3. Le jour où je facteur émotionnel est là... (A)

Publié le 24 août 2009 par Handiady
3. Aux Etats-Unis, en Allemagne etc... on se base sur des études qui ont démontré que le facteur psychologique est important dans les maladies auto-immunes. En France, on l'affirmera dans quelques temps, quand ce sera une évidence pour le monde entier!
Je vous avait laissés à mes années fac. Années bénies, faites de rencontres, de voyages... (notamment un voyage en RDA, bien avant la chute du mur de Berlin, mémorable,où je me ferai remarquer par mes opinions politiques tranchées...)
Mon retour d'Allemagne, où je vivais de façon indépendante, fin adolescence,  m'avait transformée. Je resterai, par intermittence, auprès de ma mère. Je redemanderai et obtiendrai des bourses ou un poste d'assistante de français dans un collège allemand à Kassel (200km au Nord de Francfort), y ferai mes premières expériences d'enseignante, avec bonheur! Confirmation absolue de vocation. J'entreprendrai un tour d'Allemagne (si on veut enseigner la langue et la civilisation, cela s'impose) en été, avec sac à dos et sac de couchage, en AJ (auberges de la jeunesse), avec ma "carte Jeune" version allemande: "Tramper-Monats-Ticket". Là encore, rencontres de toutes sortes... Et expériences de toutes sortes... ;-)
A chaque fois, je reviens à la maison, gonflée à bloc, pour soutenir maman qui, hélas, ne va pas bien. Toutefois, poussée par moi, elle aussi entreprendra des excursions, se fera des amies, sortira avec elles! Sous mon impulsion toujours, et pour la première fois de sa vie de femme adulte, elle se pomponnera, mettra de belles robes que je lui offre, je lui ferai des brushongs, on abordera tous les sujets, je deviendrai un peu SA maman, ce qui nous bouleversera toutes deux...
Elle a ainsi profité davantage de sa vie les 5 dernières années que les 30 précédentes...
Comme il est essentiel pour moi de gagner de l'argent rapidement et autrement qu'en acceptent de petits jobs en marge de mes études, je cherche un emploi. C'est une amie et maintenant collègue, I.G., qui attirera mon attention sur l'annonce épinglée en fac à l'institut d'allemand: on recherchait des profs (maîtres auxiliaires) remplaçants en allemand, niveau licence. J'avais ma licence, j'étais en maitrise, avec beaucoup de temps, ça tombait pile poil...
Je débute donc ma carrière de prof. Je rentre exténuée le soir, mais très heureuse, j'innove, je crée mes propres supports comme je l'ai déjà fait en RFA lors de mon année d'assistanat etc... J'ai goûté aux méthodes allemandes (très permissives à l'époque) et je serai un juste milieu entre les 2 cultures.
Mon grand bonheur sera que maman aura vécu mes premières années dans mon métier. Comme je suis bien payée, en plus (pour quelqu'un qui est issu d'un milieu modeste, c'est la fortune!), je peux gâter maman et améliorer nos conditions de vie au quotidien. Certains de mes élèves, les meilleurs, ne m'entendront jamais parler français (2 classes brillantes que j'ai élevées à un niveau excellent et qui feront une pétition au retour de la collègue agrégée que je remplaçais, pour que je reste!). Ils m'avaient prise pour une prof allemande . De l'avantage d'être parfaitement bi ou trilingue...
Je passe en prépa concours, tout en réalisant que si j'ai le capes ou l'agreg, je serai sans doute mutée à Lille... Les seuls postes vacants chez les ch'tis! Mais j'abandonnerai vite les cours qui me paraissent à des lieues de ce que je vis en tant que prof. Moi, c'est la pédagogie qui m'intéressait. Or, on faisait de nous des bêtes à concours, des machines à répéter un savoir, aux antipodes de ma conception! Je me prendrai même le chou avec un vieux professeur à qui j'avais fait remarquer que les profs à la tête bien pleine ont conduit à la disparition du bilinguisme en Alsace... Et que je ne serais pas de ceux-là! J'ai fini mes études, la prépa au concours ne saurait être une année de potache de plus!

La santé de maman se dégrade, elle est hospitalisée d'urgence (infection généralisée du bas-ventre, un abcès a éclaté, un rein est détruit. Elle était sous cortisone pour sa maladie de Horton mais, gonflée de partout, avait arrêté le traitement, ce qui lui a nuit...). Je passerai 5 semaines et demie à son chevet, en réanimation médicale, avant qu'elle ne décède. Je crois que ce qui l'a le plus déçue, c'est l'indifférence de ma soeur qui ne s'est pas déplacée pour la soutenir, ainsi que celle de mon frère qui préférait aller à la gravière plutôt qu'à l'hôpital. Ces faits marqueront d'ailleurs une rupture et un rejet de la fratrie de ma part. A la mort de maman, j'ai cru que j'allais mourir... On était si proches ces dernières années...

Je conserve la location de l'appart en HLM, je paye un surloyer et travaille en collège, en lycée d'enseignement général avec des BTS, et l'année du décès de maman, on me propose un poste en L.E.P. (lycée d'enseignement professionnel). J'accepte, curieuse: mes amis de quartier avaient souvent été orientés en LEP, sauf Milda, mon amie d'enfance, et moi, qui avons fait des études supérieures.
J'y retrouverai, effectivement, à la fois de très bons élèves mais traumatisés par une pédagogie non adaptée, beaucoup d'élèves paresseux mais au grand potentiel (des génies aussi, que j'ai été prompte à identifier, Q.I. très élevé, erreurs de casting!), et enfin les "cancres" qui vont devenir mon challenge et combler mes ambitions de pédagogue. Je suis des stages imposés aux maîtres aux' par, le Rectorat, je me fais un nom. J'y croise ma future inspectrice, qui me repère aussi, me pose des questions pièges sans parvenir à me déstabiliser...
Comme je suis écolo et refuse de m'équiper d'une voiture, je suis mutée (gentiment) à portée de train, de bus interurbain etc... Ma réputation est faite, les chefs d'établissement me recommandent ou me réclament... 

Quand maman approchait de sa fin, j'avais déjà décidé de travailler une année de plus en tant que non-titulaire, pour pouvoir passer les concours internes, afin d'avoir des chances de rester dans la région, où amis et collègues m'entourent. C'est cette année-là aussi que des amis me proposent des canaris, ils en font l'élevage. J'ai compris le message: ne pas me laisser seule le soir, me donner la responsabilité de vies... Bien joué! Ma vie affective sentimentale sera calme, mis à part 2 relations très tendres mais non destinées à durer. Je joue au théâtre, je sors... Puis je me pose, limite mystique, je me recentre et réfléchis à qui je suis etc...
Je travaillerai à Obernai l'année du concours. Je serai inscrite au CAPES, mais n'irai pas. J'avais des élèves difficiles et ma hiérarchie paniquait à l'idée que je sois absente et non remplacée 2 fois!
Par contre, je vais au CAPLP"2" (concours d'admission au professorat en lycée professionnel, deuxième grade, création récente, et qui remplacera le PLP"1"). Admissible. Des points d'avance à l'écrit. Je le savais.
Je viendrai à Amiens, centre de concours d'admission, pour les "oraux" (il y aura les oraux écrits et les vrais oraux!)des PLP, en train de nuit, relax, sans avoir révisé mais ayant emporté quelques cours de fac en littérature... Il faut savoir que le concours en lycée pro est bivalent: on enseigne 2 matières d'enseignement dit général. En l'occurence, lettres-allemand pour moi. J'ai enseigné le français en Allemagne, puis lors de 2 remplacements. Je me sens prête. J'ai réalisé un atelier d'écriture avec les élèves et l'une d'elles écrira même un livre pour la jeunesse... J'ai toujours attiré les auteurs, les poètes, ou les ai encouragés.
J'arrive donc, zen, dormi comme un bébé dans le train, au Lycée La Hôtoie qui ressemble à un gigantesque paquebot, lieu de composition pour le concours. Mon inspectrice est médusée: comment peut-on voyager en train de nuit pour passer un concours le lendemain matin!? Il faut venir en avance, à l'hôtel, se poser etc... Pfff!
Mais elle ajoute en me fixant, songeuse: "Oui, j'aimerais bien que vous réussissiez vous, j'aimerais bien!" Les épreuves se déroulent sur 2 jours. En français je prends des risques, je propose une pédagogie résolument innovante. Plantée ! Bah! A l'écrit c'était bon!
En allemand, jury de 5 (dont un homme qui sera mon collègue et pote  dans le lycée où je serai mutée!) dont 2 Allemands. Je choisis de traiter la préparation pédagogique en allemand. Ils ne m'entendront pas prononcer un mot de français. Comme je suis encore sous l'influence de mes années en Allemagne, j'ai cette nonchalance brillante de étudiants teutons! Je fais une grosse impression, on me croit Allemande, mais avec un "cachet" de pédagogie french... Super note. Ben ouais!
Je sais à ce moment-là que j'ai réussi.

Rentrée à Obernai, la proviseure de l'époque ne cessera de m'appeler le matin avant les cours, pour pianoter sur son minitel (j'en avais un à la maison aussi...) et je la vois espérer,me souhaiter la réussite. Il faut dire que j'ai géré, cette année-là, 8 classes, en gros les plus "space" du bahut, les plus tordus (les pauvres gamins, souvent issus de la "cité "lustucru", un immeuble non loin aux motifs rappelant les carreaux de la boîte des célèbres pâtes) , les paumés, les malheureux, les obsédés, bref, j'avais tous les cas et avais réussi à ne pas manquer, les mômes réussissaient plutôt bien, m'appréciaient beaucoup, et elle désirait de ce fait me garder en tant que titulaire!
Le jour J arrive: rite du Minitel. Je suis reçue. Classée 7ème, devant des collègues déjà titulaires (PLP1). Par contre, je ne veux pas rester à Obernai, même si la ville est magnifique: je sais qu'on me fourguera les classes les plus dures, or, mon année de formation, je ne veux pas la sacrifier. Je joue de mon piston au Rectorat (piston que je dois à mon travail de qualité hein!) et obtiens un poste au lycée pro le plus proche de chez moi... Cooooool! Tout baigne. Ma vie de prof titulaire, de fonctionnaire bien évidemment atypique aussi!

L'année du stage (on est "stagiaires en situation, càd qu'on bosse à temps complet, le mercredi étant libéré pour les cours à l'IUFM créée depuis peu.), je rencontrerai, dans ma promo, un autre jeune prof mais sans expérience alors que moi j'ai des années de route déjà. Il sera mon ami, amant, amour, celui que je devais épouser. Il sera un peu ma perte aussi... Suite ce soir si j'ai la force...
***Emotions à la rédaction: maman, l'hosto, cette épreuve traversée en partie seule, avec le soutien d'un copain de fac, larmes amères. Colère, rage vis à vis de la fratrie. Dégoût. Puis, je revois les têtes et les regards de mes pingouine et j'exulte... Les rencontres avec des profs d'autres matières... Ma vocation qui se pose, grandit. J'étais faite pour ce métier. Je ne pouvais que réussir. Enfin, à l'évocation de mon ex ex, P., serrement de coeur. Vous saurez pourquoi au prochain "épisode".