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Géométrie d’un rêve. 2ème hypothèse

Publié le 08 septembre 2009 par Sophielucide

Page 70. «  Une lettre peut changer la vie ; il suffit de prendre au sérieux son correspondant. Il s’agit d’une lectrice cette fois, et provinciale. Mademoiselle Blandine F. de G. a curieusement adressé sa missive, depuis un bureau de poste de Saint-Brieuc, aux bons soins de mon premier éditeur. Un écrivain qui tient à son confort ne doit jamais répondre à cette catégorie d’individus. La lectrice – celle qui prend sa plus belle plume pour complimenter l’auteur ou lui suggérer, lui révéler, quelque connivence avec une des personnages ou avec lui-même – est par essence cruelle et cannibale. Des vieillards laurés et intraitables avec leurs pairs se laissent prendre en novices au jeu de la séduction. La littérature est un éternel bal de débutants ! Trop de désirs, d’ambitions et d’inassouvissement habitent ses parages. »

Hypothèse 2 :  Sans tricher, je poursuis ma lecture, les sourcils froncés mais le sourire aux lèvres. J’assume à fond mon statut de midinette pourvu que l’ « idole » en vaille la peine.  Bien sûr, j’interroge mes étranges  motivations; écrire en aparté cet essai qui ne mène nulle part pour me défaire de mon « Homme affable » qui occupe mon esprit, mes journées et mes nuits.  Je freine des deux pieds pour ne pas finir trop tôt, finir trop vite.  Cruelle et cannibale sont deux vocables qui me vont comme un gant ; on me le reproche assez souvent pour que j’assume ces qualités.  Défauts ? Je n’en crois rien ; je continue de gommer mes penchants lyriques, ceux qui collent à mon écriture comme de la vieille guimauve sirupeuse.   Pour autant, l’idée d’envoyer une lettre à Haddad ne m’a jamais traversé l’esprit, sans doute parce que je le considère déjà, présomptueuse que je suis,  comme un illustre confrère ; je bénéficie, à mon rythme et à ma façon  d’une généreuse émulation, et sans qu’il le sache encore !   Ses écrits m’appartiennent comme aux autres lecteurs, même si je les déforme, les triture, les altère ;  j’use et abuse de mon statut de lectrice lambda et quand j’écris je triche, évidemment !  Chercher une vérité qu’on ignore passe forcément par ça, non ? C’est ce que je crois ; j’écris par manipulation, des mots, des personnages … aucune conviction dans mes propos, une sorte de quête qui ne doit pas s’achever, qui ne s’achèvera pas.

Alors, mon manuscrit ne repose ni sur un muret sale d’une pissotière d’un autre âge, ni sur la plage arrière d’un taxi en partance pour un aéroport…. Cette histoire s’est dissoute d’elle-même au moment même où je tendais d’une main tremblante le petit fascicule à celui qui m’autorisa un jour à écrire. C’est pour cette raison, et seulement pour celle-là que j’ai fait cet effort surhumain d’aller à sa rencontre. Jamais, jusqu’à présent je n’avais fait dédicacer un ouvrage*. Mais lorsque je pose mon regard sur son écriture enfantine,  j’y lis un baume m’encourageant à persévérer.  Alors, je continue…

* J’avais emporté avec moi Palestine,  le roman qui venait de recevoir, à ma grande joie, le Prix des Cinq Continents.


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