Québec - Parole de prêtre : apostasie

Publié le 08 septembre 2009 par Hermas
"Ce qu'il dit là est intolérable... Beaucoup s'en allèrent..." Jean 6, 60-69.
Il y a quelques mois des couples publiaient dans Le Devoir une déclaration d'apostasie, en réaction à un extrait de la déclaration de Benoît XVI répondant à une question sur le sida :  "Le préservatif n'est pas la réponse au problème du sida". Le bizarre ici, c'est que l'intolérable ait été l'appel au dépassement. Non par un pape indigne comme cela arriva dans l'histoire, mais par un homme qui fait son métier en appelant à la conversion du coeur et de l'esprit, accompagnée de charité pour les malheureux sidéens.
"Beaucoup s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui". C'est l'histoire de l'Eglise:hérésie, schisme, sectes, prophètes de l'athéisme : Dieu est mort, nous l'avons tué (Nietzsche), la religion est un opium (Marx), une névrose (Freud). Peut-être, grâce au progrès de la science, sommes-nous arrivés à ce moment délicieux dont parle Valéry : "L'individu recherche une époque toute agréable où il soit le plus libre et le plus aidé. Il la trouve vers le commencement de la fin du système social. Alors entre l'ordre et le désordre règne un moment délicieux... Le corps social perd doucement son lendemain. C'est l'heure de la jouissance et de la consommation générale".  Beaucoup quittent Dieu et l'Eglise sans drame ni hostilité, sur la pointe des pieds, par manque d'appétit, tout simplement. Ils ne disent pas que l'Evangile est intolérable. Simplement, ils n'y trouvent ni intérêt, ni utilité. Leur reniement n'est pas doctrinal, sauf pour quelques uns. Leur foi est comme un vieux vêtement usé qu'on jette à la poubelle un jour de ménage. Libéré de ses tabous, esclave de ses désirs, armé de ses droits, privé du guide d'une morale universelle, ayant largué sa religion, l'individu se retrouve seul, livré à tous les sortilèges de la publicité, ayant en mains une technique toute-puissante capable de satisfaire désirs et fantaisies. Le plaisir est disponible sous toutes ses formes, la sexualité est complètement maîtrisée, on ne voit pas quels freins pourraient retenir l'homme libéré. Le romancier Michel Houellebeck, aux allures de bum, a décrit avec une lucidité impitoyable le visage de cette nouvelle humanité. Il parle de mutations métaphysiques, ces transformations radicales et globales de la vision du monde adoptées, sans qu'il le sache, par le plus grand nombre. Rares mais irrésistibles, "elles balaient sans même y prêter attention les systèmes économiques et politiques, les jugements esthétiques, les hierarchies sociales" (Plateforme).
"Alors Jésus dit aux Douze : Voulez-vous partir, vous aussi ? Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ?" Tristesse de notre Dieu devant ces églises vides, image du Petit Reste qui traverse la Bible. Ne pas s'en aller. Plutôt un surplus de fidélité et d'amour. 
(Découvert dans le Bulletin de la Paroisse Saint Germain d'Outremont, semaine du 23/08)