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Les Vanupieds (2)

Publié le 04 septembre 2009 par Plume
Pour prendre la lecture du début : là

France s’immobilisa soudain au milieu de la rue. Là-bas, Adam et Allan se faufilaient entre les riches manteaux regroupés à bavarder face à la taverne. Elle les observa un moment. Leurs petites mains habiles subtilisaient les bourses qui pendaient aux ceintures et des sourires de triomphe illuminaient leur visage à chaque prise réussie.

Après quelques minutes, fièrement, ses frères s’éloignèrent du groupe sans qu’aucun des riches personnages ne se soit aperçu de quelque chose. Ils se partagèrent le butin et se séparèrent jovialement.

Adam vint de son côté, faisant sauter dans sa main une bourse pleine d’écus. Il riait et son rire éclairait le bleu pâle de ses yeux d’une lumière douce et apaisante. Chemise et pantalon déchirés, il était aussi sale et misérable qu’elle. Et que tous les vanupieds dont la ville regorgeait.

Quand il l’aperçut, telle une statue sombre au milieu des passants, il arrêta son pas un instant, parut hésiter puis finit par l’approcher :

« Tu veux manger ? »

Un léger mouvement de la tête fut la réponse de l’aînée.

« Viens… »

Adam l’entraîna vers le marchand ambulant qui les regarda avancer avec méfiance.

« Au large garnements ! Leur lança-t-il durement. Pas la peine de venir mendier, vous n’aurez rien !

- Je peux payer, répondit Adam en montrant la bourse, je voudrais un pain. »

L’homme lorgna le petit sac avec intérêt et le lui prit des mains pour jeter un regard circonspect à l’intérieur. Visiblement satisfait de son inspection, il la glissa dans la poche de sa veste et foudroya des yeux le garçon debout en face de lui à attendre.

« Va-t-en, petit voyou !

- Mais… » Voulut protester Adam, outré.

Il le repoussa avec une telle brutalité que l’enfant perdit l’équilibre et partit rouler dans le caniveau ruisselant des immondices laissés à l’abandon de-ci de-là. L’homme s’éloigna en éclatant d’un rire gras et sonore, poussant la carriole rempli de victuailles droit devant.

France aida son frère à se relever. Adam était pâle de rage, près à courir après son voleur et lui sauter dessus. Mais l’aînée avait une autre idée. D’un geste elle lui intima le calme. Comprenant qu’elle avait la ferme intention de lui faire payer sa félonie, Adam s’apaisa instantanément. Il connaissait bien cette lueur sagace dans les yeux de sa sœur.

La petite fille aux longs cheveux bruns tout ébouriffés et emmêlés partit d’un pas assuré vers le groupe de riches manteaux. Elle se glissa entre les broderies dorées et tira la manche de celui qui lui semblait le plus important de tous.

« Monseigneur… »

Ce dernier baissa la tête vers la fillette en guenille.

« Que veux-tu, petite ?

- On vous a volé, monseigneur. »

Il porta aussitôt la main à sa poche et… blêmit. Sa bourse avait disparu !

« Qui ? Qui a osé ? Rugit-il, fou de colère. Qui, petite ?

- Le marchand ambulant là-bas, monseigneur. »

France tendait fermement son doigt vers le malotru à la carriole.

Le richissime personnage se précipita sans perdre une seconde vers le commerçant, en alertant ses amis qui le suivirent en courant.

Les yeux noirs de France brillèrent intensément.

Au loin, le gentilhomme secouait sans ménagement l’homme protestant vigoureusement de son innocence. Dans les éclats de voix, les bousculades et l’attroupement qui se formait, il finit par trouver le petit sac en cuir rempli de pièces d’or, qu’il reconnut immédiatement comme étant à lui. Aussitôt, plusieurs s’emparèrent du commerçant médusé et le traînèrent vers le poste de police le plus proche, l’injuriant et le rouant de coups.

France baissa les paupières et soupira tristement. Adam la rejoignit en deux enjambés. Il souriait à pleine dents et lui donna une joyeuse accolade :

« Bravo, France ! Tu es épatante ! Quelle idée formidable ! Il n’y a que toi pour imaginer des choses comme ça ! »

Elle se tourna vers lui, l’air incrédule. Il rayonnait de fierté. Lui aussi avait les cheveux longs, ébouriffés et tout emmêlés, avec des boucles retombant sur ses maigres épaules. France haussa les sourcils, résignée à ce plaisir profond qui le faisait autant sourire.

« Rentrons ! »

Elle se mit en route. Et il lui emboita le pas, la tête haute. Côte à côte, les deux enfants allèrent en silence, pieds nus sur les pavés ruisselant…

Les Vanupieds (2)


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