Le Zanskar et la zapette

Les hasards des vacances m’ont amené à tomber un soir sur l’émission de Frédéric Lopez, “Rendez-vous en terre inconnue”. Si vous ne connaissez pas le principe de ce “prime-time”, je vous l’explique vite fait. On demande à un “pipole” d’accepter de partir en voyage, pour une destination qu’il ignore, et qu’il découvre une fois dans l’avion. Le choc culturel est garanti. L’arrivée d’un nanti dans une contrée peu civilisée nous promet des étonnements, des éclats de rire, des découvertes inattendues.

Le cahier des charges ainsi décrit pourrait amener à toutes sortes de divagations, avec lesquelles “les Bronzés” nous ont auparavant habitué. Mais l’animateur de l’émission a su trouver un ton plein de retenue, de décence. La caméra sait nous faire apprécier d’extraordinaires paysages, et le montage permet de sélectionner des moments forts. J’avais déjà apprécié Adriana Karembeu en Ethiopie, et depuis j’écoute avec appétit ce que dit cette belle femme.

Ce soir-là, l’invité était Gilbert Montagné. Je dois dire que le personnage m’énerve souvent. La carrière de cet artiste me parait plus guidée par le souci d’exister médiatiquement que par la force de ses paroles et de ses musiques. Mais j’ai très vite été aspiré par la force du Zanskar, cette vallée d’altitude aux confins de l’Inde, un morceau du Tibet égaré à 4000 mètres d’altitude au pied de l’Himalaya. L’air y est d’une pureté qui transparaît à la télévision, et les gens qui y vivent savent le prix de chaque moment, de chaque tasse de thé, de chaque pierre amassée pour construire la maison. Et la rencontre avec ce chanteur non-voyant ajoute une dimension incroyablement émouvante. Chacun s’efforce de lui faire toucher une poignée de grain, une inscription sur un caillou.

Dolma, la femme qui nous accueille et son fils Dorje deviennent encore plus proches. Ils sont tous deux magnifiques de persévérance et de philosophie. Cette paysanne nous explique en pleurant que son jeune fils va l’abandonner pour faire des études et choisir son destin.

Au moment de la séparation Gilbert Montagné pleure, et nous aussi.

La télévision donnait ce soir là la preuve de son pouvoir, de sa vertu pédagogique. Aucun autre média ne pourrait nous transmettre cette émotion, la qualité de vie de ces montagnards du Zanskar. Gilbert Montagné a gagné beaucoup d’humanité depuis ce soir d’été. Et il nous a aussi parlé très concrètement de sa vie de non-voyant. Et pour une fois nous l’écoutions avec admiration.

Au même moment, sur une chaîne concurrente, les starlettes de Secret-story étaient occupées à cancaner et à exposer leur inanité navrante. Le service public de la télévision a donc un sens, ainsi que la volonté d’utiliser la zapette à bon escient …

Un petit avant-goût de cette émission à paraître en DVD