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Mort d'un immortel

Publié le 15 avril 2009 par Voilacestdit

Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines ?
Ami, entends-tu
Les bruits sourds du pays
Qu'on enchaîne...
Peu de gens savaient que Maurice Druon, qui vient de disparaître, était l'auteur - avec son oncle Joseph Kessel - des paroles du Chant des partisans (1943), qui a été l'hymne de l'armée des ombres.
Ce počme, dira Druon, "a été écrit de ma main, de bout en bout, dans la campagne anglaise", cette campagne qu'il avait rejointe en 1942 aprčs s'ętre évadé de  la France occupée et s'ętre engagé dans les rangs de la France libre ŕ Londres.
Le jeune Druon résistant est unanimement reconnu. Le Druon ministre de la Culture (1973), membre de l'Académie française depuis 1966, l'a été moins. Ses paroles ŕ l'encontre du monde de la création, revendicatif dans l'aprčs-68, passeront mal : "Ceux qui viennent ŕ la porte du ministčre avec une sébile dans la main et un cocktail Molotov dans l'autre devront choisir".
Faut-il pour autant enfermer une vie qui avait ses convictions, quelquefois décalées, dans une formule étroite, comme le fait Libé : "Maurice Druon, jeune résistant, vieux réac" ?
Druon était pour une part un homme du passé, un passé diversifié. Ses origines familiales se partageaient entre le Languedoc, les Flandres, le Brésil et la Russie. Il était aussi l'arričre-neveu du počte Charles Cros.
De ce passé il a nourri sa prolifique production littéraire nous le rendant présent ŕ travers elle. Cette oeuvre mérite reconnaissance. Car l'exercice de mémoire collective est d'autant plus nécessaire que nous vivons dans un monde qui a tendance ŕ considérer que "tout ce qui précčde appartient ŕ un domaine confus, ŕ un magma indifférencié que l'on pourrait appeler une sorte de temps virtuel" [Jacqueline de Romilly], comme si la réalité ne commençait qu'avec notre propre naissance.
Au Ve sičcle av. J.-C., le maître Protagoras disait, dans Platon, que les jeunes Athéniens avaient intéręt ŕ lire Homčre, car ils y puiseraient des modčles de vie héroďque qui devaient leur donner envie de les imiter.
Ne devrions-nous pas, pour servir d'ancrage au présent, chercher dans notre passé collectif quelques modčles ?
Ami si tu tombes
Un ami sort de l'ombre
A ta place.

Article ajouté le 2009-04-15 , consulté 90 fois

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