Hubert Haddad – Géométrie d’un rêve- Ed. Zulma. Août 2009

Page 23  «  Ecrire tue, c’est vrai. Rien de plus fastidieux que toutes ces déambulations dans le temps et l’espace, ces portes qu’il faut sans cesse ouvrir et fermer, ces bavardages qu’on ne souffrirait pas d’un confident, ces descriptions imposées de peintre pompier…Réduits à la matière efficace qui les porte, il ne resterait  de la plupart des romans que des dépêches de faits divers. Ou des incitations somnolentes à lâcher prise. »

Mais lire Haddad aide à vivre aussi.

Je l’avais croisé lors d’un salon, lui avais remis dans la confusion la plus totale le manuscrit d’une courte nouvelle écrite sous influence avant de fuir littéralement, honteuse et ravie en même temps. Le lendemain, de retour au salon,  je m’étais procurée son denier livre «  l’Univers » que je n’avais pas eu la présence d’esprit de faire dédicacer la veille ; je me défendis de gifler la vendeuse qui me révéla dans un sourire vulgaire induisant la confidence imposée en étalage crasse  qu’il s’était montré « en forme » la veille , quittant le stand en  titubant. Je maudis en secret ce manque de respect pour le plus grand poète romancier de son temps et quittai Paris, certaine maintenant qu’il n’avait pas eu l’occasion de jeter un œil à ma production, ce qui me consola durant mon voyage  tout en inspirant à mon esprit migrateur une foule d’hypothèses  au sujet de ce tapuscrit échappé dans la nature, abandonné au stand certainement ou sur la plage arrière d’un taxi, peut-être même sur un muret de pissotière ou encore  dans l’avion qui l’emmenait à Berlin le lendemain.

Au fil de ma lecture de «  Géométrie d’un rêve » , j’écrirai mes folles présomptions jusqu’à la décomposition finale de l’étrange postulat fondé sur la certitude inaliénable que je retrouve un jour ce manuscrit perdu…