Humeurs

Publié le 10 septembre 2009 par Dunia

Littérature et photographie

A quoi ça sert? Qui ça intéresse?

Ce matin, j’ai recommencé à compulsivement photographier La Chaux-de-Fonds malgré un moral au fond des sandales. Je sortais d’un rendez-vous avec une personne dont dépendent mes finances. D’habitude, je ne parle jamais de mon travail en cours ou de mes projets en gestation. Mon éloquence laisse à désirer. Je maîtrise mal le langage oral. Les émotions me submergent, me noient, quand j’expose ma vision des choses. Résultat: mon interlocuteur finit toujours par détruire mon travail, voire ma motivation. Or, exceptionnellement bien lunée et parce que je trouve normal de donner un sucre à ceux dont ma vie dépend, j’ai exposé un projet en cours. C’est là que je me suis entendue dire qu’on ne voyait pas très bien qui mes histoires de zone, de drogue, d’alcool et de psychotiques pouvaient intéresser. Je conviens que ce n’est pas de la lecture grand public. Qu’il n’y a rien de planant à lire mes récits. Les lecteurs de Barbara Cartland ou de Paulo Coehlo peuvent passer leur chemin. J’écris sur des sujets que je connais et je ne connais rien de mieux que la zone. Je n’y suis plus moi-même mais elle n’est jamais très loin. Ça fait plus de vingt-cinq ans que j’entends des histoires de dope, de bastons, de médicaments, d’alcool, de trafics, d’automutilations, de vomis, de cuites, de suicides, de viols, de taule, d’hôpital psychiatrique et de violences. M’endormir avec ça toutes les nuits m’est souvent pénible. Il faut que ça sorte. Je n’en parle pas sur mon blog qui est un espace public tout public grand public. Je garde ces anecdotes pour les personnes assez motivées pour payer afin de connaître ma façon de percevoir la glauquitude. S’il y a quelqu’un pour en avoir envie bien sûr.

On prétend que je gâche mon talent à décrire la zone. On me demande souvent pourquoi je n’écris pas “de jolies choses”. Les personnes qui me posent ce genre de question -dans ma famille par exemple- me donnent envie de leur sauter à la gorge. Je n’écris pas de “jolies choses” parce que je n’aime pas les jolies chose. Les choses jolies, c’est mièvre, cul-cul, tiède. Sans intérêt. J’aime ce qui est beau. Sublime. Merveilleux. Grandiose. Or le beau, le sublime, le merveilleux, le grandiose se vivent. Ne s’écrivent pas. Du moins moi je ne l’écris pas. Quant à écrire la rude vie d’un paysan de montagne ou le bonheur d’avoir quatre enfants certes, avec quelques recherches je pourrais, mais je pense sincèrement que d’autres auteurs savent le faire avec plus de talent que moi. En revanche décrire un marginal vivant en Suisse, dans ma ville, là, je connais mon sujet. Même en le romançant, je peux rester plausible.

Pourquoi écrire? Pourquoi décrire la zone?

Pourquoi mettre des mots sur le mal-être?

Pourquoi photographier ma ville dans sa beauté ou sa laideur? Je ne crois pas être assez bonne photographe pour exposer mes oeuvres. Alors à quoi bon?

Qui ça intéresse? Qui cela intéresserait-il?

C’est vrai finalement. Qui ça intéresse? Quelqu’un en a-t-il quelque chose à foutre de ma façon de percevoir la vie? Et même si quelqu’un en a quelque chose à foutre, pourra-t-il pénétrer mon univers sans se rendre malade?

Heureusement, je le fais juste pour ne pas devenir folle.

Pour ne pas finir enfermée sous neuroleptiques dans un de ces lieux qui m’effraient tellement.

Je suppose que cette seule raison suffit, non?

Commerce en travaux photographié ce matin.