Le chapelier (gballand)

Publié le 06 septembre 2009 par Mbbs

Elle était d’abord tombée amoureuse de la vitrine du chapelier, puis du chapelier, comme si l’un ne pouvait aller sans l’autre. Si le chapelier avait eu un fils, elle serait peut-être tombée amoureuse de son fils mais tel n’était pas le cas. Le chapelier vivait seul et  n’avait pas eu d’enfants.
C’est lui qui lui avait fait signe d’entrer dans la boutique. Elle avait accepté, timidement d’abord, puis elle était passée tous les jours. Il lui parlait de chapeaux, elle lui parlait d’amour, de ses amours perdus. Lui parlait de ses chapeaux avec amour.
- Un amour qui ne s’est jamais démenti pendant 25 ans, crut-il bon de lui préciser.
Elle lui répondit que 25 ans de fidélité, c’était énorme, qu’elle, elle n’avait jamais réussi à être fidèle plus d’un an. Il sourit amusé. Cette jeune femme aurait pu être sa fille. Après un mois de visites quotidiennes ou presque, il voulut lui offrir un chapeau. Elle refusa. Il s’en étonna.
- Je n’accepte jamais de cadeaux matériels, précisa-t-elle, mais  vous pouvez m’offrir autre chose.
Il rougit. Que savait-il des femmes ? Ne les avait-il pas toujours un peu fui, préférant modeler des chapeaux pour leurs têtes graciles et laisser leurs corps aux mains des autres hommes ? Non, les femmes non.
Plus il résistait, plus elle insistait, le poussant dans ses derniers retranchements. Ne comprenait-il pas ? Elle finit par s’énerver :
- Je m’offre à vous et vous me repoussez ?
Il la regarda, presque effrayé :
- Je ne crois pas que… Enfin, vous méritez mieux que moi. Je suis juste bon à faire des chapeaux vous savez, alors que vous, vous êtes promise à de belles choses. Je suis sûre que vous seriez déçue et…
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Dépitée, elle sortit du magasin en faisant violemment tinter la petite sonnette.

PS : texte écrit à partir d’une photo de C. V.