Quand un subtil et élégant gargouillis se fait jour dans la région abdominale, quand un vertige mystique retient le pas suivant et m'accroche au chambranle de la porte, quand je me demande : Mais qu'ai-je ? Que m'arrive-t-il ? Quel ange familier m'emporte en de zétranges zphères ? Qui me brouille, m'estrifouille, me tartine de famine? Quand sonne l'heure où l'oeil haineux je contemple le sachet de thé, passé, repassé, essoré, rincé, pâle jus de chaussette au fond de la casserole culottée de brun miélat. Quand du fond des fait-tout résonne comme à Ronce vaux l'appel désespéré du corps farcis comme une baudruche de quelques reliefs, souvenirs d'avoir goûter au paradis des repas pris en commun. Quand, pour tout dire, à l'heure de déjeuner mon estomac remonte aux créneaux de la déglutition qui se fait attendre. Quand pour dire encore, je la saute, la crève, je claque des mandibules, salive à tout va, rêve de mon Planche et Sylvestre, d'un tas de victuailles dégueulant les bords de la table, d'un couvert bien mis, d'un verre plus qu'à moitié plein, de pain vaporeux, de vos tendres miches à mes dents défrisées, de cochonneries, de veule veau bouillis, d'entrelacs de côtes d'agneau, de boeuf la langue pendante sur la nappe, de monceaux d'haricots, des blancs des rouges des verts, écossés, avec ou sans fils, beurre ... Tiens, oui ... avec un peu de beurre et de l'ail et du persil. Quand c'est l'heure, n'importe ce que disent les aiguilles de la montre, de s'en foutre jusque là, et puis après rôter, et puis après péter et puis après prendre un café, un cognac, un autre café avec encore un cognac.
Quand c'est le moment donc de dévérouiller la lourde porte du réfrigérateur et de s'enquérir du vide happant le vide, mes yeux invariablement se tournent vers l'étagère, la sombre planche où, dans la poussière et l'absence d'éfluves, trônent solitaires, les nouilles. J'empoigne la casserole par le manche, l'emplis d'eau à demi et allume le grand feu cannibale du rituel nourricier. Le paquet de cellophane craque quand je l'ouvre, l'eau frémit, je chancelle, il en reste assez pour une assiette. Plongez Ô divines nouilles, vous qui il y a un instant jouiez des castagnettes dans l'étui transparent de votre sommeil opaque. Sentez Ô chères farineuses comme vous attendrit le bouillon d'eau salée. Je touille, je touille, je touille et vous couvre d'un linge et d'un couvercle, afin que vous restiez bien que cuites, un peu sauvages sous la dent, al dente comme ils disent. Ô nouilles, mes aimées, mes muses, mes dégelées. Je vous chante en ce jour en pensant au patron qui aujourd'hui encore devra se passer de mes appétits de pouvoir.