Vu le peu d'articles dans ma rubrique "bouquins", on pourrait croire que je ne lis pas beaucoup. C'est à la fois vrai et faux. Vrai, dans le sens où le temps me manque cruellement pour "dévorer" autant que je le voudrais. Faux, car depuis l'automne dernier, j'en ai lu quelques-uns (souvent péniblement) et abandonné beaucoup d'autres.
Pas de gros coups de coeur à vous communiquer, donc, jusqu'à ce que j'attaque un livre dont j'avais beaucoup entendu parler à l'époque de sa sortie : Les âmes grises de Philippe Claudel.
Le pitch n'a pourtant rien de réjouissant car il cumule meurtre d'enfant, suicide et mort prématurée sur fond de première guerre mondiale.Du gris de prime abord très foncé. Et pourtant...
D'une plume virtuose, l'auteur dresse une galerie de portraits plus pittoresques les uns que les autres et nous livre une très belle réflexion sur la vie :
Exemples :
"La mère donna un geignard à la peau rose et aux yeux gonflés, elle retrouva devant elle un jour un jeune homme un peu raide, sur le menton duquel trois poils poussaient entre deux boutons, et qui la regardait de haut, en vrai petit monsieur pétri de latin, de grec, d'importance et de rêves de coq".
"On envoya un (instit) remplaçant qui n'était plus mobilisable... "Je suis contre !" dit-il d'emblée... On l'appela le Contre. C'est bien beau d'être contre. Mais contre quoi ? On n'en a jamais rien su. De toute façon, en trois mois tout était réglé : le gars avait sans doute commencé à perdre pied depuis longtemps. Parfois, il arrêtait sa leçon et regardait les enfants en faisant la mitraillette avec sa bouche et sa langue, ou bien encore il mimait l'obus tombant sur le sol, en se jetant par terre..."
"On se dit toujours qu'on a le temps, qu'on pourra faire cela le lendemain, trois jours plus tard, l'an prochain, deux heures après. Et puis tout meurt. On se retrouve à suivre des cercueils, ce qui n'est pas aisé pour la conversation".
Voilà, c'était un peu long mais c'était vraiment mon plus gros coup de coeur depuis L'élégance du hérisson.