Magazine Nouvelles

Ceux qui survolent les nuages

Publié le 21 août 2009 par Jlk

Panopticon99995.jpg
Celui qui est conscient de la trace blanche que son Boeing 747 trace dans le ciel bleu Uccello / Celle qui se rappelle l’exhortation d’Antonin Artaud à Paolo Uccello : « Quitte ta langue oiseau ! » / Ceux qui ont toujours été convaincus que tout ce qui monte converge / Celui qui fait sa ronde de nuit sans se douter qu’il est observé / Celle qui fait des rondes de jour dans l’usine à décolleter / Ceux qui cherchent la bonne lumière à la bonne place pour se faire un bon plan / Celui qui remarque avec un aplomb d’écrivain qu’il est fâcheux de constater que les jeunes gens d’aujourd’hui n’aiment pas le lapin / Celle qui note que les surimpressions de Godard sont aussi subtiles et difficiles à déchiffrer que celles de l’écrivain portugais Antonio Lobo Antunes très recherché des femmes de Lisbonne dans les années 70 / Ceux qui ne se rappellent plus les phrases qu’ils doivent dire à la télé à propos de la grève en cours / Celui qui se voit dire des phrases à la télé dont la bande-son ne reproduit que le passage des F-16 volant pile au-dessus de l’usine à décolleter / Celle qui s’entend dire par le rédacteur en chef que son refus de traiter Godard façon pipole tombe mal alors y a une vingtaine de stagiaires prêtes à prendre sa place / Ceux qui admettent que les jeunes gens manquent quelque chose en perdant le goût du lapin / Celui qui se demande ce que Goya aurait fait avec les motifs de Zoran Music / Celle qui demande à son père polonais d’arrêter d’embêter les gens avec ses histoires de Solidarnosc quand elle a des invité professionnellement intéressants côté médias / Ceux qui sont naturellement antipathiques et en tirent une certaine séduction plus ou moins calculée / Celui qui vit une intrigue de téléfilm à deux balles sur le tournage du probable chef-d’œuvre du 7e Art / Celle qui remarque la folle beauté de la courbe de l’autoroute juste après l’averse /Ceux qui se demandent si c’est ça le cinéma polonais au moment où le Christ des nations (comme l’appelle Karol) en chie un max / Celui qui révèle à son amie que le cul des autres n’existe pas en Inde, tout occupé aux 346 positions qu'on  se trouve à vivre chacun pour soi / Celle qui dit la travail dans la séquence où elle est censée faire son boulot de se mettre nue / Ceux qui disent JE TRAVAILLE au moment où les grévistes se pointent sans crier gare / Celui qui ne sait plus comment échapper à l’effondrement du décor de son film déconstruit / Celui qui dit (il ment) qu’il se les roule alors qu’à vingt ans (il dit vrai) il se faisait une montagne de tout / Celle qui roule une pelle à l’éclairagiste pour relancer la passion du Polonais dont elle sait qu’il les mate sur son moniteur / Ceux qui dansent sur leurs chevaux barbes pendant qu’ils en ont encore l’âge, etc.

(Notes prises en lisant alternativement BW de Lydie Salvayre et Passion de Jean-Luc Godard)

Image: Philip Seelen


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines