Pour Pascal
Celui qui constate avec effroi que son image disparaît du miroir au fur et à mesure qu’il avance dans la composition de son premier roman intitulé Les Invisibles / Celle qui remarque les signes indéniables d’une érection matinale chez son conjoint invisible sans rien voir pour autant ce qui s’appelle voir / Ceux qui font une réu marketing pour le lancement du roman Les invisibles en lançant des formules genre : Le livre qui se lit avec des lunettes sans verre ou Le livre qui vous rend la vue ou Le livre qui lit entre vos lignes / Celui qui devait tirer le portrait photographique de l’auteur des Invisibles et qui a passé trois fois devant lui sans le voir / Celle qu’on ne voit plus depuis que son lifting total en a fait le double d’Arielle Dombasle / Ceux qui ne peuvent pas se voir et lisent cependant Les Invisibles dans le TGV en se jetant des regards qu’eux seuls voient / Celui qui déguste une épaule de bœuf en se demandant si les clients du Buffet de la Gare se doutent qu’il est l’auteur des Invisibles / Celle qui invite l’auteur des Invisibles à son émission culte en se demandant s'il n’est pas en train de remarquer qu’elle lui fait un gringue d’enfer avec son décolleté voyant / Ceux qui ont vécu la lecture des Invisibles comme une réalisation métaphysique (disent-ils) d’un fantasme obsessionnel dont il n’osent reconnaître qu’il relève strictement de la physique du cul / Celle qui attend la réédition des Invisibles en poche pour l’offrir à son conjoint boucher en espérant qu’il la voie autrement qu’une escalope de dinde / Ceux qui n’ont pas lu Les invisibles qu’ils cherchent vainement dans le rayon des Apparitions et Miracles de la librairie Les Yeux fertiles / Celui qui panique soudain en se rendant compte qu’il n’écrira qu’un premier roman dans sa carrière encore inaperçue mais sur la bonne voie / Celle qui découvre dans la lessive dont elle s’occupe ce matin à l’Hôtel Elite que l’auteur des Invisibles qu’on a vu hier soir à la télé porte des boxers fluorescents visibles dans la pénombre de la buanderie / Ceux qui estiment que le roman Les Invisibles gagnerait en crédibilité si le protagoniste était comme tout le monde / Celui qui fait assaut d’érudition littéraire en relevant par exemple, à l’émission Entre les signes, je cite de mémoire, que Les Invisibles, selon la formule de Michaux Henri, « effacent la gomme » / Celle qui espère toucher l’auteur assez mignon des Invisibles en lui murmurant suavement que son livre l’a aidée à lire en lui / Ceux qui savent qu’ils ne sont réellement vus que par Dieu et qui ferment les yeux pour Lui montrer qu’ils n’en ont rien à souder etc.
(Noté sans être vu sur un coin de nappe en papier en déjeunant avec Pascal Janovjak, auteur de L’Invisible, au Buffet de la Gare de Lausanne, ce 1er septembre, lendemain de la parution du livre…)