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Les vingt ans de la Constitution haitienne de 1987 et le Projet d’Amendement.

Publié le 11 avril 2007 par 509
Par Robert Benodin
Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, Madame Mirlande H. Manigat une spécialiste de droit international, une constitutionaliste connue et respectée qui va nous entretenir sur les sujets suivants :
Les vingt ans de la Constitution de 1987 et le Projet d’Amendement.
Mirlande H. Manigat, nous vous souhaitons la bienvenue sur les ondes de Radio Classique Inter.
Robert Bénodin : La Constitution de 1987 établissant un régime semi parlementaire avec une architecture complexe, les Collectivités Territoriales, manifeste deux volontés politiques :
-Celle de mettre fin au régime présidentiel.
-Celle de décentraliser de déconcentrer et de décloisonner la gestion des affaires de l’Etat.
Dans votre entrevue au journal Le Matin, vous avez dit : «Nous avons placé la barre très haut et nous avons des difficultés à suivre par la suite. »
-La barre est-elle très haut par rapport au calibre de ceux qui ont été placés aux sommets de l’Etat au cours de ces 20 ans ?
-Ou est-ce par rapport à notre culture politique ?
Mirlande H. Manigat : Ca fait plusieurs questions en une seule. Ou alors plusieurs aspects d’une même question. Quand j’ai dit, nous avons placé la barre trop haut, je ne voulais pas dire que j’avais participé à l’élaboration de la Constitution. Je profite pour faire cette mise au point. Car souvent on fait cette confusion. On pense que j’ai été constituante. Je n’ai pas participé à l’Assemblée constituante qui a élaboré la Constitution de 1987. Je suis constitutionnaliste . Et quand je dis nous, c’est une sorte d’appropriation collective. Parce que nous avons voté cette Constitution.
Pour mon parti le RDNP j’ai suivi les travaux de la Constituante. Nous avons envoyé des observations, des suggestions des critiques. Car les débats de l’Assemblée étaient retransmis en direct, par la Radio Nationale. Nous avons fait même mieux que cela. Je suis très fière de dire que c’est le RDNP qui avait envoyé le Préambule de la Constitution. Et les membres de l’Assemblée ont accepté ce Préambule. Ils ont simplement ajouté une référence à la Déclaration d’Indépendance de 1804 et à la Déclaration universelle des droits de l’homme.
D’abord l’aspect Régime Politique, C’est vrai que mise à part les trois expériences de nos monarchies, de Jacques Ier , d’Henri Christophe et de Faustin Soulouque, nous avons eu un régime présidentiel. D’un présidentialisme très fort, qui a d’ailleurs commencé avec Pétion. Et un Présidentialisme qui a dépendu largement du caractère de ceux qui gouvernaient. mais globalement nous avons eu le régime présidentiel.
Après l’expérience des Duvalier on a estimé qu’il était souhaitable de rééquilibrer les choses. Même si dans le passé à différents moments de l’histoire politique du pays, il y a eu ces tentatives de rééquilibrage. J’ouvre une parenthèse pour dire que malheureusement nous autres citoyens haïtiens, nous ne connaissons pas suffisamment notre histoire. Dans le passé il y a eu en 1843, en 1867, en 1879, en 1946, des tentatives de rééquilibrage. Mais cependant, il y a eu évidemment les 29 ans des Duvalier qui ont assombri l’histoire politique du pays. Et la tendance générale du pays et de la population, c’était, il faut introduire dans la Constitution des normes qui limitent le pouvoir présidentiel. Très bien.
Cependant, non seulement qu’on a affaibli le pouvoir présidentiel, mais on n’a pas laissé le président de la République sans pouvoir. Mais d’un autre coté vous avez parlez de Parlement omnipotent, ou c’est moi qui interprète. C’est vrai la Constitution donne de large pouvoir au Parlement. Et la Constitution aussi a introduit le phénomène de la décentralisation, sur lequel je reviendrai.
Mais le régime que nous avons est bâtard. Il n’est ni présidentiel ni parlementaire. S’il était parlementaire, par exemple on aurait un équilibre entre le droit de censure du Parlement de l’activité du gouvernement, premier ministre et ministres. Mais en revanche, le droit de dissolution du Parlement par le pouvoir exécutif. Donc ce n’est pas un régime parlementaire. Et ceci est dommage, parce que nous avons quelque chose d’hybride. Et le Parlement a des pouvoirs exagérés. Heureusement que les parlementaires n’ont pas su, ou n’ont pas pu, ou n’ont pas su comment, utiliser ce pouvoir exagéré. Et ça nous laisse avec un système qui mérite d’être assaini.
Je crois que la première démarche qu’il conviendrait de faire, en cas de révision constitutionnelle, serait d’assainir. Ou il est présidentiel avec des gardes fou. Ou il est franchement parlementaire. Ce n’est pas le cas.
En ce qui concerne la décentralisation. D’abord il y a des institutions de la décentralisation qui ne sont pas nouvelles. Le Conseil municipal existe depuis le XIXe siècle. On avait des CASER avant. On les a transformé en CASEC. Cependant la Constitution a créé des institutions. Et ces institutions sont largement vides de pouvoir. Car quand on dit que la commune est autonome, il faut constater que la commune n’a pas les moyens d’être autonome, ne serait-ce que sur le plan financier. En dehors des 4 Communes de la zone métropolitaine, aucune Commune ne peut subvenir à ses besoins. Et ces communes là dépendent du ministère de l’intérieur donc de l’Etat, même pour payer les salaires du maire et de ses deux assesseurs. Donc nous devrions penser la décentralisation qui est une approche démocratique de la gestion de la chose publique, avec l’esprit qui implique l’effort de prise en charge par les populations elles-mêmes de leurs problèmes.
Mais nous devrions penser la décentralisation en termes plus modestes. C’est pourquoi j’ai dit que nous avons mis la barre trop haut. C'est-à-dire que nous avons construit un échafaudage, 565 CASEC, 565 ASEC, 140 Conseils municipaux, 140 Assemblées communales, 10 Conseils départementaux, 10 Assemblées départementales et finalement un Conseil interdépartemental. Tout ceci c’est beau sur le papier. Mais concrètement, cela ne correspond pas à la vérité de notre situation de peuple, la vérité de la situation du pays. Donc, c’est dans ce sens que j’ai parlé de barre mise trop haut. Il nous faudrait être plus modeste.
La décentralisation a besoin de l’intervention de l’Etat pour l’amorcer. On reproche à l’Etat d’être prédateur, la République de Port-au-Prince. Je suis d’accord. Mais cependant, multiplier des institutions qui ne peuvent pas fonctionner, ce n’est pas non plus résoudre ce problème fondamental que nous avons et qu’on peut exprimer dans la volonté, dans la nécessité de permettre de plus grandes participations de la population à la gestion de ses propres affaires.
Vous me demandez si parce que ce sont les hommes. Bien entendu, parce que construire un système dans un cadre démocratique, ou à vocation démocratique, construire les mécanismes de la décentralisation, cela suppose effectivement la participation des individus. Et il y a quand même une vérité qu’il faut souligner. Quand on parle de Démocratie par exemple, il y a Démocratie quand il y a des institutions, une Constitution etc. Mais il n’y a pas de Démocratie sans Démocrate. De même que pour pouvoir construire l’Etat, un Etat moderne, un Etat responsable, un Etat fonctionnel et construire aussi les mécanismes de la décentralisation, il faut des hommes. Et nous n’avons pas de personnel politique pour assumer ces taches là. Ce qui est une évidence.
RB : Très controversé, le projet d’amendement de la Constitution soulève aussi de grandes appréhensions. Du nombre desquelles nous retenons 5 :
-La volonté du gouvernement d’avoir une nouvelle Constitution.
-L’abolition de l’Armée.
-Le changement du mandat présidentiel.
-La mise au rancart des modalités du Titre XIII concernant le processus d’amendement.
-La proposition de la 3e République.
Nous aimerons avoir votre opinion sur chacune de ces appréhensions.
MHM : Je ne sais pas ce que le pouvoir a en tête. Il faudrait demander au gens de pouvoir ce qu’ils ont en tête. Je dirais le fait de soulever dès maintenant la question des amendements constitutionnels ou des modifications constitutionnelles, d’une part, c’est tout à fait normal, c’est naturel. Mais d’un autre coté, étant donné le peu de confiance que l’on a dans ce pouvoir, cela soulève des appréhensions comme vous dites. En ce qui concernent les modalités, en ce qui concerne une nouvelle Constitution. Moi personnellement, tout le monde sait que je suis partisane d’un nouvelle Constitution. Cependant, je dis deux choses : La première est que je n’ai rien contre les amendements à condition qu’on respecte la procédure. De l’autre je n’estime pas en toute sincérité, disons en toute responsabilité que le climat est propice pour la réunion d’une nouvelle Assemblée Constituante, pour préparer une nouvelle Constitution. Je crois que le moment n’est pas propice. Définitivement pas propice. Et je ne recommande pas. Je maintiens toujours mon option d’une nouvelle Constitution. Mais je maintiens aussi que le moment n’est pas propice.
Les gens pensent aux modifications de la Constitution sur deux points essentiels. L’article 15 sur la double nationalité et la douzaine d’articles qui concerne les Forces Armées, que certaines personnes voudraient voir effacer de la Constitution. Car juridiquement les Forces Armées existent, même si fonctionnellement elles n’existent pas. Et les gens ne se préoccupent pas des autres aspects de la Constitution qui sont tout aussi importants.
Maintenant la 3e République, c’est vite dit. C’est vraiment une imitation inappropriée du vocabulaire français en ce qui concerne, on a eu la 3e, la 4e et maintenant nous sommes dans la 5e République en France. Et les gens parlent en France de la 6e République. Je pense que la 3e République, si on considère cela comme un habillage pour dire, il nous faut un autre système politique. Pourquoi pas ! Mais cependant ce dont on parle plus c’est de la question du système fédéral que certaines personnes voudraient voir installer dans le pays. Mais en tout cas
RB : Quel est le changement que l’on doit porter pour avoir un système fédéral ?
MHM : Un chambardement total. Et moi je ne suis pas d’accord et c’est absolument catégorique. Je ne pense pas que ce soit là la meilleure voie pour apporter des solutions à nos problèmes, nos problèmes politiques, sociaux et économiques. Ca je ne suis absolument pas d’accord, ne serait-ce parce que on constate qu’il y a des pays qui ont un régime fédéral, mais c’est une résultante. C’est le résultat de l’histoire, de leur histoire. Il n’a jamais été question pour l’Allemagne quand elle s’est formée en 1871 d’avoir autre chose qu’un système fédéral. Il n’a jamais été question pour les Etats-Unis quand les Américains ont pris leur indépendance 1776 d’avoir autre chose qu’un système fédéral, étant donné le fait que les Etats existaient déjà. Maintenant vous allez créer ex nihilo à partir d’un territoire. Ce n’est pas parce qu’il est petit. La Belgique et la Suisse sont un peu plus grandes que nous. Mais cependant ils ont aussi un régime fédéral. Ce n’est pas à cause de cela. Je pense qu’ainsi nous aurions multiplié les difficultés. Donc moi je ne suis pas d’accord. Mais on parle de 3e République. Encore une fois c’est un habillage commode pour parler d’un nouveau régime, pourquoi pas. En tout cas en Haïti, je crois que les gens mettent l’accent sur ces deux questions : La double nationalité et l’effacement ou la disparition juridique des Forces Armées.
RB : Etes-vous d’accord sur la nécessité d’avoir un conseil constitutionnel, comme c’est le cas pour beaucoup de régimes Démocratiques ?
MHM : Absolument, et je dis à mes étudiants que je caresse deux rêves : Le premier c’est d’être en mesure de participer à une Assemblée constituante, mais pas dans n’importe quelle condition, bien entendu. Et le second c’est qu’il y ait un conseil constitutionnel dans le pays. Ca je suis tout à fait d’accord.
Parce que les modalités sont différentes, les formules sont différentes, les titres, les noms aussi sont différents. Aux Etats-Unis la Cour Suprême est à la fois Tribunal de Cassation et Conseil constitutionnel. En France nous avons un Conseil à part. En Allemagne nous en avons. En Afrique nous avons des pays qui ont des Conseils constitutionnels. Un pays comme le Bénin a peut être le meilleur Conseil constitutionnel sur le continent. Et on peut être fière, car ce Conseil est dirigé par une femme qui est d’origine haïtienne, madame Conceptia Ouinsous. C’est une femme qui jouit d’une très grande compétence, d’une très grande crédibilité et d’un très grand respect.
Les pays développés ont ce Conseil, ou un tribunal constitutionnel, quelque soit le titre, et des pays sous-développé s ont aussi un organisme chargé d’apprécier la conformité de tous les actes juridiques. Qu’il s’agisse d’une loi, qu’il s’agisse d’un décret présidentiel, qu’il s’agisse d’une sentence d’un tribunal, pour résoudre une question, leur conformité à la Constitution. Et un Conseil constitutionnel de ce genre nous aurait évité, toute l’histoire que nous avons eu avec le cas Siméus l’année dernière. Si nous avions un Conseil Constitutionnel. Mais attention, il faudrait qu’il soit formé de gens compétents et que ce conseil soit conçu pour être rigoureusement indépendant des trois pouvoirs, pouvoir exécutifs, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire. Mais moi personnellement, je pense qu’il y a possibilités de créer un tel Conseil en Haïti. Il faut d’un amendement constitutionnel, ou une autre Constitution.
RB : Après 20 ans d’existence, la Constitution n’est pas encore fonctionnelle. Il y a des tas de lois d’accompagnement pour la Constitution qui n’ont pas été adoptées. Telles que :
-Celles gérant les Collectivité Territoriales ;
-Celles qui doivent assurer l’autonomie et l’indépendance du pouvoir judiciaire ;
Etc.
Ne pensez-vous pas que l’adoption de ces lois aurait dû être une urgence ?
MHM : Absolument, une priorité, pour mettre en œuvre la Constitution on a besoin d’une cinquantaine de lois. Mais les cinq législatures qui se sont succédés jusqu’ici, n’ont pas fait preuve d’une grande vigueur dans ce domaine. Très très peu de lois ont été adoptées. Alors que la principale fonction du Parlement, c’est d’adopter des lois. Rien que pour la mettre en œuvre, je ne parle même pas pour moderniser des institutions, pour engager le pays dans la voie du développement économique et sociale, on a besoin de bonnes lois. Je ne parle même pas de cela. Rien que pour mettre en œuvre la Constitution, nous avons besoin de lois. Mais cela n’a pas été fait. Alors que c’était effectivement une priorité.
RB : Mais pourquoi a-t-on négligé d’adopter ces lois ?
MHM : Parce que je crois que les parlementaires qui ont formé les législatures ont été d’avantage préoccupés par une autre fonction qu’ils interprètent d’ailleurs en termes très abusifs, le contrôle de l’activité gouvernementale. Alors que le mot même, législatif ça vient de lex, loi qui a donné son nom à ce pouvoir, c’est de faire des lois. Les lois, si vous prenez un pays comme la France le nombre de lois qui sont adopté chaque année. Evidemment chez nous il y a peut être des difficultés d’ordre technique. Parce que les principales lois dont nous avons besoin réclament une expertise technique qu’un parlementaire n’a pas nécessairement. Et le pays n’a pas les moyens de donner à chaque parlementaire un petit cabinet de collaborateurs, d’experts. Mais le pays pourrait avoir auprès de la chambre des députés et auprès du sénat un groupe d’experts qui renseigneraient les parlementaires sur certains aspects techniques des lois.
Si vous voulez faire une loi dans le domaine agricole, il vaut mieux quand même avoir des experts en la matière. Pour faire une loi sur l’environnement, il vous faut des gens qui sont compétents en matière d’environnement etc. Le pays pourrait quand même avoir ce groupe d’experts, non pas rétribués par le Parlement, mais simplement qui seraient là. Et à l’occasion qui seraient chargés d’aider les parlementaires à fabriquer techniquement des lois. Jusqu’ici cela ne semble pas être la préoccupation essentielle.
RB : Il y a-t-il dans le corps législatif des constitutionnaliste s compétents et combien sont-ils ?
MHM : Je ne crois pas que dans le Parlement actuel il y ait des constitutionalistes . Des Constitutionaliste, cela veut dire des gens qui connaissent la Constitution. Et en suite qui se préoccupent de préserver en tout et partout l’application de la Constitution. A entendre parler certains, on peut penser qu’ils ont un vernis. Mais je ne suis malheureusement pas certaine que la majorité des parlementaires actuels soient vraiment très imbus des exigences de la Constitution. S’il en existe, ils devraient se manifester plus souvent. Parce que leurs voix pourraient faire la différence avec parfois ce concert d’inepties que les parlementaires débitent. Je suis désolée de le dire. Je suis parfois étonnée et même effarée par les déclarations faites par des parlementaires qui visiblement ne connaissent pas la Constitution.
RB : Dans votre livret publié en mars 1995 « Plaidoyer pour une nouvelle Constitution, vous avez dit que l’Amendement comporte 3 types d’intervention classiques :
- La Suppression,
- La Modification
- L’incorporation.
Pouvez-vous élaborez un peu sur ces 3 types d’interventions ?
MHM : La suppression, il y a des articles qui sont obsolètes. Ou qui sont double dans la Constitution. Qui pourraient être supprimés. Je pense par exemple à un article qui dit qu’on ne peut pas empêcher à l’Haïtien de quitter son pays et de revenir. Et que l’Haïtien n’a pas besoin de visa pour quitter son pays ou pour y revenir. C’est un petit peu anachronique et inutile. Dans la mesure où nous avons la liberté de circulation.
Mais, son incorporation était compréhensible, dans le climat de l’après Duvalier. Car les gens doivent se souvenir que sous les Duvalier, on ne pouvait pas quitter librement le pays. Et si on voulait revenir au pays il fallait un visa à prendre auprès d’un consulat haïtien à l’étranger. C’est cette affaire, par exemple pour ceux qui devaient partir, l’affaire de « nom ou décen, ou nom ou pas décen ». Car c’était au palais national qu’on donnait le feu vert ou le veto. Voilà un article qu’on pourrait aisément supprimer. Il y en a d’autre aussi dont on pourrait faire la suppression.
Il y a la modification d’articles qui sont mal écrits et c’est ambigu. Parce que la Constitution est fondée sur un principe fondamental en droit constitutionnel. C’est que la lettre prime l’esprit. Ce qui importe, ce n’est pas ce que les constituants avaient à l’esprit, c’est ce qui est écrit. L’écrit doit être dénué de toute ambiguïté. Le langage du droit est précis. Le langage du droit est catégorique. Et si effectivement la lettre doit primer l’esprit, il faut que les articles soient bien écrits. Il y en a qui ont besoin d’être réécrits.
L’incorporation signifie, l’introduction dans la Constitution, l’intégration dans la Constitution de normes nouvelles. Que ce soit au niveau des institutions, que ce soit au niveau d’autres nécessités que réclame la conjoncture. Donc les 3 formes, ce sont les trois formes classiques d’amendement constitutionnel.
RB : La Constitution a été plus violée que respectée, et ses normes, aussi bien que ses principes traditionnels, que ses audaces novatrices sont restés lettre morte.
Est-ce parce qu’elle est inappropriée ou parce qu’elle est défaillante ?
MHM : On a tendance à dire effectivement que la Constitution est trop avancée. Moi personnellement, j’ai pensé qu’il y a eu des audaces qui ne sont pas réalisables. Ce n’est pas la première fois. On connaît le mot d’un constituant de 1843 qui en remettant la Constitution au président Rivière Hérard, lui a dit : « Monsieur le président je vous remet le petit monstre. » C'est-à-dire que les constituants savaient bien que certains aspects étaient inapplicables. Il faut toujours faire attention à respecter quand même la possibilité d’application d’un texte. On peut avoir un texte magnifique sur le plan juridique, il faut faire un exercice de simulation pour voir est-ce que cette norme que je suis en train d’écrire, que nous sommes en train d’approuvé, est-ce qu’elle est applicable dans le pays, dans les conditions que nous connaissons ?
C’est vrai que la Constitution ne doit pas totalement refléter les insuffisances de la société. La Constitution a une valeur pédagogique aussi, pour entraîner la société. Mais il faut essayer d’observer ce que mon mari, Leslie, aime bien, un mot qu’il aime bien employer, le dosage. Entre ce que l’on souhaiterait pour le pays et ce qui est possible. Ca, il n’y a pas de doute à ce sujet.
Mais, pour ma part, je ne crois pas que même si la Constitution était parfaite, en termes d’équilibre juridique, en termes de normalité, la Constitution aurait été quand même violée. Car son respect ne dépend pas de ses qualités. Son respect dépend de la volonté des hommes qui l’utilisent de l’appliquer. Ca, il n’y a pas de doute. Cependant, encore faut-il que le texte lui-même ne prête pas à controverse, ne prête pas à confusion. Ce n’est pas la faute de la Constitution, si elle est violée.
RB : Pourquoi la Constitution doit demeurer comme une référence sérieuse dans le sens de la sereine suprématie plutôt que sous la forme de sacralisation qui l’expose au martyre ?
MHM : Je dirais que la suprématie est une exigence du droit. Car la Constitution est placée au sommet de tous les textes juridiques. On l’appelle la loi mère. Cela veut dire que tout ce qui se décide en termes juridiques dans le pays doit être conforme à la Constitution. Et c’est cela que j’appelle la sereine suprématie. Mais je dis qu’il ne faut pas la sacraliser. C'est-à-dire, la Constitution n’est pas faite une fois pour toute. Toute Constitution prévoit les modalités de son amendement. Donc elle-même, elle dit, j’ai conscience en quelque sorte. Si on pouvait la personnaliser, elle dirait, j’ai conscience que je correspond à un moment particulier du pays. Mais cependant, ce moment va changer et ce sera peut être nécessaire de me modifier. Il ne faut pas la sacraliser, comme si elle était intouchable. Elle n’est pas intouchable. Il faut qu’on la modifie. Mais il faut quand même lui conserver cette position de suprématie. Car tout se ramène à elle. Tout, absolument tout, une décision de justice, un arrêté municipal, un décret présidentiel, une loi, tout doit être conforme à la Constitution.
RB : On ne décrète pas un «Etat de Droit » comme un édit, on exprime la volonté constante de la maintenir.
Pourquoi ?
MHM : Oui, parce que l’état de droit, c’est comme les gens qui répètent que nous sommes en Démocratie. Ce n’est pas vrai. Non seulement que ce n’est pas vrai. La Démocratie n’est pas un état, ce n’est pas une situation. C’est un processus. Et un processus qui est lent à construire. Et un processus extrêmement fragile. Car un régime démocratique peut être balayé en une nuit.
L’état de droit c’est quoi ? L’état de droit, c’est la volonté des dirigeants et des dirigés de se comporter en tout et partout conformément à la loi, et en particulier conformément à la Constitution. C’est aussi une construction. Car la tendance, la tentation naturelle aussi bien de dirigeants que de gouvernés est de ne pas respecter la loi, et de ne pas respecter la Constitution. Donc l’état de droit est fragile.
Et j’ajoute aussi, quelque chose qui est pour moi très importante. C’est quand on parle de raison d’état. On prend telle décision au nom de la raison d’état. La raison d’état est le contraire de l’état de droit. L’état de droit est exigeant. La raison d’état est laxiste. On peut trouver n’importe quelle justification pour un acte inacceptable, en invoquant la raison d’état. Je fais telle chose au nom de la raison d’état. Autrement dit, je peux me dispenser d’appliquer la loi. Tandis qu’au contraire, l’état de droit exige qu’on respecte la loi et la principale loi dans un pays. C'est-à-dire la Constitution.
RB : L’article 87.4 évoque la Décentralisation, la Déconcentration et le Décloisonnement.
Pouvez-vous différenciez ces 3 termes pour nous ?
MHM : La déconcentration nous l’avons déjà, nous l’avons toujours eu. On pourrait avoir aussi la délocalisation. Ce sont des méthodes qui ont été appliqués, qui ont été conçues pour être appliquées dans le cadre d’un Etat unitaire. Si on estime qu’il y a eu une trop grande concentration de pouvoir dans la capitale.
La déconcentration c’est quoi, c’est le fait que pour des différents départements ministériels, par exemple, d’avoir des antennes dans les Département, dans les Communes et peut être même dans les Sections communales. La Déconcentration, si vous voulez, c’est le partage de compétence à partir du centre de la capitale avec des antennes. Mais ces antennes là sont liées aux structures de la capitale. Ca c’est la déconcentration.
Le Décloisonnement, qui peut être assimilé à la Délocalisation, consiste tout en maintenant le caractère unitaire de l’Etat à délocaliser, à transporter un service de l’Etat de la capitale vers une ville de province. C’est comme si on disait qu’on prend la DGI, on la transporte au Cap. Donc le Cap devient le siège de la DGI. Mais la DGI continue à fonctionner comme quand elle était à Port-au-Prince. Ca signifie, d’essayer de briser un peu le monopole des activités de l’Etat qui sont concentrées à Port-au-Prince.
La Décentralisation, c’est autre chose. C’est le fait que l’Etat accepte que certaines de ses fonctions ne soient plus assumées par ses instances déconcentrées, mais par des instances locales. C’est-à-dire que ce sont les habitants à différents niveaux, que ce soit le Département, la Commune ou la Section communale qui élisent leurs représentants, qui élaborent et assument certaines responsabilité s. Par exemple de voirie de maintien de l’ordre etc. à condition évidemment que les instances de la Décentralisation disposent de moyens. Et c’est ça le grand problème, qui fait que la Décentralisation demeure en panne en Haïti. Car les instances de la Décentralisation n’ont pas de moyen.
Parce que si vous prenez une commune, quelles sont les sources de revenues ? Il y a l’impôt locatif, qui est mal nommé d’ailleurs. L’impôt locatif qui représente 80 à 85% des ressources communales. Et vous avez les taxes sur les marchés. Les Communes doivent avoir un service de cadastre. Doivent avoir un service qui leur permet de savoir combien de maisons sont bâties. Est-ce que ces maisons sont louées ou habitées par leurs propriétaires etc. Donc avoir des services administratifs d’inventaire des sources de revenue. Même sans cet inventaire, ont peut constater quand même que la plus part des Communes, n’ont pas de ressource. Et elles dépendent de l’Etat, ne serait-ce que pour payer le maire et les maires adjoints et un petit service municipal. Ne parlons pas des CASEC. Ils sont complètement démunis.
RB : Pour la Diaspora, dont les transfères annuels dépassent la totalité de toute l’aide étrangère combinée reçue par Haïti, plus d’un milliards de dollars,
-la double nationalité,
-le droit de vote,
-le droit à la candidature,
-le droit à une représentation ayant droit de vote au parlement,
sont une liste non exhaustive d’amendements qu’elle désire.
Qu’en pensez-vous ?
MHM : Je crois qu’il faut distinguer, la double nationalité des conditions d’éligibilité. La double nationalité c’est quoi ? Vous êtes citoyen dans deux pays. Et vous avez par exemple dans le domaine politique, vous avez le droit de vote dans deux pays. Mais sur ce point là, il faut bien faire comprendre à nos compatriotes de l’extérieur, que même si on supprime l’article 15, qui interdit la double nationalité, ils ne pourront pas immédiatement voter. Car cela suppose des aménagements préalables. Et en tout état de cause, les haïtiens vivant à l’étranger, jouissant de la double nationalité, ne pourraient voter que pour des élections présidentielles, pas pour les autres élections. Comme cela se passe dans d’autres pays. En France on va avoir des élections, tous les Français qui vivent à l’étranger vont pouvoir voter pour les élections présidentielle, mais pas pour les élections législatives. Car ils ne sont pas rattachés à une circonscription.
RB : Mais l’Italie vient d’établir quelque chose. Les Italiens vivant à l’étranger peuvent voter pour des représentant d’Italiens vivant à l’étranger, qui siégent dans le parlement italien.
MHM : J’allais venir à ça. Maintenant le principe de la représentativité . Avant le principe de la représentativité , il y a les conditions d’éligibilité. La question qu’il faut se poser, est-ce que les Haïtiens de l’intérieur et de l’extérieur trouveraient normal que quelqu’un qui a la double nationalité, soit président d’Haïti ? Quand on parle de la nationalité il ne faut pas seulement voir la double nationalité. Il faut voir les conditions établies par la Constitution pour être président, pour être sénateur, pour être député, pour être ministre, pour être membre d’un CASEC ou de conseil municipal. Les conditions sont différentes. Et il y a en Haïti par exemple des gens qui sont tout à fait favorable à la double nationalité, mais qui voudraient qu’on maintienne les conditions de nationalité nécessaire pour être candidat à la présidence ou à une fonction parlementaire. Ca c’est le deuxième aspect.
Troisièmement, la représentativité , ça c’est autre chose. Nous autres du RDNP depuis que nous avons publié Changer la Vie, nous avons proposé qu’il y ait un mécanisme de représentativité des Haïtiens vivant à l’extérieur. Nous l’avons proposé. Et nous avons dit qu’un des models, c’est le model français. Au sénat français, il y a une douzaine de sénateurs qui représentent le Français de l’étranger. Je ne dis pas que ce soit ce model que nous devons adopter. Il y a d’autres models. La Pologne en a un. L’Italie en a un. Et avoir la possibilité d’une représentation des Haïtiens vivant à l’extérieur au Parlement. Moi je suis tout à fait d’accord. Il s’agit de définir les mécanismes de représentation à cet effet.
Moi je vais même plus loin. Je souhaite quelque chose. Je souhaite que les Haïtiens vivant à l’extérieur aient une représentation au sein des Conseils municipaux. Que le Conseil municipal soit élargi. Qu’il y ait bien un maire et deux maires assesseurs, pas de problème. Mais que la notion de Conseil municipal soit élargie. Et que l’on permette aux Haïtiens qui sont regroupés dans des associations très dynamiques parfois. Les associations originaires de Croix-des-Bouquets, de Petit-Goâve, de Miragoâne etc. Ce sont des associations qui existent et qui fonctionnent. Et les Haïtiens vivant à l’extérieur avec raison reprochent à ceux de l’intérieur de recourir à eux, quand il faut acheter une nouvelle cloche pour l’église, il faut refaire la clôture du cimetière. Autrement dit, on les considère comme des vaches à lait. Mais moi je plaide personnellement pour que dans la Constitution il y ait l’introduction d’une possibilité. Il ne s’agira pas de faire du « Voyer Monter ». Qu’il s’agira de bien penser les mécanismes dans ce sens. Comment assurer pour une commune, la Commune de Jacmel par exemple, la représentation des Haïtiens qui vivent à l’extérieur et qui sont regroupés dans des associations des originaires de Jacmel. Mais quand on parle de cette question là, à mon avis il faut distinguer les trois choses : D’une part la double nationalité, de l’autre les conditions d’éligibilité au différentes fonctions et troisièmement les possibilité de représentation des Haïtiens de l’extérieur.
RB : Pensez-vous que l’on devrait changer les modalités d’introduction, d’adoption et de mise en application des amendements constitutionnels ?
Si oui, qu’est-ce que vous proposez ?
MHM : Pour changer la procédure d’amendement dans la Constitution, qui est un labyrinthe, il faut changer de Constitution. On ne peut pas amender la procédure d’amendement. Pour avoir une autre procédure, il faut avoir une autre Constitution. On l’a dit à partir d’une préoccupation qui est juste. Mais avec des références historiques qui sont fausses. On a dit, il ne faut pas qu’un président au pouvoir puisse amender la Constitution. Il y a eu très peu d’amendement dans notre histoire. Nous avons 22 Constitutions. Très peu de nos Constitutions ont été amendées. Et sous les Duvalier nous avons eu deux amendements majeurs. Nous avons eu en 1971 un amendement à la Constitution de 1964, pour abaisser l’age de la majorité civique et civile à 18 ans pour que Jean Claude Duvalier puisse succéder à son père. Puis en 1985 nous avons eu un amendement à la Constitution de 1983, la création du poste de premier ministre. Ce n’est pas celle de 87 qui l’a créé. C’est l’amendement de 1985 apporté à celle de 1983. Le fait est que le président Jean Claude Duvalier n’a jamais nommé un premier ministre. Donc, on a toujours l’impression que c’est la Constitution de 1987 qui l’a créé. Mais dans le passé, sous les Duvalier il n’y a pas eu des amendements, pourquoi ? Parce que le Parlement a été tellement sous contrôle, que chaque six mois, le Parlement accordait les pleins pouvoir à Duvalier. Donc, il n’y avait pas de raison d’amender les Constitutions. Et dans le passé, nous n’avons pas eu énormément d’amendement. Donc je comprends la préoccupation. Mais cependant, on a été trop loin. C’est-à-dire qu’on a rendu l’amendement quasiment impossible. Je suis tout à fait d’accord qu’on garde les préoccupations, mais qu’on assouplisse les mécanismes.
RB : Quand au mandat présidentiel, on a deux mandats non consécutifs de 5 ans.
Pensez-vous qu’on doit le maintenir ?
MHM : Non ! Personnellement, on devrait permettre la réélection immédiate. Mais réduire le nombre de mandats possibles. C’est le model un peut latino-américain. Ce n’est pas pour la première fois que dans une Constitution qu’on ait introduit ça, qu’il faut attendre un délai, avant que celui qui est au pouvoir puisse se présenter. En Amérique latine c’était le cas. Jusqu'à récemment d’ailleurs. Personnellement je pense que limiter le pouvoir du président de la République, empêcher que nous ayons une nouvelle dictature, c’est louable. Je suis tout à fait d’accord. Il faut introduire les mécanismes. Il faut se dire quelque chose, même en 5 ans quelqu’un peut être dictateur. Ce n’est pas, ne pas permettre la réélection qui peut donner la garantie que la personne ne sera pas un dictateur. Il faut des gardes fous. Malheureusement notre histoire, est rempli de dictateurs. Et peut être aussi parce que, et c’est ma conviction, les citoyens toutes classe sociales confondues, ça veut dire quelque soit la classe sociale. Ils ne sont pas naturellement des démocrates. Autrement dit, il y a une culture de la Démocratie, ou un apprentissage de la Démocratie que nous devons faire. Et ce qui peut nous permettre d’atteindre un degré de démocratisation. C’est bien entendu d’avoir une Constitution bien construite. Et je le répète, la Constitution aurait pu être parfaite, qu’on l’aurait quand même violée. Il y a un travail à faire à différents niveaux. A niveau juridique, une bonne Constitution, au niveau de l’éducation de la population. Cette éducation commence par l’instruction de la population, au niveau de la vigilance citoyenne. Cela veut dire que les gens qui sont au pouvoir puissent savoir que les citoyens organisés sont là, pas seulement les partis politiques. Bien entendu les partis politiques sont partis prenantes en quelque sorte du jeu démocratique, mais des associations. Il y a une vigilance démocratique, une vigilance citoyenne qui empêche la dérive démocraticide, c’est entendu. Moi je ne pense pas que cette limitation soit la garantie qu’il n’y aura pas un dictateur. Il faut autre chose. Je suis d’accord pour la réélection immédiate.
RB : Ce genre de garde fou utilisé par l’Amérique Latine, que nous utilisons maintenant, quel est le résultat d’une telle chose ?
MHM : En Amérique Latine plusieurs pays ont aboli cela. Le Venezuela par exemple. Au Venezuela c’était la norme. Le président ne devait pas attendre 5 ans. Il devait attendre 10 ans avant de se présenter. C’était ça dans la Constitution du Venezuela.
RB : La Constitution de 1987 a établi un nouveau régime politique, semi parlementaire, où les rapports de pouvoir sont modifiés. Il y a un Conseil électoral indépendant, un Parlement omnipotent, un Exécutif bicéphale et des collectivités territoriales sur lesquelles repose toute l’architecture du nouveau régime.
Pourquoi, jusqu'à présent ce régime n’est pas encore établi ?
MHM : Parce qu’il est bâtard. Ce n’est pas la seule raison. Ce régime est bâtard. Il faut que nous réfléchissions sérieusement. Est-ce que nous voulons un régime présidentiel, mais assorti de gardes fous ? Pour empêcher justement qu’un homme au pouvoir confisque le pouvoir, applique la dictature. Ou alors, nous voulons un régime parlementaire. Je crois qu’il faut quand même assainir le système. Nous n’avons pas les avantages des deux, mais les défauts des deux, dans le systeme que nous avons actuellement. Je crois que nous avons besoin d’une rectification sérieuse à cet égard.
RB : Mais connaissant la culture politique haïtienne, lequel des deux pourrait être plus pratique ?
MHN : Mois je penche pour le régime présidentiel. Parce que il est beaucoup plus évident. Il est beaucoup plus clair. Et en suite parce que c’est la tradition. Cependant je reconnais qu’il y a des maux du système présidentiel, lorsque il n’y a pas des gardes fous. Et ces gardes fous ne sont pas seulement constitutionnels. J’insiste beaucoup là-dessus. Je crois beaucoup dans l’équilibre des pouvoirs, bien entendu, prescrit par la Constitution. Mais je crois beaucoup en la capacité de la population d’organiser, d’exercer cette vigilance. De sorte que la personne qui est au pouvoir sait qu’elle ne peut pas faire n’importe quoi. Et que la sanction viendra. Evidemment dans un systeme démocratique, la sanction lors des prochaines élections, soit lui-même, soit une personne qu’il recommande, ne sera pas élu. Mais je crois pour ma part qu’il faut d’autres mécanismes. Je crois par exemple en la possibilité de faire fonctionner la haute cour de justice, pour les cas de forfaiture. Moi j’opterais pour le régime présidentiel.
RB : Pensez-vous que le déséquilibre entre les pouvoirs soit la cause de l’ingouvernabilité ? Ou est-ce la culture du régime présidentiel qui a la vie dure ?
MHM : Ce n’est pas l’équilibre des pouvoirs. Les institutions doivent être animées. Ce qu’on appelle l’équilibre des pouvoirs, c’est au fait les rapports entre le législatif et l’exécutif, dans le régime présidentiel ou dans le régime parlementaire. Je crois pour ma part, à la racine des déséquilibres, les disfonctionnements que nous avons, il faut faire intervenir le facteur personnel. Ce sont des hommes qui gouvernent mal. Ce n’est pas le pays qui est ingouvernable. Ce sont les hommes qui gouvernent mal.
RB : Mais ça vient de la culture du pays ?
MHM : Bien entendu, on n’est pas obligé de succomber à la culture. On n’est pas obligé. Il faut tenir compte de la culture pour savoir, que précisément, qu’il faut essayer d’aller à contre-courant de cette culture. Je ne crois pas que les hommes soient naturellement des démocrates. Ils ne le sont pas ! Mais cependant, il faut avoir une pédagogie de la Démocratie qui implique évidemment l’élaboration de normes, une bonne Constitution etc. Mais qui implique aussi la fermeté, l’autorité de l’Etat. Mais encore une fois attention, il faut toujours, je répète le professeur Leslie Manigat, le dosage entre la fermeté qui est nécessaire pour permettre une assise à l’autorité de l’Etat, et le respect des droits de l’homme. J’y crois profondément. Donc ni autocratisme, ni laxisme, dans le sens que chacun peut faire ce qu’il veut etc., la bamboche démocratique. Chez nous, malheureusement nous avons perdu énormément de temps, mais je crois que le redressement est encore possible.
RB : Nous avons un demi-siècle de populisme de droite et de gauche qui règne sur le pays de 1957 à 2007 ?
MHM : Il faut écarter le populisme et de droite et de gauche. Il faut les écarter. Et on ne peut pas les écarter avec seulement la persuasion, ni avec l’éducation. Il faut la fermeté. Il faut qu’il y ait des hommes au pouvoir qui acceptent de prendre des décisions impopulaires, mais toujours, et même j’insiste là dessus, dans le respect de la loi. Parce que il faut que ceux qui gouvernent ait toujours à l’esprit, qu’il y a une tentation une séduction naturelle dans l’usage de la force et de l’illégalité. Et il faut se prévenir contre ça. Car c’est très facile ce courant. On a besoin de réaliser tel objectif. On ne peut pas la réaliser par la Démocratie. On le réalise par des méthodes anti-démocratiques. Et ça, il faut avoir conscience que c’est une tentation naturelle, qu’il faut pouvoir y résister.
RB : On s’en rend contre, comment le faire ?
MHM : C’est par le dosage, entre l’éducation, la persuasion, mais aussi avec la fermeté.
RB : Ceux sont ceux qui sont aux sommets. Maintenant, on a au pouvoir des hommes qui vous disent, qu’ils veulent négocier avec des bandits ?
MHM : Il faut changer l’équipe.
RB : On a eu deux ans de transition, on est retourné au statu quo ante. On est retourné au lavalas ?
MHM : Ce n’est pas trop tard. Il faut quand même sortir du statu quo ante. C'est-à-dire, sortir de la case départ. Maintenant il faut un démarrage sur de nouvelles bases. C’est ma conviction ! Et c’est le sens de mon combat ! D’accord ?
RB : C’est sur les Collectivités Territoriales que repose toute l’architecture du nouveau régime ?
MHM : Non, non, non ! Repose la décentralisation tel qu’elle est conçue dans la Constitution, mais pas le nouveau régime. Ce qui caractérise le nouveau régime conçu dans la Constitution, c’est le rapport entre les deux pouvoirs. Ce qui caractérise un régime c’est le rapport entre les deux pouvoirs, exécutif et législatif. Les Collectivités Territoriales, ce sont les modes de gestion des intérêts de la population qui vit dans les espaces qu’on appelle Collectivités Territoriales.
RB : Vous n’êtes pas d’accord avec Moïse. Il a présenté dans l’un de ses derniers articles : « Les Collectivités Territoriales sur quoi repose toute l’architecture du nouveau régime. »
MHM : Je n’ai pas lu cet article. Là je ne suis pas d’accord ce n’est pas ça qui fait un régime. Non ! J’aimerais lire cet article pour savoir si ce propos n’est pas trop sorti de son contexte.
RB : Madame Manigat je vous remercie beaucoup pour votre participation. Nous sommes heureux de vous avoir invité. Nous sommes honoré du fait que vous ayez accepté notre invitation.
MHM : C’est notre devoir d’aider là où je peux, et partout où je peux.
RB : Vous avez un dernier mot ?
MHM : Je salue tous nos compatriotes. Je voudrais leur dire que je suis là. Je suis toujours dans la batail. Je suis à la fois une personne qui agit dans deux domaines maintenant, le domaine académique universitaire et le domaine politique. J’annonce, en particulier, que nous allons avoir notre huitième convention, ls convention du RDNP au mois d’août. Notre Secrétaire Général, Leslie Manigat se retire. Donc la compétition est ouverte. Et moi je suis candidate pour devenir Secrétaire Générale de parti.
RB : L’autre jour je parlais à quelqu’un de la présidente du Libéria qui avait fait le même geste. Elue au sénat, elle a refusé de siéger. Et maintenant elle est élue présidente.
MHM : Pas d’analogie. Je ne sais pas pour quelle raison elle a renoncé elle-même.

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