Magazine Journal intime

2. Le jour où "elle" était peut-être déjà là, latente, tapie, aux aguets d'une brèche où s'engouffrer...

Publié le 23 août 2009 par Handiady
2.Avec le temps, on reconstitue un puzzle: dès qu'on comprend mieux le fonctionnement de sa maladie, on retourne dans son vécu antérieur pour y débusquer les signes avant-coureurs.
On se situe par rapport à l'actualité, la pollution (Tschernobyl...),
Parce que perdre le contrôle de son corps, de sa vie est tout bonnement intolérable. Alors on  fouille dans de vieilles malles poussiéreuses, à l'affût d'indices: qu'ai-je fait? Mangé? Bu?  Vécu? Pris comme substance active? avant de déduire que tout cela n'est pas utile, car cela n'explique pas la singularité de la maladie.
Ce chemin, je l'ai emprunté souvent. Il fait partie de mon envie de me réapproprier mon corps, mon choix de vie.
Résultat de mes flash-back:
je me souviens avoir été une gamine très vive, enjouée (enfin, la plupart du temps, mes lecteurs fidèles connaissent le bémol, voyez rubrique "chez mon psy", abus), très sportive, toujours en mouvement (à pied, à vélo), en action, et par conséquent agile, leste, rapide, souple.
Un événement dramatique viendra perturber tout cela, mais il est sans importance par rapport à ce qui m'intéresse aujourd'hui.
A l'école, je suis précoce. L'interdiction de papa de toucher à ses livres (dont certains très vieux, voire précieux) me fera lire très tôt.
Esprit de contradiction, bravade de l'interdit, classique.
Ma soeur, enfant, y dessinera des silhouettes de femmes en manteau de fourrure, ce qui présagera de toute sa vie et de sa personnalité. Ses lectures d'ado et de femme se limiteront à celle des magazines "Intimité" (ça existe encore ce truc? Levez les doigts si vous lisiez ce bidule! Allez! Graaaave!), des romans-photos à l'eau de rose... Une des rares personnes que je connaisse et qui s'est longtemps vantée de ne pas avoir lu un seul livre. A 40 ans, elle découvrira le mot "psychologique" (la vache, déjà! Je ne me moque pas: elle était d'une paresse intellectuelle effrayante, et l'est toujours, la revendique) et le prononcera "spicologic". Décidément nous n'avions pas les mêmes valeurs. Mon frère en déchirera les pages, des livres paternels, en harmonie avec son être, là aussi!

Moi, je me retrouverai assise par terre, en territoire interdit, un livre ouvert sur les genoux (à l'envers!), dans la contemplation quasi religieuse, mystique, de ces signes magiques qui racontaient des histoires...
L'école, je m'y régale, je suis populaire tout en étant à part, à cause de mes rondeurs qui se dessinent... Je suis douée, je "saute" mon CE2. Je me retrouve avec des camarades plus âgées d'1 ou 2 ans. Ca me va: ça correspond à ma maturité. Je ne suis plus un bébé!
La mort de mon père (je venais d'avoir 9 ans) et des conflits réguliers avec ma soeur, mon frère, me grignotent à petit feu. Je me considère comme leur égale, et ça, ils ne l'ont jamais accepté. Il faut dire que ma soeur a 2 enfants dont je ne suis séparée en âge que de 4 ou 5 ans. Intellectuellement, et du point de vue de la maturité, des années lumières nous séparent. Je me construis une autre famille faite de copains et copines d'école, de quartier.

Jeune ado, j'ai le souvenir de faits dignes d'être relevés: fatigue extrême parfois (je sais, TOUS les ados sont de gros dormeurs! Mais moi, ça ne colle pas. J'étais un vrai loir, et cela alternait avec des périodes de nuits blanches passées à lire. En période scolaire, j'étais en forme néanmoins...), maladresses, soudain, jambes qui se dérobent sans explication plausible...
Comme je me dépense beaucoup, on met ça sur le compte de mon hyper-activité, de la fatigue qui en résulte. Ca paraît si logique.

Au collège, la mixité me rend timide, enfin, en surface. Je tombe éperdument amoureuse de M.S., un charmant garçon qui devait être gay (pfffffff!), SYLVIE qui l'a connu  quand on était en terminale, et qui m'a retrouvée récemment grâce à "Copains d'avant", s'en souvient sûrement! Tout le monde avait capté pour sa différence, sauf moi. Je suis restée très "oie blanche", pour ne pas dire "dinde" dans certains domaines, jusqu'en 1ère année de fac. Naïve même. Intellectuellement au top, maturité humaine évidente, mais... Un vécu familial chaotique m'a privée de quoi me construire pleinement. Même si j'étais déjà animée par les mêmes valeurs, révoltes, rébellions qu'aujourd'hui. SYLVIE, "amie de 25 ans",  a été pour beaucoup dans mes "progrès sociaux" ! (je la laisse raconter si elle le souhaite!) Avec le prof de philo, on montera une pièce. Les planches, parfait pour mon côté exhibo introvertie. J'ai toujours compris mes élèves timides. On a tant en commun. (Hein, m'ame CHRISTINE!)

Je rougis comme une pivoine quand on m'interroge en cours. Je parle rarement, mais quand ça arrive, c'est le silence et ça marque. Atypique. Déjà! Loin de m'isoler, cette différence attire. Je suis ultra sociable, mais méfiante: j'ai encore les ailes brûlées.
Rien ne laisse penser que je serai, un jour, une prof qui, comme un poisson dans l'eau, optera pour les séries professionnelles et des classes peu évidentes,  pour retrouver un peu l'esprit de son quartier, des mômes parfois paumés, comme nous l'étions, issus de milieux très modestes.
(Rien n'annonce cette vocation. Il n'y a que moi qui sais. Je n'ai pas décidé de la matière, mais je sais que je serai prof. Et je commence à remplir des carnets pour relever ce qui me plaît, me déplaît chez mes profs, choses à éviter, blessantes, choses à intégrer, boostantes pour les élèves en difficulté.)

Mon truc, c'est le français, les langues (latin, grec, me suis laissée convaincre, quelle idée!), l'histoire, la musique, les arts pla (je peins comme une quiche mais j'y suis tout entière), et surtout: les LVE, langues vivantes étrangères où j'excelle. Sans effort. De l'âge de 4 ans à 25 environ, j'ai une mémoire quasi photographique, développée par des exercices imaginés par mon père qui se la jouait instit quand je rentrais de classe (attention, ça ne rigolait pas! J'avais un petit tableau noir sur pieds, comme à l'école!).
Ma bête noire, les maths. (une instit de primaire avait eu le malheur de dire que j'étais une littéraire, pas une matheuse. J'ai confirmé en me laissant submerger en maths: ne pas donner tort à quelqu'un que je condidérais comme une demi-déesse. Profs: ne JAMAIS porter un  jugement définitif sur un môme! Destructeur.)
Au lycée, ma "vocation" de littéraire se poursuit: bac philo-langues. En terminale, je suis trilingue. Mais VRAIMENT. Le latin, je l'ai emporté à l'examen, obligée. Sans conviction.

En route pour la fac de...euh... Eh bien finalement...
Mon coeur balance entre l'allemand, langue de maman qui a besoin d'être réhabilitée, même en Alsace, et l'anglais, que j'adore: zic, culture...

Mariage de raison (teuton) ou d'amour (anglo-saxon)?

Parce que maman décline, tombe malade, maladie de Horton, entre autres... (neuro-vasculaire: artérite temporale!), peine à marcher, je décide que je ne prends aucun risque: il me faut travailler le plus tôt possible tout en évitant de me sacrifier complètement. "Hallo Deutschland!"
L'anglais sera mon UV de choix restreint.
Mener de front les 2 facs est une illusion à Strasbourg: le niveau en allemand y est très élevé, on est tous alsaciens ou nés de couples franco-allemands, voire Allemands natifs, on est tous au top... La concurrence est rude. J'ai mis toutes les chances de mon côté, avec l'idée de revenir étudier un jour l'anglais, adulte.
La fac sera à la fois une épreuve et une découverte passionnante. Je m'y sens chez moi. Des livres, des livres et... encore des livres. Des potes, plein... (je perds mon côté oie blanche, il était temps!).
Je postule pour une bourse d'études d'1 semestre à Kiel (5 places pour l'ensemble des étudiants de 1ère année ayant réussi du premier coup toutes leurs UV.) Je pars, sachant que je rentre à Noël, maman ne sera pas seule longtemps. J'ai 17 ans (il m'a fallu une dérogation au moment de ma demande), j'ai gardé mon avance.

Première expérience de séjour long à l'"étranger", premier vécu d'indépendance: on gère une bourse, un budget, sa nourriture, ses loisirs: j'ai mon studio au Professor-Hallermann-Haus, voir photo récente , une des cités U de Kiel, à 900 km de chez moi, sur la Baltique. Passionnant! "Kiel, Stadt im frischen Wind" comme il était écrit sur la doc de l'office du tourisme. J'y connaîtrai d'autres Français boursiers à Kiel avec qui on passera un semestre génial, et surtout, les étudiants allemands, notamment de mon étage,
tous plus âgés, des Amis, voire plus... On rira comme des tordus, organisant des soirées françaises (après, je retrouverai les étiquettes des bouteilles de Bordeaux acheté au Aldi du coin collées sur ma porte!), des excursions en Scandinavie: Danemark, Suède, à bord de leurs voitures pourries, ou en train, ferry... On ira visiter la brasserie Carlsberg à Copenhague,tarif étudiant, avec visite guidée en anglais (tôt le matin, on avait soif et rien à boire, on est arrivés avec des petits pains à l'usine! Pas le temps d'attendre la visite en allemand! Dégustation à l'oeil, notamment de la "Carlsberg elephant". En se penchant sur une coursive, au-dessus d'une grande cuve, T. manquera perdre ses lunettes dans le flot de bière, rattrapées in extremis au vol, de sa main précise de chimiste, ce qui m'avait fait dire:T'inquiète! Avec toute la bière que tu te descends, tu les retrouveras dans une canette au Aldi du coin dans 2 jours" : c'était la bière la plus consommée au PHH (Pr. Hallermann Haus). On est sortis en marchant de travers... (fallait pas gâcher, on ne pouvait rien emporter, alors on a tout bu! )

J'ai retrouvé l'un d'eux, T. !'étudiant en chimie,24 ans à l'époque et moi 17,  il y a quelques semaines, en effectuant une recherche sur FACEBOOK! On est de nouveau en contact.

Je n'en étais pas amoureuse, même si lui l'a cru... (je l'étais de son meilleur ami par contre, mais j'avais brouillé les pistes! Devenu pasteur protestant celui-ci... Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d'"ex" chez qui je suscite la vocation de prêtre! A Enervant! Ohé, là-haut, le "Créateur" de mon ADN nase, j'espère que tu me revaudras ça! Ah! Il y a eu mes coups de foudre pour plein de gays aussi! Ben ça, le Très-Haut patron de mon ADN nase n'appréciera pas. Pas réussi à les "hétéroiser"! Pfff! Punition divine, ma SEP?  Je déconne...)

Si je mentionne T., c'est parce que c'est lui qui m'a entraînée dans une randonnée par monts et par vaux pour voir un monument teuton consacré à la mythologie germanique (Hermanns-Denkmal dans le Teutoburger Wald:
ICI: CLIC!) érigé dans la forêt de sa région où j'étais en visite, dans sa famille, et que j'y suis tombée...
Fatigue soudaine, jambes de coton, pieds qui ne sentent pas le sol ou très peu, jambes qui se dérobent, perte d'équlilibre, vertige... J'ai eu chaud et m'en tirerai avec quelques égratignures et écorchures superficielles. T. en sera d'ailleurs tellement traumatisé qu'il me fera jurer de ne pas raconter à ses parents qu'il m'a emmenée et que je suis tombée... Le début de ma satanée empêcheuse de profiter? La suite?

Voilà pour les souvenirs d'avant l'année fatidique du crash...

***EMOTION à l'écriture: souvenirs douloureux de la petite enfance, heureux quand il s'agit de l'école, de la cour de mon quartier... Les premiers émois amoureux, tout doux... Le théâtre: j'ai failli, sur un coup de tête, monter à Paris à la suite des compliments récoltés, puis la maladie de maman, traumatisme, la fac, époque bénie, Kiel... Les photos, je les regarde actuellement. Inpubliables, pas d'autorisation. Dommage!
Au prochain "épisode", l'année fatidique: 1998... Les pépins arrivent...



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