Je voudrais ne pas être aussi réfractaire. Soupe au lait sur ce point. En vieillissant je deviens sage sur bien des sujets mais pas celui-là. C’est dur sur les émotions de toujours résister. Avant de chercher à le contenir, à le calmer cet embrasement je devrais le comprendre, savoir d’où il vient. Pourquoi est-ce que ça m’agace de voir dans un blogue, que ce soit d’un Français ou d’un Québécois, des dates ou des sous-titres en anglais ? Et ne me dites pas que c’est parce que le blogueur ou la blogueuse n’a pas trouvé la façon de les changer, si on est capable de se partir un blogue, ce n’est pas très difficile de repérer les mots en anglais et de les changer ou de cocher « Lundi » au lieu de « Monday », de changer « comments » en « commentaires ». Donc à priori c’est voulu. Et supposons qu’à la limite, dans certains forums par exemple, au langage php plus complexe, il soit plus difficile de changer les formulaires, pourquoi est-ce que ça me choque quand même que le propriétaire ne fasse pas l’effort de trouver la manière ou de changer tout simplement de plate-forme ? Je n’en veux pas vraiment à la personne, je cherche surtout à comprendre pourquoi ça m’agace. Et là je ne parle que d’internet, mais le même choc devant des livres, des DVD, tout texte où l’anglais est utilisé quand le français suffirait. Intolérance quasi-zéro. Réfractaire, rebelle. Un coup dans le cœur chaque fois. Même que je refuse de m’inscrire, de lire ces blogues, ces forums, d’acheter un produit. Peut-être que je me prive de quelque chose de bien, mais je ne peux pas. Je referme sans même lire. Je ne prends rien dans mes mains, ça me brûlerait le coeur. Aucun pardon.
C’est comme l’anglais langue seconde dès la première année. Bien de la difficulté avec les raisons. J’ai beau avoir des exemples d’enfants qui distinguent parfaitement l’anglais de leur père et le français de leur mère ou vice versa et maîtrisent parfaitement les deux langues sans jamais les mêler, il me semble que c’est un jeu dangereux. Pourquoi suis-je si sensible à tout ce qui touche le français ? J’ai été élevée dans l’amour et le respect de la langue française. Les deux grands-parents de mon grand-père maternel étaient Irlandais mais il faut croire que le un huitième de sang qu’il me reste n’a pas su domestiquer l’autre septième ! Ma mère a été traductrice une bonne partie de sa vie, c’est elle que je consultais pour mes devoirs en anglais, elle n’a jamais dit un mot contre, elle m’a plutôt appris « ce qui mérite d’être fait, mérite d’être bien fait ». Du côté de mon père aussi : enrichir son vocabulaire, utiliser les bons mots, chercher dans le dictionnaire, lire, acheter des livres, passer des après-midis dans une librairie et des journées entières dans les bibliothèques sans jamais s’ennuyer, c’était très important. Ce qui n’a pas empêché mon père d’enseigner le latin dans une école anglophone. Rien contre l’anglais, mais entre un voyage aux Etats-Unis et en France, ils ont toujours choisi la France.
Est-ce que ça explique tout ? Une partie seulement. Je n’ai rien contre l’anglais non plus, je voyage beaucoup plus aux Etats-Unis et au Canada (parce que ça coûte moins cher surtout !) et j’ai appris à aimer ces pays, les gens qui y vivent. Donc ce n’est pas par xénophobie que l’émotion me submerge quand je vois des mots anglais au milieu d’un texte qui est en français. Pourquoi est-ce que je ne tolère pas le gris entre le noir et le blanc ? Moi qui me dit si nuancée pour tout le reste.
Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi, c’est trop profond, complexe, global, instinctif. Comme une survie, une raison impérieuse. Et puis c’est comme ça. Je dois vivre avec mon poil qui se hérisse, ma gorge qui se bloque, ma colère qui monte, les mots qui me manquent et les fermetures d’écran.
(image d'un forum francophone où tous les boutons sont en anglais, exemple seulement, il y en a tellement d'autres)