Gravement handicapée, Agnès Phelippaud croule sous les soucis financiers liés à sa maladie et à l'insuffisance de sa prise en charge
Du lit au fauteuil. Et du fauteuil au lit. L'horizon d'Agnès Phelippaud est extrêmement limité. Agnès Phelippaud est gravement handicapée depuis l'âge de 18 ans
par une myélopathie inflammatoire. Sorte de méchante cousine de la sclérose en plaque qui la paralyse inexorablement. Et la rend très dépendante. Le geste le plus simple, l'activité la plus banale
est le fruit d'un long calcul, d'une organisation précise et minutée et nécessite la plupart du temps une aide externe. Elle ne se déplace qu'en fauteuil électrique.
Agnès Phelippaud, qui réside à Chalais, a aujourd'hui 43 ans. Elle vit avec son père qui en a 89. Malgré sa maîtrise de mathématiques, Agnès Phelippaud ne peut évidemment pas travailler. Pour
vivre, elle perçoit l'allocation adulte handicapée qui s'élève à 666,96 € par mois. Et elle est attributaire d'un quota d'heures d'aide ménagère de la part de la Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH). Quota qui se situait, après évaluation de sa situation, autour de 120 heures par mois au début de l'année et qui atteint aujourd'hui 152 heures. Chaque jour, des personnels
professionnels de l'Aide à domicile en milieu rural (ADMR) viennent au domicile d'Agnès Phelippaud pour l'aider à se lever, faire sa toilette, s'habiller, se mettre dans son fauteuil
électrique...
2,02 € à la charge
de la personne handicapée
Jusque-là, tout allait bien si l'on peut oser l'image. Le hic, c'est qu'Agnès Phelippaud s'est rendu compte en avril dernier que sa prise en charge n'était plus totale. «Entre ce que me verse
la MDPH, à savoir 17,43 € de l'heure, et ce que me facture l'ADMR, 19,45 €, il reste 2,02 € à ma charge. Cela représente 307,04 € par mois, sur la base de ces
152 heures de prestation. Vous voyez ce que ça représente sur 666,96 € d'allocation. A quoi s'ajoutent les médicaments non remboursés, les franchises médicales, 200 € depuis le
mois de janvier... Je ne sais plus comment m'en sortir.»
Le père d'Agnès Phelippaud aide autant qu'il le peut. Mais à 89 ans, ses interventions sont forcément limitées. «Pour le soulager et économiser, décrit Agnès Phelippaud, je suis amenée
à ne me lever qu'un jour sur deux. Cela va nuire à ma santé avec les risques d'escarres ou d'infections, mais une hospitalisation coûterait encore plus cher».
Agnès Phelippaud a évidemment saisi la MDPH, dont elle relève, et l'ADMR, qui est son prestataire de service. «L'ADMR contactée à Paris ne répond pas; la MDPH reste sur ses positions.
Seule, ajoute la jeune femme, la CPAM [Caisse primaire d'assurance-maladie] m'a aidée exceptionnellement. Elle m'a donné 700 € pour m'aider à payer les factures.
L'attribution de 152 heures par la MDPH me permettait de rester chez moi "normalement" mais le fait que je doive participer à hauteur de 307,04 € par mois en fait une aide empoisonnée car
ingérable financièrement.»
«Un problème national»
Sévèrement pointées du doigt, les deux institutions réagissent. «Nous suivons cette situation au plus près et au mieux, indique Thierry Gravelle, le directeur de la MDPH. Mais c'est un
fait que la prestation de compensation du handicap ne couvre pas la totalité des frais. Les tarifs de la PCH sont fixés nationalement et nous ne pouvons que les appliquer. Nous avons bien
repéré ce problème et le conseil général [la tutelle de la MDPH; NDLR] a été saisi. Des solutions vont être mobilisées pour Mme Phelippaud et les autres personnes qui ont les
mêmes problèmes et qui se sont signalées à nous.» La MDPH parle de «mesures transitoires», sans dire lesquelles, assurant qu'une «évaluatrice» va reprendre contact avec Mme
Phelippaud.
A l'ADMR, Alexandre Ricaud ne semble pas surpris par le cas évoqué: «Le cas de Mme Phelippaud n'est pas isolé. C'est un problème national qui mérite une réponse nationale. Les tarifs,
dont nous ne sommes pas responsables, ne suffisent pas à couvrir les facturations. Nous avons maintenu longtemps une tarification autour de 17 €, mais ce faisant, nous avons perdu beaucoup
d'argent.» En clair, la solidarité a ses limites dans un organisme qui emploie 1.300 salariés dans le département, dont une centaine au siège à Saint-Yrieix. Reprenant le cas d'Agnès
Phelippaud, Alexandre Ricaud se veut toutefois rassurant: «Elle nous a appelé et écrit plusieurs fois. Nous allons apporter une réponse, sans doute sous forme d'étalement de sa dette. On
discutera de tout ça avec elle et on verra comment on fait. Mais je le répète, c'est au niveau national qu'il faut revoir la question du handicap. Pour notre part, nous avons déjà saisi notre
organisme central.»
source: La Charente Libre