Il doit être encore loin le point de ralliement. Je suis encore le dernier, j'ai traîné, ma carte ne dit rien de l'endroit où je suis. Vous êtes ici ! Mais ici il n'y a rien que je puisse nommer, rien qui me regarde en m'invitant à faire halte. Ici n'est pas l'ailleurs que je voyais au loin et dont je m'approchais, résolu à rallier le monde, hier d'un pas d'échassier j'avançais, pas très sûr mais tout de même, j'allais, peu importe, j'avais fait de la carte un porte-voix, j'appelais les collines, je maudissais les plaines, ma voix se perdait aux parois des montagnes, mourait dans les vagues, dégoulinait au fil des rivières. Hier, le jour se levait encore. Mais là, que dit la carte que j'ai dépliée ? Elle dit sans doute que je suis le premier, le premier au sommet des herbes sèches, le premier arbre d'une forêt juvénile, le premier incandescent à violer le territoire de son esprit vague, le premier dont la chute, sur l'autre versant ne sera qu'un cri de ralliement perdu au coeur des rumeurs du vent, le premier dont le nom ne sera pas le premier à desceller de son initiale le secret des communes tribulations, j'ai traîné, je n'allais pas seul, dans mon sac j'avais des couleurs aussi lourdes que des pierres de sable, aussi causantes que le visage fermé de ceux que je ne pouvais abandonner, partir sans eux ? Même si c'était pour les rejoindre, impossible. Ils marchaient au dedans de moi et quand je m'arrêtais pour voir de l'horizon les signes encourageant, ils s'arrêtaient de battre de la semelle au seuil de ma bouche, mon souffle s'appesantissait, j'allais parvenir. encore une nuit sans rêve et je serais arriver la où la vie ressemblerait enfin à un rendez-vous. Un feu ? peut-être. Une pierre plate où s'asseoir ? Peut-être. Et un petit bâton dessinant dans la poussière le chemin parcouru, pour ne pas oublier ? Peut-être. Le monde enfin en son entier ? Sûrement.
(Ce passage est dédié à JILB)