On ne sait rien de cette personne. Presque rien. Si ce n'est qu'elle rentre de vacances.
Cette année c'était camping. 2009 est l'année du camping. Augmentation annoncée du nombre de
nuitées. Pour des questions de budget. La crise, l'incertitude sans doute.
Cette année c'était camping, pour des questions de budget mais aussi pour des raisons d'agrément, indéfinissables.
Peut-être pour toutes ces sensations enregistrées, agréables seulement parce que différentes.
Les odeurs, par exemple. Ce mélange de monoï, de citronnelle, et de résine de pin qui règnait dans le campement. Les fumées de grillades le soir. Et puis, à la nuit tombée, l'impression de
mystère créée par la seule magie des différents halos de lampes. Les ombres chinoises dessinées sur les parois des tentes éclairées de l'intérieur. On dirait des âmes. Les faisceaux des lampes
électriques qui se croisent, éclairant trop faiblement les embûches (racines, pierres). Les repères qui se perdent, dans cette obscurité. Tout devient labyrinthique et plus vaste. Les arbres ont
des feuilles dorées par les lampadaires, et on ne reconnaît pas son chemin dans un territoire d'à peine deux hectares.
Le soir aussi, il y a tous ces bruits pour lesquels on est plus disponible. Le zip des tentes. Les
chuchotements des conversations devant les bec de gaz. Le bruit des pas en claquettes. Les vaisselles cliquettant dans les bassines. La toux d'un fumeur allant aux toilettes. Une marche arrière
d'une voiture dans la poussière. Tout ces bruits de métal et de plastique. Un grillon, le seul infatigable. Et puis, quand tout semble se calmer, un bref éclat de voix contre un enfant
que la trop évidente présence et victoire de l'extérieur excite.
Car c'est cela la grande nouveauté. L'année on la passe dans des murs. Et là, en camping, on se retrouve à l'extérieur. Ce n'est pas la nature, non. C'est l'impossibilité, malgré toutes les
tentatives, de recréer vraiment un foyer, un intérieur (comme si c'était un empire). On a beau balayer, la poussière rentre. Les parois du domicile sont figurées seulement par les serviettes de
bains séchant sur un fil à linge disposé en carré autour de la parcelle. Les nudités sont enveloppées seulement de paréos. Les portes des douches sont ouvertes en bas et en haut, on peut se
passer le savon par en dessous. On peut se voir, sans se connaître, on peut se voir se laver les dents le soir aux lavabos collectifs. Et le fait qu'on fasse semblant de ne pas se voir n'y
change rien. Toutes les intimités se côtoient.
Et maintenant c'est le retour. On va retrouver les murs en dur. On va retourner dans les intérieurs. On va se croire protégés, et moins nus.
Mais il y a d'autres regards plus perçants que ceux d'un voisin de camping, et ceux-là n'ont que faire du béton.
(graphique : enquête sur le suivi de la demande touristique, réalisée par TNS Sofres et la direction du tourisme : taux de départ de la population
française sur trois ans, répartie par mois. taux de départ de plus 40% en moyenne pour le mois d'août, Chiffres complets ici.)