Magazine Humeur

Mondes #2

Publié le 05 septembre 2009 par Didier T.
Sur deux parallèles, l’âme lancée à très grande vitesse jamais ne déraille.
Ne le peut, les grands corps d’ingénierie ayant tout prévu, en absolu de maîtrise et d’efficacité, perfection des machines conçues et des infrastructures les véhiculant.
Tous scénarios de catastrophes envisagés, toutes solutions intégrées.
L’âme est en sécurité. Rien ne peut l’atteindre, ni la dévier de son axe de transfert. Simplement accepter les haltes nombreuses, ravitaillements divers comme en nécessite tel exceptionnel convoi, sans monter signe d’impatience. C’est la règle des grands transports spirites.
Mission unique de veiller sur le corps.
En ce corps dense et lourd, immobile aux stations, brûle une amertume que nul en ces zones ne connaît. Les yeux d’ici n’en ont jamais vu de la sorte. Beaucoup peuvent en témoigner, car beaucoup ont assisté à ce pathétique spectacle.
Une sorte d’amer qui brûle plus que lentement, en une combustion jaunâtre, fabriquant braise malodorante, dégageant fumerolles si pâles qu’elles pourraient faire douter de l’existence même d’un feu, si leur odeur âcre et soufrée ne venait la signifier à tous, en imprégnant durablement toute matière entrant en leur contact.
Un corps qui peut émettre tel phénomène n’est certainement pas corps ordinaire. Et que dire de l’âme qui le transporte ?
Alors, à chaque station, d’autres corps se rassemblent et s’amassent autour de l’étrange amer, et tous l’examinent, montrant curiosité saine et bien intentionnée. On trouve compassion dans les regards, et parfois geste de bienveillance s’échappe d’un des corps. Nul ne songe à l’en blâmer car tous aiment sans pitié ce corps jusqu’alors inconnu.
L’amer ne se préoccupe pas des autres corps, toute part de lui concentrée sur sa peine, immolé par son malheur d’être né, absent aux mondes depuis tant et tant, qu’il lui est impossible de voir que ces amas ne sont mus que par sa simple présence, son arrêt en leurs zones.
Les voit-il, de son monde ?
Intégralement guidé par son âme.
Courageuse âme investie des pleins pouvoirs de mener ce bloc de mal où bon lui semblera.
Lui ne se charge plus que d’entretenir ce maigre et sale feu, qui attire les autres, seule chose qu’il lui reste en ce monde bas, seule possession physique.
Alors en un souffle rare, ravive quand besoin est, protège des vents malins et changeants, abrite des pluies noires et charbonneuses.
Agrège toutes maigres forces en lui, rassemble toutes énergies encore disponibles en son fétu de chair. Et conserve intact, en vie, le foyer certes malingre mais seule et dernière preuve de son existence en corps en ce monde-ci.
Entre chaque station, l’âme fait son travail, laborieuse, elle besogne.
Ne se laisse aller à aucune émotion.
Ne peut être déviée de l’accomplissement de sa tâche.
Alors, unie aux machines célérantes, transhume le presque éteint en un lieu que les corps sains ignorent, et que seules peu d’âmes connaissent, celles les plus pures.
Ce n’est plus le cas de cette âme, mais il fût un temps où elle était parmi les plus vertueuses. Et, de ce temps oublié, elle garde mémoire floue des tracés incertains menant aux lieux sacrés du repos des corps brisés.
Elle pense être capable de mener à bien son entreprise, avant que l’amer ne meure.
Elle s’est déjà trouvée à errer sans corps, avant cet attelage-là. Elle ne souhaite pas renouveler cette expérience. Non, elle veut conserver le couple d’avec ce corps. En âme consciencieuse, elle fera tout pour le sauver, malgré lui.
Sanctuaires, patientez.
V#VPublié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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