Angoisses

Publié le 27 août 2009 par Dunia

Réveils pénibles

Elle avait disparu depuis quelques jours. Elle a rappliqué durant la nuit, sournoisement, comme toujours, la crise d’angoisse ma vieille compagne. Je me suis réveillée le coeur battant trop vite, trop fort, le souffle court, les larmes aux yeux. Impression d’avoir l’intérieur à l’extérieur. D’être retournée comme un gant, les émotions dehors et le vide dedans. J’ai pensé à Garance, une amie connue sur le net, qui m’a beaucoup soutenue dans des moments difficiles. J’ai appris récemment qu’un sale cancer lui dévorait les seins. Me suis sentie encore plus mal. Garance se bat contre la mort. La vraie. Celle qui se poste avec la faux tous les soirs au chevet de son lit pour se nourrir de sa chair. J’ai culpabilisé d’éprouver des angoisses alors que je suis une privilégiée. La culpabilité les a amplifiées. J’ai pensé à mes amis, mes connaissances. Encore pire. Dans le cercle des personnes que je côtoie, je suis sans doute l’une des seules que l’existence a presque épargnée. Certes, j’ai bien subi quelques violences lorsque je fréquentais le monde de la drogue, mais dans l’ensemble ma vie reste plutôt idyllique. Enfance calme, dans un foyer sans agressivité, ni injures, ni alcool, ni tabac, d’un niveau intellectuel plutôt élevé par rapport à la classe sociale ouvrière. Malgré l’asthme sévère relativement stabilisé, ma santé est bonne. Alors pourquoi? Pourquoi suis-je sujette à des angoisses? Aucun psy n’a su me dire pourquoi. Ma première a rétorqué “je ne peux rien pour vous”. Mon deuxième voulait que j’écarte les jambes sur son divan. Ma troisième, souhaitait que j’échange mes ambitions littéraires contre des neuroleptiques afin que je puisse supporter une vie sans écriture dans une chaîne de production.

Est-ce parce que je ne suis ni l’avocate, ni le médecin, ni même la secrétaire qu’aurait voulu engendrer mon père? Est-ce de le savoir un peu déçu de son unique progéniture?

Est-ce de n’avoir donné à ma mère les petits enfants dont elle rêvait?

Est-ce parce que je ne suis pas devenue de Maupassant, l’idole de mon enfance?

Pourquoi ces angoisses alors que tout va bien? Que ma vie se déroule au nirvana par rapport à celle du 98% de l’humanité.

Quand j’ai des crises d’angoisse moi seule suis en mesure de les contrer. Personne ne peut rien pour moi. Certainement pas ces gens pleins de bonnes intentions qui s’arrangent pour maintenir la plaie ouverte au lieu de l’aider à cicatriser. Lors d’une crise, je déteste entendre des fadaises du style “ça ira mieux demain”, “la roue tourne”, “c’est juste un passage”. Et alors?! C’est maintenant que j’ai l’impression de crever! Les pires sont encore ceux qui s’ingénient à “secouer le cocotier”. Ceux qui se fâchent. “De quoi tu te plains? Tu as de la chance!” “Bouge-toi le cul!” “Tu te complais dans tes crises” “La trois-quarts de l’humanité meurt de faim. Toi au moins tu bouffes tous les jours” Ben oui MERDE! Je sais tout ça! C’est ce qui empire ces crises. Savoir que je suis une privilégiée et me réveiller en pleurs, totalement désemparée, me culpabilise un maximum. Et je ne me complais pas dans mes crises quoiqu’en pense l’extérieur. Bien au contraire! Avec le temps j’ai appris à les gérer. Merci internet, le blog, la photographie, photoshop, mes lecteurs ainsi que les compréhensives personnes qui ont capté qu’affronter tous les jours un monde sans écriture ressemblait fort à m’envoyer à la morgue. Elles permettent que mes besoins de base soient couverts. Elles m’accordent de jouer les artistes sans avoir à me soucier du lendemain. Grâce à ces béquilles, je suis devenue -presque- équilibrée. Mais ce genre d’apprentissage prend du temps.

Quand j’étais plus jeune, les angoisses pouvaient durer des jours, des nuits entières pendant des semaines. Je me réveillais en pleurs et me couchais en pleurs avec une impression de solitude immense malgré une vie sociale et sentimentale intense. Je vomissais plusieurs fois par jour. Avant d’aller travailler. Durant le travail. Après le travail. L’énergie que le travail ne me prenait pas, je la consacrais à ne pas pleurer devant tout le monde, à ne pas faire une crise de nerfs en public, à ne pas agresser verbalement autrui. Épuisant.

J’arrête ici ce billet. Mon ami Alistair vient de téléphoner. Sa femme est malade. Il me demande de faire un baby-sitting cet après-midi. Pour aujourd’hui, je sais pourquoi je suis là.

Titre: Morcellement.