas tout ça, pas tant que ça. Je n’en viendrai jamais à bout. Il est évidemment pas question que Louise aille se vautrer dans le beau tapis de sol alors, je serai brave: j'affronterai l'enemi. Pas à mains nues, je n'ai pas envie de savoir si je suis allergique. Bottes à jambes, pantalons longs, chandails à manches longues, des gants de caoutchouc qui montent jusqu’aux coudes, armée d’un coupe-branche (pas pour la plante maudite mais pour les arbustes et les branches qui sont sur mon chemin) et d’une petite gratte, je fonce courageusement dans le tas et j’arrache une à une les tiges triples qui poussent par rhizomes et je tire et je soulève en espérant qu’elles cassent le moins souvent possible. Mais elles cassent et je gratte le sol, je m'empare des aiguilles de pin plus ou moins compostées, je trouve les racines rougeaudes et je tire délicatement. Encore et encore. J'ai arrosé deux fois avec du "Roundup", les feuilles jaunissent mais ne meurent pas assez vite à mon goût et de toute façon, si je n’arrache pas les racines, la plante repoussera. À une heure par jour, j’en ai pour un mois. J'ai vu un bon 50 pieds sur 15 pieds et ça c'est ce que j'ai vu! C’était mon histoire d'horreur estivale. (photos hélas des auteures)